
En 20 ans, la survie dans le cancer broncho-pulmonaire a...
Le cancer du poumon prend naissance dans les cellules des bronches. Il résulte de la transformation d’une cellule pulmonaire normale en cellule cancéreuse.
On distingue deux grandes catégories en fonction du type cellulaire impliqué :
D’aspect distinct au microscope, ces deux types de cancers évoluent différemment et ne réagissent pas de la même manière aux traitements.
La prise en charge dépend du type de tumeur et doit être adaptée à chaque patient. A ce sujet, si le taux de mortalité pour l’ensemble des cancers a diminué entre 2011 et 2021, c’est dû en grande partie grâce aux avancées de la recherche et à l’amélioration des prises en charge. Toutefois, si le taux de survie à cinq ans s’améliore, il reste faible. En effet, la survie nette à cinq ans après le diagnostic, ajustée selon l’âge, progresse lentement chez les personnes atteintes d’un cancer du poumon : elle est passée de 13 % pour la période 1989-1993 à 17 % entre 2005 et 2010, puis à 20 % pour les diagnostics posés entre 2010 et 2015, avec un taux de 18 % chez les hommes et de 24 % chez les femmes. Les avancées constantes de la recherche laissent espérer des taux de survie en progression.
Le cancer du poumon, ou cancer bronchique, a concerné 52 777 personnes en France en 2023.
Cette augmentation du cancer du poumon est préoccupante chez la femme. Après une progression jusqu’à la fin des années 1990, le nombre de cas et la mortalité associée diminuent chez les hommes, tandis qu’ils continuent d’augmenter chez les femmes. Cette évolution s’explique par le décalage entre les tendances du tabagisme et l’apparition des cancers : la baisse du tabagisme masculin et son augmentation chez les femmes se traduisent par une modification progressive de l’incidence, avec un retard de 20 à 30 ans chez elles.
Le tabac reste le principal facteur de risque – responsable de huit cancers du poumon sur 10 -, mais d’autres substances sont également impliquées, comme l’amiante, le radon, certains hydrocarbures, les gaz d’échappement diesel, la silice et le cadmium.
Des facteurs génétiques, notamment certaines mutations des gènes p53 et EGFR, ainsi que des antécédents familiaux, augmentent également le risque.
Un cancer du poumon sur dix n’est pas dû au tabagisme.
Ces cancers broncho-pulmonaires, qui surviennent chez des individus n’ayant jamais fumé, sont en progression, en France comme dans les pays industrialisés. La pollution atmosphérique, principal facteur de risque, favoriserait le développement de ces cancers en induisant des mutations dans un poumon sain déjà prédisposé.
En effet, les cancers du poumon chez les non-fumeurs présentent une biologie particulière par rapport aux cancers bronchopulmonaires observés chez les personnes fumeuses, avec des altérations moléculaires oncogéniques plus fréquentes dans la tumeur. Par exemple, la mutation du gène EGFR est observée chez environ la moitié des patients atteints de cancer broncho-pulmonaire non à petites cellules (CBNPC) et n’ayant jamais fumé, contre seulement 10 % chez les fumeurs. Dès lors, les thérapies ciblées constituent le traitement privilégié pour ces cancers, dont le profilage moléculaire est désormais systématiquement intégré à une approche thérapeutique personnalisée.
Le pronostic de ces cancers reste relativement favorable, les patients étant souvent en bon état général, avec peu de maladies associées (comorbidités). Cependant, leur diagnostic intervient fréquemment à un stade métastatique, en raison de la difficulté, voire de l’impossibilité, d’un dépistage précoce.
👉 Les cas de cancer du poumon augmentent parmi les individus n’ayant jamais fumé, définis comme ayant consommé moins de 100 cigarettes au cours de leur vie. En 2020 en France, 12,6 % des cancers bronchiques primitifs étaient considérés comme non tabagiques, contre seulement 7,2 % en 2000 (étude KBP-2020, CPLF 2022). Chaque année, la France enregistre environ 40 000 nouveaux cas de cancer broncho-pulmonaire, dont 15 % touchent les hommes et 30 à 40 % les femmes n’ayant jamais fumé. Les populations originaires d’Asie du Sud-Est et les femmes sont particulièrement touchées. En effet, 80 à 90 % de ces cancers du poumon du « non-fumeur » concernent des femmes, bien que les raisons précises restent inconnues. Des facteurs hormonaux pourraient être impliqués.
