Témoignages
Marie, souffrant de BPCO et infectée par le Covid-19

Marie, souffrant de BPCO et infectée par le Covid-19

Marie, 73 ans (Pas-de-Calais), atteinte de BPCO au stade 2

Marie a souhaité témoigner de cet épisode dont elle sort à peine. Nous sommes le mardi 14 avril. Il est près de midi et, dans le courant de l’après-midi, elle prendra sa voiture, pour la première fois depuis plusieurs semaines, pour se rendre au « drive » de son supermarché habituel afin de récupérer sa commande alimentaire effectuée sur Internet. Cela n’a rien d’un détail. Car pour Marie, il y a un « avant » et un « après » le coronavirus. 

Marie est atteinte de BPCO au stade 2. Diagnostiquée officiellement à l’âge de 72 ans, elle se doutait bien qu’elle était malade depuis de nombreuses années, au fur et à mesure que son souffle s’amenuisait, insidieusement, et que les bronchites devenaient plus fréquentes et difficiles à traiter. Désormais sous traitement, sa maladie est stabilisée et cela lui suffit à maintenir une vie autonome et sociale, car Marie vit seule. Elle est très « connectée », s’astreint à une demi-heure de marche quotidienne, de gymnastique douce ou de vélo d’appartement, et s’investit dans la vie municipale. Le dimanche 15 mars 2020, en tant qu’élue, elle était d’ailleurs à son poste d’assesseur lors du premier tour des élections municipales. C’est à cette occasion qu’elle pense avoir été contaminée par le SRAS-CoV-2, le virus responsable de la maladie Covid-19.

Quand avez-vous ressenti les premiers symptômes de la maladie ?

« Je pense savoir à quel moment précis j’ai été infectée par le coronavirus, même si cela reste une supposition. La fièvre, dont je ne suis pas coutumière, a débuté le vendredi 20 mars, cinq jours après les élections. J’ai consulté mon médecin traitant le soir même. Il suspectait fortement une infection par le coronavirus. Comme mon état général était correct, je suis rentrée chez moi, sans aucun traitement bien entendu, en dehors du paracétamol. Le lendemain, un infirmier est passé à mon domicile et m’a appris à prendre moi-même les constantes (pression artérielle à l’aide d’un autotensiomètre, saturation en oxygène ou taux d’oxygène contenu dans le sang avec un saturomètre), ceci trois fois par jour. Trois jours après, mon généraliste a appelé le SAMU qui m’a conduite aux urgences. La fièvre était toujours présente, mais aucune toux ni essoufflement anormal. Je suis donc rentrée à la maison. Le mercredi, ma saturation était à 89 %*. Cette désaturation soudaine m’a conduite de nouveau aux urgences. J’ai eu un test et, en effet, j’étais positive au SARS-CoV-2. Dans la foulée, j’ai passé un scanner thoracique et les médecins ont constaté que mes poumons étaient déjà affectés.

Avez-vous pu être été hospitalisée immédiatement dans une unité Covid-19 ?

Effectivement, j’ai été prise en charge dans celle du Centre Hospitalier du Pays de Montreuil, près de Berck-sur-Mer, durant une semaine complète, du 25 mars au 1er avril. Ce furent des moments difficiles à vivre, car j’étais consciente de ma vulnérabilité face à ce virus, du fait de mon âge et de ma pathologie respiratoire. Le vendredi 27, un médecin est venu me voir. Ce qu’il m’a dit alors restera toute ma vie dans ma mémoire : « Madame, je peux vous dire que ce ne sera pas facile, mais vous devriez faire partie des 98 % des personnes qui guérissent. »  Il avait certainement de bonnes raisons d’être si affirmatif et je l’ai cru. Cela m’a considérablement aidée sur le plan psychologique.

Lorsque mon état s’est stabilisé, j’ai été transférée dans un service approprié au sein de l’Institut Calot à Berck-sur-Mer, là aussi durant une semaine.

