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Tuberculose en France : le nombre de cas repart à la hausse en 2023

Après les baisses répétées pendant les années « Covid », la tuberculose a amorcé un rebond en France en 2023. Si l’incidence est encore faible dans l’Hexagone, Santé publique France insiste sur la nécessité de maintenir les efforts. Le point à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose qui se tiendra le 24 mars prochain.

D’après Santé publique France, via son bulletin épidémiologique hebdomadaire (N° 6-7 | 19 mars 2024) * qui vient de paraître, la tuberculose sévit encore sur notre territoire et il ne faut absolument pas baisser la garde. Pour l’instant, issu de données provisoires, le constat est le suivant : on a dénombré 4 728 cas déclarés en 2023, ce qui témoigne d’un rebond alors que le nombre de cas avait baissé pendant trois années consécutives. Les régions Guyane, Mayotte et Île-de-France sont particulièrement touchées.

Parmi les pistes explicatives, les confinements successifs liés à la pandémie de Covid-19 et les mesures mises en place pour enrayer l’épidémie (interactions sociales réduites, port du masque). Ces mesures barrières rappellent d’ailleurs celles mises en place à partir du XIXème siècle pour lutter contre la tuberculose.

Une autre explication réside, dans une moindre mesure, en une plus grande difficulté d’accès aux structures de soins pendant cette période et donc une baisse des diagnostics, ainsi que l’arrivée de personnes réfugiées issues de pays où la tuberculose est bien plus présente, comme l’Ukraine et la Géorgie. Enfin, selon les auteurs de l’étude, l’inversion de la tendance en 2023 serait en partie due à un rattrapage des cas diagnostiqués. En effet, un dépistage actif de la tuberculose a été mis en place, et une augmentation du nombre de cas de tuberculoses à bacilles multirésistants a été observée après l’arrivée sur le sol français de personnes infectées, provenant de ces pays à haut risque de tuberculose. Il faut souligner que les migrants, dont une partie vit dans l’illégalité, sont confrontés à la précarité, à l’insalubrité qui fait le lit de la tuberculose, au manque de soins et par conséquent au diagnostic de la maladie.

La tuberculose en hausse dans le monde

La France n’est pas un cas isolé. On peut lire dans le BEH que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’environ 10,6 millions d’individus dans le monde ont développé une tuberculose maladie en 2022 et 1,3 million en sont décédés. Le nombre de cas officiellement déclarés dans le monde en 2022 est très nettement supérieur à ceux des années précédentes, en hausse de 16 % par rapport à 2021 et de 28 % par rapport à 2020. Une telle évolution est une première depuis que l’on suit la tuberculose, au milieu des années 1990 : il s’agit même du plus grand nombre de cas déclarés au cours d’une seule année.

En France, depuis les années 70, le taux d’incidence de la tuberculose a en moyenne diminué de 4,7 % par an. Cependant, cette baisse régulière a été interrompue par des hausses limitées et temporaires, souvent liées à des événements directs ou indirects tels que la guerre et l’accueil de réfugiés.

La tuberculose maladie et l’infection tuberculeuse latente chez les jeunes de moins de 18 ans font partie des maladies à déclaration obligatoire en France. Ce qui ne signifie pas pour autant que le patient ait l’obligation de prendre un traitement. Un point particulièrement préoccupant est signalé par Santé publique France : moins de la moitié des tuberculoses maladie déclarées en 2021 ont eu une issue de traitement renseignée. Or, le renseignement des issues de traitement constitue un indicateur indirect de la qualité de la prise en charge des patients et notamment de leur suivi. On peut donc craindre un relâchement des efforts.

La tuberculose, qu’est-ce que c’est ?
La tuberculose est une maladie infectieuse provoquée par le bacille tuberculeux (Mycobacterium tuberculosis, parfois appelée bacille de Koch) qui est une mycobactérie. Celle-ci se transmet par voie aérienne aussi bien aux enfants qu’aux adultes, à partir des formes respiratoires de la maladie. Elle affecte généralement les poumons (tuberculose pulmonaire), mais peut aussi toucher les reins, le cerveau, la colonne vertébrale et la peau.   
 
Le bacille tuberculeux, une fois dans l’organisme, peut y rester à l’état de repos peu actif (« dormant ») et sans provoquer de maladie, et ce pendant des années. C’est ce qu’on désigne par « infection tuberculeuse latente », résultat d’un équilibre entre le système immunitaire de la personne infectée et les bactéries.
 