👉 Les cancers broncho-pulmonaires chez les non-fumeurs sont majoritairement des adénocarcinomes, souvent localisés au niveau des alvéoles pulmonaires, plutôt que des carcinomes épidermoïdes, qui se développent principalement dans les bronches. Il s’agit généralement de tumeurs non à petites cellules, avec des mutations principales, notamment du gène EGFR, ainsi que d’autres (cf. paragraphe plus haut).
Les non-fumeurs présentent fréquemment des altérations spécifiques dans des gènes particuliers, suffisamment capables de transformer une cellule normale en cellule cancéreuse. En plus de la mutation du gène EGFR (qui concerne 50 % des tumeurs broncho-pulmonaires chez les non-fumeurs contre moins de 10 % chez les fumeurs), une quinzaine d’autres altérations oncogéniques ont été identifiées, comme ALK, observé chez environ 20 % des patients, et ROS1, chez environ 15 %.
👉 La pollution de l’air contribue de manière significative à l’apparition des cancers broncho-pulmonaires chez les non-fumeurs, comme l’ont montré diverses études épidémiologiques et expérimentales. Son rôle peut être attribué aux particules fines présentes dans l’air, qui, en raison de leur petite taille (≤ 2,5 μm, PM2,5), sont capables de pénétrer profondément dans le parenchyme pulmonaire.
La pollution provoque des mutations dans des poumons sains, telles que celles observées sur le gène EGFR. Environ 10 % des patients atteints d’un cancer du poumon présentent une mutation de l’EGFR, cette forme de cancer survenant principalement chez des individus n’ayant jamais fumé. Le cancer du poumon chez le non-fumeur n’est donc pas héréditaire, bien qu’il soit souvent associé à des anomalies génétiques.
👉 Ces cancers semblent être favorisés par un microenvironnement inflammatoire qui stimule l’expansion de clones cellulaires EGFR-mutés déjà présents dans le tissu pulmonaire sain. Cette relation a été confirmée et quantifiée par des recherches récentes sur une cohorte française de l’étude KBP-2020, présentée au CPLF 2024 (Lille). Pour sa 3e édition en 2020, l’étude a inclus environ 9000 patients suivis dans des centres hospitaliers généraux. À chaque ville de résidence, un niveau d’exposition à différents polluants (PM2,5, PM10, ozone, dioxyde d’azote, radon) a été associé. Outre EGFR, d’autres altérations génétiques, comme les réarrangements ALK et ROS, ainsi que les mutations KRAS et HER2, ont été étudiées pour examiner l’impact des polluants sur les profils des cancers du poumon.
Les résultats montrent un lien entre l’exposition aux particules fines PM2,5 et la proportion de mutations EGFR parmi les cancers bronchiques, avec un risque multiplié par 1,5. Les patients vivant dans des zones polluées ont ainsi 50 % de risque supplémentaire de développer un cancer du poumon porteur de cette mutation, un risque comparable à celui du tabagisme passif et 15 fois inférieur à celui du tabagisme actif. Les mutations EGFR sont également liées aux PM10 et au dioxyde d’azote.
👉 Le profil moléculaire est désormais un critère clé pour orienter le choix du traitement de précision. En 2023, l’Institut national du cancer a mis à jour ses recommandations concernant la recherche systématique d’altérations moléculaires en cas de cancer bronchique non à petites cellules, tant chez les fumeurs que chez les non-fumeurs, soulignant l’importance d’identifier pour chaque tumeur découverte une cinquantaine de mutations (gènes EGFR, ALK, ROS1, G12C de KRAS, c-MET, HER2, KRAS, BRAF, NTRK1/2/3, RET) via des panels de séquençage de nouvelle génération.
Le principe est simple : si une mutation est détectée, un traitement ciblé est proposé en première ligne (thérapies ciblées dont les inhibiteurs de tyrosine kinase efficaces, traitements de deuxième et troisième génération contre les mutations de résistance aux thérapies ciblées). Si aucune mutation n’est trouvée, l’immunothérapie (inhibiteurs de points de contrôle) est choisie, malgré une efficacité variable pour ces types spécifiques de cancers.
👉 Il est recommandé de faire preuve de vigilance en cas de pneumonie inexpliquée et persistante, de toux chronique chez un non-fumeur, ainsi que de signes généraux (amaigrissement, fatigue, etc.), chez des patients non-fumeurs plus jeunes que les fumeurs (en moyenne vers 45 ans contre 65 ans, respectivement).