Comment s’est passé votre convalescence ?

J’ai eu la chance de ne pas souffrir de problèmes respiratoires particuliers. Les symptômes auraient pu être bien pires, et j’ai évité de peu l’admission en réanimation. Malgré cela, j’ai touché le fond du fond. Psychologiquement et physiquement, je n’avais jamais ressenti auparavant cet épuisement incroyable. J’avais du dégoût pour la nourriture, pourtant délicieusement cuisinée. Et l’angoisse ! Je n’imaginais même pas que c’était de l’angoisse tellement le ressenti était physique. Je n’osais pas m’endormir de peur de ne pas me réveiller. J’ai reçu de l’oxygène, uniquement pour mon confort, pas pour ma survie. Aujourd’hui, cela fait une semaine jour pour jour que je suis rentrée chez moi. Je n’ai pas encore retrouvé la totalité de mes forces mais je m’assume intégralement. Je prends plaisir à cuisiner mes repas mais je sens qu’il faut « y aller » un peu plus doucement qu’avant.

Des personnes vous aident-elles en vous portant des courses ?

Non, je me débrouille toute seule. Je suis bien connue dans ma petite ville. Un tas de gens m’ont soutenue, par téléphone bien sûr. Je les remercie encore. En effet, j’aurais pu demander de l’aide pour les courses, mais j’avais des provisions dans mon congélateur qui m’ont amplement suffi. A l’hôpital, on m’a bien conseillé de ne pas sortir du tout de chez moi, d’essayer de ne voir personne pendant au moins une semaine. Ensuite, je vivrai le confinement comme le reste de la population : en sortant le moins possible et toujours avec un masque.

Voudriez-vous ajouter un message ?

Je voudrais surtout dire que l’immense majorité des malades infectés par le Covid-19 guérissent, y compris des personnes comme moi, âgées et souffrant d’une maladie chronique respiratoire.

Dans tous les services, des spécialistes aux infirmiers, aux aide-soignants et aux agents d’entretien… En plus des soins, je voudrais remercier l’humanité extraordinaire dont tous ont fait preuve, alors même qu’ils risquent leur vie. Un geste, la main sur le bras. Une phrase d’encouragement : « Ca va aller, madame ». Pour mesurer les gaz du sang, il ne m’ont jamais fait plus mal qu’une simple prise de sang**. L’attention des médecins. Tout cela fut extrêmement précieux pour moi. Lorsque je suis sortie du service où j’ai effectué ma convalescence, j’ai eu droit à une haie d’honneur dans le couloir, car j’étais la première personne guérie à m’en aller. Je vous assure que ce moment-là, je ne l’oublierai jamais. C’est la seule fois où j’ai éclaté en sanglots.

J’ai eu de la chance. Si mon témoignage peut apporter de l’espoir, et en particulier aux personnes de mon âge ayant des maladies respiratoires, alors je serai contente. La vie est belle. Je savoure chaque instant. Si je pouvais conserver très longtemps ce bel état d’esprit… »

Merci à Marie pour son témoignage.

Propos recueillis par Hélène Joubert, journaliste.

PS : Le 15 avril, message de Marie :

« Comme tout acte de la vie courante, j’ai pris plaisir à ma première sortie pour retirer mes courses au « drive ». Là aussi, tant de gentillesse. Sans être une célébrité, loin s’en faut, la jeune femme m’a reconnue et m’a simplement dit « Ravie de vous voir, ne bougez pas, restez dans votre voiture, je m’occupe de déposer vos courses dans le coffre. »

* La saturation est considérée comme normale entre 95 et 100 % et insuffisante en dessous de 95% lorsqu’elle est prise avec un saturomètre.

** Prélèvement de sang artériel dans l’artère radiale (au poignet). Cet examen peut être douloureux mais la prise de sang est indolore si elle est correctement faite.