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Journée mondiale de lutte contre le cancer. Faut-il dépister le cancer du poumon ?

Journée mondiale de lutte contre le cancer. Faut-il dépister le cancer du poumon ?

Ce vendredi 4 février 2022 est la Journée mondiale de lutte contre le cancer. Alors que le dépistage du cancer colorectal et celui du sein sont bien rodés et intégrés par la population, il en est un qui peine à convaincre les autorités de santé : le dépistage du cancer du poumon. Nouveau rebondissement cette semaine : la Haute autorité de santé plaide pour la mise en place d’un programme pilote avant de déployer le dépistage organisé à large échelle. Un premier pas vers un dépistage organisé du cancer du poumon en France ? Que faut-il en penser ?

Dépister le cancer du poumon, le « oui, mais » de la Haute autorité de santé

Six ans après un premier avis négatif, la Haute autorité de santé (HAS) s’est à nouveau penchée sur la pertinence d’un dépistage organisé du cancer broncho-pulmonaire au moyen d’une imagerie peu irradiante : le scanner faible dose. Cependant, l’instance considère encore, en dépit d’études de grande ampleur et d’expérimentations régionales satisfaisantes, qu’elle manque de preuves décisives pour se décider à généraliser le dépistage du cancer du poumon.

Dans sa déclaration, la HAS reconnaît néanmoins que les arguments en faveur du dépistage sont de plus en plus convaincants et ouvre la voie à un dépistage organisé lequel, selon les calculs, permettrait de sauver environ cinq vies pour mille personnes dépistées.

Des vies sauvées et moins de cancers découverts à un stade tardif

Les tumeurs broncho-pulmonaires restent la première cause de décès par cancer. Les études, les compilations d’études (méta-analyses) convergent « avec un niveau de preuve élevé » en faveur du dépistage par scanner faible dose chez les personnes fortement exposées au tabac car cela permettrait de diminuer la mortalité liée au cancer du poumon.

Un autre effet de ce dépistage serait de réduire le taux de cancers dépistés à un stade avancé ; ce qui s’avère « un résultat intéressant dans le cas du cancer du poumon dont le pronostic est d’autant plus sombre qu’il est détecté à un stade tardif », souligne la HAS.

L’impact sur le taux de cancers dépistés à un stade précoce reste, lui, à confirmer. De plus, on ne dispose pas encore de données en termes d’impact du dépistage sur la mortalité. Cela se comprend : pour remarquer un effet sur la mortalité, il faudrait être en mesure de suivre sur une longue période un très grand nombre de patients ayant un cancer du poumon et savoir distinguer parmi les décès ceux à mettre sur le compte de l’âge et des maladies associées au tabagisme chronique.

Au total, « le dépistage du cancer broncho-pulmonaire par scanner faible dose a démontré une diminution de la mortalité spécifique et du taux de détection des cancers à un stade avancé avec un niveau de preuve élevé, ce qui est en faveur de la mise en place du dépistage », résume la HAS.

Des questions encore non résolues

La HAS pointe des lacunes dans la conception du dépistage, afin de l’optimiser. Il s’agit par exemple de déterminer sa valeur prédictive positive (indique la probabilité que la maladie soit réellement présente lorsque le résultat du test est positif), sa sensibilité (probabilité que le test soit positif si la personne est atteinte de la maladie) et sa spécificité (probabilité que le test soit négatif si la personne testée est indemne de la maladie) ainsi que d’autres paramètres.

Pr Charles-Hugo Marquette, chef du service de pneumologie au CHU de Nice

La crainte d’un surdiagnostic n’est pas encore écartée. Comme l’écrit la HAS, « les méta-analyses retrouvent avec un niveau de preuve « modéré », une augmentation du surdiagnostic avec le dépistage par scanner basse dose et un taux faux positif ayant conduit à des examens diagnostiques invasifs (de 0,1 % à 1,5 %) avec un taux de complications lié à ces examens complémentaires de 0,1 % à 1,3 %. » L’autorité de santé veut tout verrouiller avant de se lancer dans le dépistage du cancer du poumon à la Française. Les États-Unis et la Chine ont déjà franchi le pas. L’Australie, le Royaume-Uni, ou le Canada ont lancé leur propre expérimentation.

Interrogé par Santé respiratoire France fin 2018, le Pr Charles-Hugo Marquette, chef du service de pneumologie au Centre Hospitalier Universitaire de Nice, estimait qu’une telle politique de dépistage dans l’Hexagone était urgente. Avec une trentaine d’experts cancérologues, pneumologues et radiologues, il était d’ailleurs monté au créneau pour réclamer sa mise en place.

Lire : cancer du poumon : à quand un dépistage systématique chez les fumeurs pour sauver des vies ?

Le lancement début 2021 de la stratégie décennale de lutte contre les cancers, où le dépistage du cancer broncho-pulmonaire est ressorti comme l’une des mesures prioritaires, a probablement joué dans la décision de la HAS d’aller de l’avant.

Dr Olivier Leleu, chef du service de pneumologie et d’oncologie thoracique (CH d’Abbeville)

En janvier 2021 également, une étude en « vraie vie » (DEP-KP80) conduite dans le département de la Somme avait fait du bruit : elle avait validé l’efficacité et la faisabilité du dépistage organisé du cancer du poumon chez les personnes à risque (âge compris entre 55 et 74 ans, un tabagisme supérieur à 30 paquets/années, fumeur actuel ou sevré depuis moins de 15 ans).

Lire : le dépistage organisé du cancer du poumon se profile.

« Du point de vue scientifique, le dépistage individuel du cancer du poumon ne fait plus débat », indiquait le Dr Olivier Leleu, chef du service de pneumologie et d’oncologie thoracique (CH d’Abbeville) qui a dirigé l’étude DEP-KP80. « Nous disposons de données qui démontrent l’intérêt de ce type de dépistage. » 

Santé respiratoire France en faveur du dépistage du cancer du poumon

La mise en place d’un dépistage organisé du cancer du poumon chez les personnes à risque (gros fumeurs notamment) ne semble plus désormais qu’une question de temps et de volonté politique. C’est l’un des combats de l’association Santé respiratoire France.

Le cancer bronchique s’envisage désormais au féminin
 
ACTUALITE. De nouveaux chiffres annoncés au congrès de pneumologie de langue française (CPLF, Lille 21 au 23 janvier 2022) ont le mérite de braquer les projecteurs sur un changement de paradigme dans le cancer du poumon, où le stéréotype de l’homme âgé tabagique à la vie dure. Outre la progression du cancer bronchique parmi la population de non-fumeurs, l’étude KBP-CPHG 2020, renouvelée tous les dix ans par le Collège des pneumologues des hôpitaux généraux, a mis en évidence une augmentation exponentielle des cancers pulmonaires féminins. Ceux-ci représentent désormais 34,6 % de l’ensemble des cas contre 16 %, en 2000 et 24 % en 2010. « Si l’on avait déjà remarqué, entre 2000 et 2010, une forte augmentation de ce cancer chez les femmes, cela se confirme malheureusement, et bien au-delà de nos prévisions », déplore le Dr Didier Debieuvre, investigateur principal de l’étude. Sans être une surprise, cette évolution est en grande partie liée à l’augmentation du tabagisme féminin, particulièrement marquée chez les moins de 50 ans, où 40 % des nouveaux cas de cancers bronchiques concernent désormais des femmes.

Hélène Joubert

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