Quels sont les symptômes du cancer broncho-pulmonaire ?
Le poumon étant un organe profondément situé, les symptômes apparaissent souvent tardivement, d’où un diagnostic souvent posé à un stade où des métastases sont déjà présentes. Lorsque les cellules cancéreuses se détachent de leur foyer d’origine et se propagent à d’autres parties du corps – structures avoisinantes, comme la plèvre ou le péricarde (qui entoure le cœur), mais également d’autres organes, on parle de métastases. En effet, des cellules cancéreuses peuvent se détacher et circuler via les vaisseaux sanguins ou lymphatiques. Elles atteignent alors les ganglions lymphatiques proches ou d’autres organes, notamment le cerveau, les os, le foie, les glandes surrénales situées au-dessus des reins, ou encore la peau.
Les signes à surveiller sont variés et peuvent se manifester sous différentes formes. Certains sont directement causés par la tumeur, comme la difficulté à respirer (dyspnée ou essoufflement), une toux persistante, des expectorations (crachats) sanguinolentes que l’on appelle hémoptysie, des infections répétées des voies respiratoires (pneumonies, bronchites qui durent et se répètent).
D’autres symptômes peuvent résulter de l’extension de la tumeur dans les régions proches : douleurs thoraciques ou à l’épaule, céphalées, enflement du visage et du cou (œdèmes), des veines jugulaires fortement apparentes (provoqués par la compression de la veine cave supérieure (qui est située dans le thorax et qui draine le sang du haut du corps), difficultés à avaler/déglutir (dysphagie), en relation avec la compression de l’œsophage, altération de la voix ou encore hoquets fréquents, respiration sifflante, etc.
Puis, lorsque le cancer se propage à d’autres régions de l’organisme, des signes plus généraux se manifestent, comme une fatigue inhabituelle et persistante, une perte de poids, une diminution de l’appétit, de la fièvre, des douleurs osseuses ou des troubles neurologiques (maux de tête, etc.).
👉 Pour en savoir plus sur les « symptômes fréquent et moins fréquents » : la liste ici.
L’examen clinique permet d’évaluer l’état général du patient. L’interrogatoire vise à identifier les antécédents médicaux, les pathologies existantes, les traitements en cours, les facteurs de risque et, le cas échéant, la consommation de tabac. Chez les patients âgés, l’examen clinique inclut une évaluation de la fragilité à l’aide de questionnaires et d’échelles spécifiques.
Lorsqu’un signe clinique inquiétant se manifeste, particulièrement chez une personne qui a fortement fumé et/ou pendant de longues années, le médecin généraliste ou le pneumologue prescrit une radiographie et/ou un scanner du thorax ; une radiographie thoracique ne permettant pas d’éliminer totalement la possibilité d’un cancer. En effet, il arrive qu’elle ne révèle aucune anomalie, même si une lésion est pourtant présente dans le poumon. C’est pourquoi un scanner thoracique doit aussi être effectué pour approfondir le diagnostic.
Ces biopsies permettent d’obtenir des informations précieuses, notamment sur le type de cancer, son stade, et parfois sur les altérations moléculaires des gènes impliqués, comme une mutation du gène EGFR ou une « translocation » ALK ou ROS1, qui pourront orienter les traitements à adopter (cf. partie sur Les thérapies ciblées).
Les centres anticancéreux français disposent d’outils de diagnostic intégré, qui dressent le profil morphologique et moléculaire de la tumeur. L’examen microscopique des échantillons et le séquençage génétique à haut débit permet de mieux comprendre les mécanismes de développement du cancer, mais aussi d’orienter le choix des traitements les plus adaptés dans le cadre d’une approche de médecine personnalisée. Cette stratégie associe des traitements standard et des protocoles d’essais cliniques pour chaque patient.
Des examens d’imagerie sont ensuite effectués pour déterminer l’étendue de la maladie. Le scanner thoracique avec injection d’iode, l’IRM (imagerie par résonnance magnétique) ou le scanner cérébral, ainsi que la tomographie par émission de positons (TEP) permettent de repérer d’éventuelles métastases et d’analyser la propagation des lésions. De ces analyses dépendront le choix du traitement.
Pour déterminer le stade du cancer, les médecins utilisent un système international de classification appelé TNM, qui fait référence aux termes « Tumor » (tumeur), « Nodes » (ganglions lymphatiques) et « Metastasis » (métastases).
