Pour lutter contre les déserts médicaux, la Meuse parie sur la télémédecine

La santé du futur s’expérimente dans les territoires : e-Meuse Santé est la première expérimentation à grande échelle de télésurveillance de patients atteints d’apnées du sommeil ou de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).

Le Dr Jean-Claude Cornu, chef du service de pneumologie au Centre hospitaliser de Verdun Saint-Mihiel, coordonne une étude régionale exploitant les outils connectés afin de pallier le manque de professionnels de santé au sein d’un désert médical : la Meuse. Car si le digital est un levier pour régler des enjeux de santé dont la lutte contre la pénurie territoriale de soignants, avant de l’adopter, il faudra d’abord l’expérimenter sur le terrain.

Par son dispositif e-Meuse Santé, le département de la Meuse et ses voisins la Haute-Marne, la Meurthe et Moselle viennent de lancer au printemps 2022 deux appels à expérimentation (sur le maintien à domicile et sur la téléconsultation) pour créer l’ébauche d’un service public de l’accès aux soins. Ce projet, co-construit dès son origine avec les professionnels de la santé et les patients, a pour objectif d’améliorer l’accès aux soins pour tous grâce à la santé numérique, en expérimentant les solutions et les impacts du numérique dans l’amélioration des parcours de soins des patients. L’objectif est de partir des besoins et attentes des populations pour construire les solutions techniques et organisationnelles.

L’enjeu relevé par le projet e-Meuse santé est en premier lieu l’équité de l’accès aux soins sur l’ensemble des territoires.

« La télémédecine est-elle la solution aux déserts médicaux ? Cette idée couramment entendue n’a pas été vraiment démontrée, souligne le Dr Cornu, d’où l’initiative e-Meuse Santé. Dans le cadre du manque de praticiens, plusieurs thèmes ont été choisis, en particulier la BPCO et les apnées du sommeil, afin spécifiquement de définir des organisations innovantes, performantes et économiquement viables et pérennes. Depuis septembre 2021, les patients de la Meuse porteurs d’un syndrome des apnées obstructives du sommeil (SAOS) ou de BPCO ont la possibilité d’intégrer notre étude départementale et d’être télésuivis par notre service de pneumologie du Centre Hospitalier de Verdun qui en assure la responsabilité médicale. »

👉 Cette étude est la première réalisation du projet e-Meuse Santé du Programme d’Investissement d’Avenir porté par le Conseil départemental de la Meuse dans le cadre du PIA 3 « Territoire d’innovation ». Durant 3 ans et demi, 400 patients seront télésuivis afin d’évaluer l’intérêt d’une prise en charge intégrant des objets connectés dans ces maladies respiratoires chroniques, vis-à-vis de la qualité de vie comme de la prise en charge de la maladie (réduction du nombre d’exacerbations en colligeant des paramètres prédictifs de leur survenue, notamment ; prise de conscience de la sédentarité et stimulation de l’activité physique, dépistage de troubles du rythme, etc.).

👉 « Allier l’humain et le digital dans l’introduction de la e-santé dans nos pratiques colle parfaitement avec notre expérience, car, en plus des outils numériques, la participation humaine est prépondérante, indissociable de la réussite de l’expérience et de l’appropriation du digital par les principaux intéressés que sont les patients, et même les soignants et les autres personnes impliquées dans le dispositif (formation des intervenants, éducation des patients). Cela peut paraître contradictoire, l’un des objectifs de la e-santé étant de pallier le manque de professionnels de santé. Jusqu’à maintenant, nous réalisons – du moins dans le cadre de l’expérimentation – que le dispositif est au contraire consommateur de moyens humains. Nous comptons cependant sur la mise au point d’algorithmes qui devraient réduire le coût humain des objets connectés, d’une part et sur l’éducation des patients pour accroitre leur autonomie d’autre part. Il est aussi possible que l’expérience révèle que les outils connectés ne sont en réalité utiles qu’à un certains phénotypes de patients. Nous allons le découvrir. »

Les résultats de ce projet de santé, mais aussi projet de territoire seront connus d’ici à 2025, grâce à l’équipe du Professeur Pépin qui pilote cette étude (INSERM Grenoble).

🔍 e-Meuse en pratique
Dans e-Meuse Santé dédié à la BPCO et aux apnées du sommeil, le patient bénéficie d’une prise en charge intégrée à domicile pendant 6 mois, avec mise à disposition d’objets connectés (balance, tensiomètre, actimètre et machine de PPC connectée par la société SEFAM et la solution de télésurveillance Bora care™ par BiOSENCY, mesurant la saturation en oxygène, la fréquence respiratoire et la fréquence cardiaque, la température cutanée et l’activité physique). L’intégration de ces objets connectés facilite un accompagnement en éducation thérapeutique personnalisé dans le cadre d’un réseau de soin labellisé (ADOR) et une implication du patient dans le changement de ses habitudes de vie. Au-delà d’analyser l’évolution de la qualité de vie de patients ayant une pathologie respiratoire chronique, lors d’une prise en charge intégrée, cette étude regarde si d’autres critères évoluent tels que l’observance du traitement, l’activité physique, le poids, la variabilité de la pression artérielle moyenne, la variabilité de la saturation en oxygène, de la fréquence cardiaque et de la fréquence respiratoire pour les patients BPCO, la sévérité de la BPCO pour les patients concernés, la somnolence… Chaque jour, une infirmière dédiée du service de pneumologie consulte les relevés et alerte le pneumologue en cas d’anomalies (épisodes de désaturations, variabilité de la fréquence cardiaque et respiratoire, chute d’activité – sédentarité pour ce qui concerne la BPCO, observance insuffisante, majoration de l’index d’apnées résiduelles, fuites excessives dans le cas du SAOS.)

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