L’OMS estime que 5 à 10 % des personnes infectées développent la maladie et les symptômes associés : toux prolongée, douleur thoracique, crachats sanguinolents, mais aussi fatigue intense, fièvre, sueurs nocturnes. Ces personnes deviennent par conséquent contagieuses. Les bébés et les enfants sont parmi les plus vulnérables.
 
Le diagnostic de la tuberculose est assuré par des examens qui mettent en évidence le germe responsable sur des prélèvements. Des radiographies et des scanners recherchent quant à eux les lésions causées par la maladie. Quant au dépistage de la tuberculose-maladie, donc dirigé vers des personnes qui ne présentent pas de symptôme ou ignorent leur existence, il repose sur l’examen clinique, la radiographie pulmonaire, les examens bactériologiques des expectorations (crachats) et/ou des tests d’amplification génique.
 
Non traitée, la tuberculose maladie évolue, pouvant entraîner le décès. Cependant, elle guérit lorsqu’un traitement antituberculeux efficace (durant au minimum trois à six mois) est correctement suivi jusqu’à son terme. La durée du traitement peut être supérieure en cas de tuberculose maladie ou de tuberculose résistance (environ 9 mois). Si toutes ces conditions étaient réunies : une prescription adéquate (posologie, durée), une surveillance du patient, une bonne observance du traitement, sans rupture dans la prise du médicament, alors la tuberculose serait un danger écarté, en France et dans le monde. La clé est dans l’accès au diagnostic et au traitement et l’observance de celui-ci.
 
Seule la vaccination par le vaccin BCG est en mesure de prévenir la maladie. L’obligation de vaccination par le BCG chez l’enfant et l’adolescent a été suspendue en 2007, au profit d’une recommandation forte de vaccination des enfants les plus exposés à la tuberculose, dans l’objectif de réduire les formes graves de la maladie. Certaines populations restent à très haut risque de tuberculose du fait de leurs conditions de vie, notamment précaires, ou de leur parcours personnel.

Dilatation des bronches, cancer, BPCO… l’importance grandissante des séquelles après une tuberculose

Le dernier fait marquant que mentionne Santé publique France dans sa publication est la prise en compte récente de l’importance croissante des séquelles de la tuberculose, pouvant affecter certains patients ayant pourtant terminé avec succès leur traitement antituberculeux.

En effet, cette entité dénommée « maladie pulmonaire post-tuberculeuse » devient de mieux en mieux connue et discutée lors des congrès scientifiques. Bien que l’estimation précise du nombre de patients ayant survécu à une tuberculose reste difficile, on admet qu’environ 155 millions de personnes étaient en vie en 2020 après avoir contracté une tuberculose. Cela représente environ 2 % de la population mondiale, ce qui est considérable.

Or, des données récentes indiquent que les personnes ayant survécu à une tuberculose sont exposées à un surrisque de mortalité. De plus, les problèmes respiratoires survenant après une tuberculose pulmonaire peuvent être très invalidants. Une méta-analyse (compilation des études parues sur un même sujet) a montré que 59,1% des patients ayant réalisé un test respiratoire (spirométrie) après avoir terminé leur traitement antituberculeux présentaient des résultats anormaux (contre 5,4% des sujets contrôle) **. Chez ces patients pourtant guéris de l’infection, une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) peut survenir, même en l’absence de séquelles radiologiques thoraciques. Enfin, le surrisque de développer un cancer broncho-pulmonaire après un diagnostic de tuberculose est désormais bien documenté, et celui de développer une dilatation des bronches n’est pas négligeable.

Elaborer des stratégies de dépistage et intensifier la recherche médicale sont donc des enjeux cruciaux en 2024 pour lutter contre la tuberculose.

Pour aller plus loin :

👉 La Dilatation des bronches

👉 La BPCO

Références :

* Surveillance et contrôle de la tuberculose en France : actions coordonnées pendant la pandémie de Covid-19 et en temps de guerre en Europe. BEH N° 6-7 | 19 mars 2024.

** Taylor J, Bastos ML, Lachapelle-Chisholm S, Mayo NE, Johnston J, Menzies D. Residual respiratory disability after successful treatment of pulmonary tuberculosis: A systematic review and meta-analysis. EClinicalMedicine. 2023;59: 101979.

Par Hélène Joubert

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