La classification tient compte de la taille de la tumeur et de son extension dans les poumons, qu’un seul poumon ou les deux soient affectés. Elle évalue aussi l’éventuelle atteinte des structures voisines, telles que la plèvre, le médiastin ou le cœur. L’implication des ganglions lymphatiques est également examinée, ainsi que la présence de cellules cancéreuses dans ceux-ci. Ainsi que la présence de métastases dans d’autres parties du corps.
Le cancer est limité au poumon (« localisé »), avec une taille ne dépassant pas 4 cm, sans atteinte des ganglions régionaux ni métastases.
Le cancer reste localisé, mais dépasse les 4 cm et/ou affecte les ganglions intra-pulmonaires, péribronchiques ou hilaires, sans propagation aux ganglions médiastinaux ni métastases. Précision : les ganglions péribronchiques se trouvent autour des bronches principales, tandis que les ganglions hilaires sont situés au niveau du hile pulmonaire, c’est-à-dire à l’endroit où les bronches, les vaisseaux sanguins et les nerfs pénètrent dans le poumon.
Le cancer devient localement avancé, impliquant des ganglions médiastinaux et/ou une invasion du médiastin ou de la paroi thoracique.
Le cancer est métastatique, avec la présence d’au moins une métastase à distance.
Tous les stades (sauf le stade IV), sont divisés en deux sous-catégories : A et B. Le stade déterminé après le bilan diagnostique est dit clinique (cTNM). Il est cependant fréquent que ce stade soit réévalué après la chirurgie, si cette option de traitement est choisie. Le stade établi après l’intervention chirurgicale est alors appelé pathologique (pTNM).
Le traitement du cancer du poumon comprend plusieurs approches : la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie, les thérapies ciblées et l’immunothérapie, qui peuvent être utilisées individuellement ou en combinaison, en fonction du type et du stade de la maladie.
Précision : Un patient est considéré comme « opérable » s’il présente un état général suffisamment bon pour supporter une intervention chirurgicale sous anesthésie. Une tumeur est qualifiée de « résécable » si elle peut être complètement retirée par chirurgie, ce qui dépend de l’accessibilité de la tumeur, sa taille et sa localisation, ainsi que la possibilité de réaliser une résection sans mettre en péril des organes vitaux.
En France, tout patient traité pour un cancer du poumon doit voir son dossier présenté en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), impliquant divers spécialistes tels que le pneumologue, le chirurgien, le radiothérapeute, le radiologue, le médecin nucléaire et l’anatomopathologiste. De plus, chaque patient doit être inclus dans un essai clinique. Cette approche permet une prise en charge collaborative et une intégration des avancées thérapeutiques les plus récentes.
Pour les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC), l’intervention chirurgicale visant à retirer la tumeur est la seule option curative. Cette procédure est recommandée pour les tumeurs limitées au thorax (stades I, II et stades IIIA opérable et résécables). Elle consiste à retirer tout ou une partie du poumon où se situe la tumeur (le retrait complet du poumon est rare) ainsi que les ganglions lymphatiques voisins (« curage ganglionnaire »).
La majorité de ces interventions se pratiquent par des techniques mini-invasives, telles que la thoracoscopie, la chirurgie assistée par robot ou vidéo. Avant ou après l’opération (en « péri-opératoires »), des traitements médicaux complémentaires, incluant chimiothérapie, immunothérapie, thérapie ciblée et radiothérapie, peuvent être utilisés pour réduire les risques de rechute et augmenter les chances de survie. En particulier, si la résection n’est pas totale, la chirurgie peut être complétée par une radiothérapie.
Lorsque la chirurgie est jugée trop risquée chez un patient atteint d’un cancers bronchiques non à petites cellules CBNPC, une alternative est proposée sous forme de radiothérapie stéréotaxique. De manière générale, la radiothérapie bloque la capacité des cellules cancéreuses à se multiplier.
La radiothérapie stéréotaxique est une technique de grande précision. Elle utilise des microfaisceaux convergents pour délivrer une forte dose de radiations sur de très petites zones, en entourant la tumeur ou la métastase. Le terme « stéréotaxie » désigne la méthode de repérage en 3D, réalisée par imagerie, avant l’administration de la radiothérapie.
« Le choix du type de radiothérapie dépend de la taille et de la localisation de la tumeur, précise le Pr Nicolas Girard chef de département d’oncologie médicale à l’Institut du Thorax (Institut Curie, Paris). Si la tumeur mesure moins de 4 cm et qu’elle est située dans le parenchyme pulmonaire, une radiothérapie stéréotaxique sera privilégiée. En revanche, si la tumeur est plus volumineuse et associée à des adénopathies (ganglion lymphatique, qui a augmenté de volume) dans le médiastin, une radiothérapie conventionnelle sera plutôt indiquée. »
Quelle que soit la radiothérapie, l’objectif est de cibler les cellules tumorales tout en préservant au maximum les tissus sains et les organes voisins, qui sont des organes à risque (tels que le cœur, l’œsophage, la moelle épinière, etc.).
Pour les tumeurs localisées au stade III (cancers bronchiques à petites cellules et cancers bronchiques non à petites cellules), mais non opérables, le traitement de référence consiste à combiner chimiothérapie et radiothérapie. De plus, une immunothérapie complémentaire est administrée pendant un an après la radiothérapie, pour réduire la survenue de récidives. Dans certaines situations, une thermo-ablation est réalisée. « Mais l’utilisation de la thermo-ablation est en réalité une situation assez rare, fait remarquer le Pr Nicolas Girard. La chirurgie reste le traitement de référence lorsqu’une tumeur est localisée. Pour les patients inopérables (insuffisance respiratoire, bronchopneumopathie chronique ou autre pathologie rendant la chirurgie thoracique impossible), une radiothérapie stéréotaxique – le standard dans ce cas – peut être proposée. Si cette option n’est pas envisageable non plus, du fait de la localisation de la tumeur, on peut alors recourir à une technique de thermoablation (radiofréquence ou cryothérapie), mais ces cas restent très minoritaires. »
Les chimiothérapies visent à altérer l’ADN des cellules cancéreuses et/ou à bloquer leur capacité à se diviser. Dans certains cas, elles sont administrées avant une opération pour réduire la taille de la tumeur à enlever, une approche désignée sous le nom de traitement néoadjuvant. La chimiothérapie peut être administrée après une intervention chirurgicale qui a consisté à enlever la tumeur. Ceci dans le but d’éliminer toute cellule cancéreuse résiduelle, ce qui constitue alors un traitement dit adjuvant. Enfin, les chimiothérapies peuvent également être utilisées en complément d’autres traitements, en augmentant la vulnérabilité des cellules cancéreuses à la radiothérapie ou à l’immunothérapie en particulier.
Depuis une quinzaine d’années, l’immunothérapie a fait son apparition en cancérologie. Normalement, le système immunitaire détecte les cellules cancéreuses comme des intrus et les élimine. Cependant, les cellules tumorales acquièrent certaines caractéristiques qui leur permettent de bloquer ou de contourner ces mécanismes de défense. L’immunothérapie vise à réorienter le système immunitaire du patient, pour l’aider à reprendre le combat contre la tumeur. Ceci avec des effets secondaires moindres que la chimiothérapie.
👉 Les inhibiteurs des points de contrôle immunitaire, administrés par injection intraveineuse, ciblent certains récepteurs présents à la fois à la surface des cellules cancéreuses et des cellules immunitaires. Or, ces récepteurs, lorsqu’ils interagissent, bloquent l’action du système immunitaire contre la tumeur. Les cellules du système sont alors anesthésiées et la tumeur peut croître sans être empêchée.
Il y a plusieurs types de récepteurs concernés :
En temps normal, le système immunitaire laisse ces interactions se produire, ce qui permet aux cellules tumorales d’échapper à la détection et de se développer. C’est pourquoi les chercheurs ont conçu des anticorps de synthèse qui sont des médicaments « anti-checkpoints ». En bloquant cette interaction, ils permettent la réactivation du système immunitaire contre les tumeurs. Les cellules immunitaires ne sont plus « anesthésiées ».
Parmi ces médicaments, on trouve des anti-PD-1 (nivolumab, pembrolizumab, cemiplimab) ; des anti-PD-L1 (atezolizumab, avelumab, durvalumab) ainsi que des anti-CTLA-4 ().
👉 Les thérapies cellulaires et géniques, notamment les cellules CAR-T, reposent sur un principe innovant : il s’agit de prélever un type spécifique de cellules immunitaires, les lymphocytes T, chez un patient, puis de les modifier génétiquement en laboratoire afin de leur permettre de reconnaître et d’attaquer spécifiquement les cellules cancéreuses, avant de les réinjecter au patient, où ils sont désormais capables de cibler et de détruire les cellules tumorales de manière plus efficace. Aujourd’hui, les cellules CAR-T ne sont pas disponibles en routine mais relèvent uniquement du domaine de la recherche et dans des phases encore très préliminaires.
👉 En revanche, les anticorps bispécifiques sont probablement plus prometteurs. Ils ciblent simultanément les cellules tumorales et les cellules immunitaires. Ces traitements ont montré une efficacité en cas de rechute après une première ligne de chimio-immunothérapie, ou après une association de thérapie ciblée et de chimiothérapie chez les patients présentant certaines altérations génétiques.
👉 Des vaccins thérapeutiques contre le cancer personnalisés, spécifiques à la tumeur de chaque patient sont en cours de développement. L’objectif est de concevoir un vaccin spécifique, destiné à stimuler le système immunitaire contre certaines protéines exprimées par la tumeur. Ces approches restent encore à un stade précoce de recherche.
👉 Les conjugués anticorps-médicaments (ADC, pour antibody-drug conjugates). Les recherches en chimiothérapie ciblée se concentrent sur les conjugués anticorps-médicaments. Ces molécules sophistiquées sont conçues pour cibler spécifiquement les cellules cancéreuses tout en épargnant les tissus sains. Elles viennent compléter les traitements classiques de chimiothérapie non ciblée. En se fixant sur les cellules tumorales, l’anticorps contenu dans l’ADC libère directement la chimiothérapie au sein de la tumeur, ce qui permet de détruire l’ADN des cellules cancéreuses. Ces molécules visent à limiter la toxicité en épargnant les tissus sains. Contrairement, par exemple, au cancer du sein où ils sont récemment devenu un standard de soin, dans le cancer du poumon, les résultats cliniques obtenus jusqu’ici restent décevants, probablement en raison de l’hétérogénéité des tumeurs. On attend les résultats des avec des conjugués anticorps-médicaments de nouvelle génération en première ligne de traitement.
Pr Nicolas Girard chef de département d’oncologie médicale à l’Institut du Thorax (Institut Curie, Paris) : « L’immunothérapie ne fonctionne que chez une minorité de patients atteints de cancer du poumon, et il reste difficile d’identifier, avant le traitement, les personnes pour qui cette thérapie sera efficace (les bons répondeurs) Pour affiner cette prédiction, des chercheurs de l’Institut Curie, de l’Inserm et de Mines Paris-PSL ont combiné plusieurs types de données (génomiques, radiologiques, anatomopathologiques et cliniques) au sein d’algorithmes d’intelligence artificielle. Cette approche multimodale permettrait de mieux personnaliser les traitements, en évitant l’escalade inutile chez certains patients et en l’intensifiant chez d’autres. La prédiction de la réponse à l’immunothérapie reste un défi, car elle dépend d’un grand nombre de facteurs liés à la tumeur, mais aussi aux caractéristiques immunitaires propres à chaque patient. Il faut analyser l’imagerie (scanners), les données biologiques, le profil immunologique et l’histoire clinique. C’est une approche forcément multimodale. Ce besoin d’intégration tombe à un moment où la capacité à agréger et interpréter des données hétérogènes progresse rapidement. Grâce à l’intelligence artificielle, il devient possible de croiser des données complexes – imagerie, biologie, anatomopathologie – pour identifier des marqueurs prédictifs. Ces outils pourraient permettre de déterminer si un patient est un bon candidat à l’immunothérapie seule, ou s’il faut l’associer à une chimiothérapie, voire l’intensifier. Cette démarche diffère de la recherche de mutations pour cibler un traitement : il s’agit ici d’anticiper l’efficacité et la durée de la réponse. Certains algorithmes existent déjà, même s’ils restent imparfaits. Avec l’augmentation des bases de données numériques, ces outils seront bientôt accessibles à un plus grand nombre de patients. L’enjeu sera alors de bien les utiliser, pour répondre aux bonnes questions cliniques. »
Pour un stade de la tumeur identifié IIIA non résécable, un stade IIIB ou un patient non opérable (dans le cadre de cancers bronchiques non à petites cellules), le traitement consiste en une chimiothérapie conventionnelle combinée à une radiothérapie. Si l’association des deux traitements est contre-indiquée, une chimiothérapie seule ou une radiothérapie seule peut être envisagée. Mais dans le cas où le patient ne pourrait pas recevoir de radiothérapie et que la tumeur présente une altération moléculaire (mutation du gène EGFR ou translocations des gènes ALK ou ROS1), une thérapie ciblée spécifique est alors proposée.
Précision : la translocation des gènes ALK (Anaplastic Lymphoma Kinase) et ROS1 désigne un phénomène génétique où une portion d’un chromosome contenant le gène ALK ou ROS1 se déplace et se rattache à un autre chromosome. Dans des conditions normales, les gènes ALK et ROS1 jouent un rôle dans la régulation des processus cellulaires tels que la croissance et la différenciation. Cependant, lorsque ces gènes subissent une translocation, ils deviennent actifs de manière incontrôlée, ce qui provoque la production de protéines oncogénétiques qui favorisent une prolifération cellulaire anormale, menant au développement de cancers, dont celui du poumon.
Les thérapies ciblées spécifiques peuvent bloquer ces protéines anormales produites par les mutation (de EGFR, par exemple) et les translocations, ce qui permet de ralentir ou d’arrêter la progression du cancer. Les altérations génétiques associées à ces translocations sont détectées par des tests moléculaires, et il est désormais possible de proposer des thérapies ciblées spécifiquement destinées à inhiber les protéines issues de ces translocations. Ces traitements, tels que les inhibiteurs de la tyrosine kinase (par exemple, le crizotinib pour ALK et ROS1…), bloquent l’action de ces protéines anormales, ralentissant ainsi la croissance de la tumeur et améliorant les perspectives de traitement pour les patients dont les cancers présentent ces altérations moléculaires.
Pour le cancer métastatique (stade IV), une thérapie ciblée est le traitement de référence pour les patients dont la tumeur présente une altération moléculaire spécifique, comme une mutation du gène EGFR ou une translocation des gènes ALK ou ROS1.
En revanche, si la tumeur ne présente pas de telles altérations moléculaires, la chimiothérapie conventionnelle seule constitue le traitement de référence. Dans certains cas, elle peut être combinée avec un anti-angiogénique (des traitements qui visent à inhiber l’angiogenèse, le processus par lequel de nouveaux vaisseaux sanguins se forment pour alimenter les tumeurs en nutriments et en oxygène). De plus, des immunothérapies spécifiques, visant les récepteurs PD-1 ou PD-L1 à la surface des cellules, peuvent désormais être utilisées afin de stimuler la réponse immunitaire pour attaquer les cellules tumorales (cf. chapitre immunothérapie).
Au cours des 15 dernières années, l’adénocarcinome, le type de cancer du poumon le plus fréquent, a bénéficié de progrès thérapeutiques significatifs. Les avancées en biologie moléculaire ont permis de découvrir que certaines de ces tumeurs résistaient à la chimiothérapie conventionnelle en raison de mutations génétiques, notamment celles affectant les gènes EGFR (la plus courante) ou ALK. Pour lutter contre ces formes de cancer, de nouveaux traitements que sont les thérapies ciblées ont été développés, comme les inhibiteurs de tyrosine kinases (ITK), tels que le géfitinib ou l’erlotinib, qui ciblent les cellules porteuses de ces mutations. Toutefois, l’efficacité de ces médicaments est souvent limitée dans le temps, car des mutations secondaires peuvent émerger dans les cellules tumorales. Cette résistance est due à l’incapacité de ces médicaments de bloquer complètement l’activité de l’EGFR, qui conserve une activité résiduelle permettant aux cellules de contourner le traitement et de développer de nouvelles mutations. Des médicaments plus récents, comme l’osimertinib, ont été conçus pour contrer cette résistance, mais le même mécanisme de mutation peut se reproduire, entraînant l’apparition de nouvelles résistances.
Les thérapies ciblées ne sont donc pas efficaces indéfiniment : la tumeur finit souvent par développer des mécanismes de résistance. Lorsque la maladie progresse, il est possible soit de réintroduire une thérapie ciblée en réalisant une nouvelle biopsie tumorale pour connaître la nouvelle mutation (en cas de re-sensibilisation à la première thérapie ciblée), soit d’opter pour une approche différente. La tendance actuelle consiste à proposer des stratégies moins dépendantes des mécanismes précis de résistance, parfois avec des traitements dits « agnostiques » du profil moléculaire, c’est-à-dire qui agissent indépendamment du type histologique (l’apparence des cellules cancéreuses comparée à celle des cellules normales et saines) ou de la localisation de la tumeur.
Par ailleurs, « dans le cas des cancers avec mutation du gène EGFR, la tendance actuelle consiste à associer ou à renforcer les thérapies ciblées afin d’améliorer leur efficacité et leur durée d’action, explique le Pr Girard. Il vient d’être montré qu’un double traitement ciblé est bien plus efficace qu’un médicament seul, notamment. L’objectif est moins de traiter les résistances une fois installées que de les prévenir en amont, en utilisant d’emblée des thérapies ciblées de nouvelle génération. Cette stratégie soulève cependant un débat sur l’escalade thérapeutique systématique et ses implications cliniques. »
Les soins de support englobent un ensemble d’accompagnements destinés à améliorer la qualité de vie des patients traités pour un cancer, tout au long de leur parcours de soins. Ils incluent notamment un soutien psychologique et social, des séances de rééducation, un suivi nutritionnel, une prise en charge adaptée de la douleur ainsi qu’une activité physique adaptée. Ces approches complémentaires permettent de mieux gérer les effets secondaires des traitements et d’optimiser le bien-être des patients.
Pour en savoir plus : le site de l’AFSOS, Association Francophone des Soins Oncologiques de Support
Le projet IMPULSION (IMPlémentation du dépistage du cancer du pULmonaire par Scanner en populatION) qui début en France a pour objectif est d’évaluer la faisabilité d’un dépistage du cancer du poumon à grande échelle sur l’ensemble du territoire national, afin de déterminer si un passage à un dépistage organisé est envisageable. Cette étude inclura 20 000 participants entre 2025 et 2026 et suivra ces derniers pendant trois ans.
Le programme suit les recommandations scientifiques de l’INCa, élaborées en collaboration avec plusieurs sociétés savantes, dont la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF). Les participants éligibles sont des personnes âgées de 50 à 74 ans, fumeuses avec un historique de plus de 20 paquet-années (ou ayant fumé plus de 15 cigarettes par jour pendant plus de 25 ans, ou plus de 10 cigarettes par jour pendant plus de 30 ans), qu’elles soient actives ou sevrées depuis moins de 15 ans. Ces individus doivent être asymptomatiques, ne présenter aucune comorbidité majeure qui pourrait empêcher un diagnostic ou traitement approprié, ne pas avoir d’antécédent personnel de cancer du poumon, et ne pas avoir réalisé de scanner thoracique au cours des 12 derniers mois. En France, cela représente près de 4 millions de personnes.
Le dépistage commencera par une visite d’inclusion visant à évaluer l’éligibilité du participant, suivie d’une prise en charge tabacologique pour les fumeurs non sevrés, idéalement avant la réalisation du scanner. Ce dernier, un scanner thoracique faiblement dosé, devra être interprété par un radiologue formé spécifiquement par les sociétés savantes en radiologie, telles que la Société Française de Radiologie et la Société d’Imagerie Thoracique. Outre l’analyse des nodules, le scanner inclura également l’évaluation de l’emphysème et des calcifications coronaires.
« L’Institut du Thorax Curie-Montsouris a lancé l’étude pilote OPTI-DEPIST-MUT en janvier 2025, qui s’inscrit dans une dynamique de dépistage du cancer du poumon, et devrait à terme intégrer l’initiative nationale IMPULSION, indique Nicolas Girard. Bien que la mise en place de cette étude soit complexe et prenne du temps, elle offre un espoir concret pour réduire la mortalité par cancer du poumon. OPTI-DEPIST-MUT vise à recruter sur 18 mois 500 participants – la plus large cohorte mise en œuvre à ce jour – auprès de 10 centres d’inclusion, en s’appuyant sur le réseau de la Mutualité Française Ile-de-France. Son objectif est de rendre ce dépistage disponible de manière plus efficace au fil du temps, qu’il s’affine progressivement, avec l’atout d’être une approche centrée sur l’ambulatoire, contrairement au modèle hospitalo-centrique. »
Le lien pour y participer sur curie.fr
Rédaction : Hélène Joubert. Dossier réalisé avec et relu par le Pr Nicolas Girard chef de département d’oncologie médicale à l’Institut du Thorax (Institut Curie, Paris)
Références :
L’Institut Curie, une prise en charge d’excellence du cancer du poumon
Panorama des cancers en France – Édition 2024 Institut national du cancer (20 septembre 2024)
INCa : Institut National du cancer et Patients atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules. Indication des tests moléculaires en vue de la prescription de traitements de précision. 2023.
cancer.fr, le site de référence sur les cancers avec un dossier sur le cancer du poumon
Le site de l’Inserm, Cancers pulmonaires : lever la résistance aux thérapies ciblées