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Les promesses d’un vaccin thérapeutique contre l’asthme aux acariens

Les promesses d’un vaccin thérapeutique contre l’asthme aux acariens

Un vaccin contre l’asthme aux acariens anti-allergie aux acariens fait l’objet de recherches par plusieurs équipes dans le monde. Celle de Grégory Bouchaud, chercheur à l’INRAE-Bia « Allergie aux protéines » (Nantes), est parvenue en 2015 à publier des résultats très encourageants d’un vaccin chez la souris. Cinq ans plus tard, en 2020, une étape supplémentaire vient d’être franchie.

Votre « vaccin anti-acariens » était une réussite chez l’animal. Qu’en est-il depuis ?

Grégory Bouchaud, chercheur à l’INRAE-Bia « Allergie aux protéines » (Nantes)

G. Bouchaud : L’asthme est une maladie chronique des voies respiratoires souvent due à une sensibilisation aux aéroallergènes, en particulier les allergènes d’acariens. Nous étions parvenus à vacciner des souris contre l’un des allergènes aux acariens les plus fréquents, une petite protéine appelée Dermatophagoides pteronyssinus protein 2 (Der p 2), à laquelle sont sensibles près de 90 % des personnes allergiques aux acariens.

Nous avions réalisé le screening d’une centaine de peptides d’acariens, testés in silico puis in vitro puis in vivo chez l’animal.La recherche d’un peptide issu de l’allergène d’acarien Der p2 capable d’induire une tolérance a pris du temps : le fragment d’allergène devait être suffisamment important pour induire une réaction (préservation de l’immunogénicité) mais pas suffisamment pour provoquer une sensibilisation allergique d’asthme. L’ingénierie génétique a ensuite permis le développement de peptides hypoallergéniques recombinants thérapeutiques dérivés d’allergènes entiers et présentant des propriétés intéressantes, telles qu’une faible réactivité vis-à-vis des IgE * et l’induction de lymphocytes T 17 (Th17)**.

Dans les modèles murins, nous avions montré que toutes les caractéristiques liées à l’asthme peuvent être évitées par l’administration en prophylaxie de peptides dérivés de Dermatophagoides pteronyssinus 2 : le vaccin avait permis de totalement supprimer la réactivité des bronches de souris asthmatiques allergiques aux acariens (1). Quelques années ont passé où nous avons dû envisager des questions de population cible pour ce vaccin anti-asthme allergique aux acariens, en particulier les populations à risque, de par leur terrain familial par exemple. Nous avons dû le considérer également comme un vaccin thérapeutique, utile une fois l’asthme déclaré. Cela nous a amenés à conduire des essais précliniques chez la souris ayant un asthme aigu ou un asthme chronique allergique aux acariens, après la survenue d’une première crise d’asthme et avec pour objectif d’empêcher les crises ultérieures.  

Quels sont les derniers résultats que vous avez obtenus ?

Nous avons publié en novembre 2020 (2) les résultats d’une phase préclinique sur modèle murin, démontrant une réelle efficacité de notre candidat vaccin : la vaccination (une injection suivie d’un rappel) supprime totalement les crises d’asthme ultérieures, améliore la fonction respiratoire et limite l’inflammation des bronches. De plus, le vaccin permet le développement d’un environnement « tolérogène ». De ce fait, une fois l’animal vacciné, la réexposition aux acariens n’enclenche pas de crise d’asthme, ce qui fait la différence avec toutes les thérapeutiques existantes. Ce succès est en rapport avec les mécanismes immuno-allergiques de la production de molécules tolérogènes, lesquels sont défectueux chez les personnes allergiques. On restaure la production de ces molécules (interleukine-10 ou IL-10, en particulier) et, de ce fait, la tolérance.

Contrairement à d’autres traitements actuellement disponibles, notre vaccin anti-asthme allergique aux acariens (ou « immunothérapie peptidique dérivée d’allergènes ») ne se contente pas d’améliorer les symptômes, mais les fait complètement disparaître. Les souris vaccinées se trouvent dans le même état physiologique que les souris n’ayant jamais eu d’asthme aux acariens ; en cela le vaccin abroge les caractéristiques liées à l’asthme chez les souris.

De plus, nous avons testé notre vaccin thérapeutique aux acariens in vitro sur des cellules humaines de personnes asthmatiques (cellules mononucléées du sang périphérique de patients asthmatiques sévères). Il s’est avéré efficace pour empêcher la réaction inflammatoire induite par ces cellules lors de leur activation par les acariens ; ceci en réduisant la production de molécules pro inflammatoire (IL-4, IL-17) et en augmentant la production de molécules anti inflammatoires (IL-10).

L’environnement tolérogène étant augmenté, est-il possible que la tolérance s’étende à d’autres allergènes que ceux des acariens ?

Nous l’avons pour l’instant vérifié avec deux espèces d’acariens distinctes. En vaccinant contre les allergènes d’une espèce, nous constatons une tolérance vis-à-vis des allergènes de la seconde espèce contre laquelle l’animal n’était pourtant pas vacciné. Il nous faudra tester une éventuelle tolérance aux pollens ou aux poils d’animaux.

L’immunothérapie à base d’allergènes pourrait être considérée comme une thérapeutique prometteuse. Quand pensez-vous pouvoir passer aux essais cliniques chez l’homme ?

D’ici à cinq à sept ans je pense, nous serons en mesure d’avoir des résultats. La Covid-19 a ralenti le projet. Nous sommes en train de finaliser le protocole de l’étude (personnes asthmatiques cibles, critères d’inclusion et d’exclusion des patients, caractère éthique de l’étude, traitement de référence de l’étude), de discuter avec des industriels en mesure de nous fournir les doses de vaccin, mais aussi de tester l’éventualité d’associer le vaccin à certaines molécules afin d’augmenter l’efficacité du traitement, par exemple en associant le vaccin à des corticoïdes inhalés pour cumuler la baisse de l’inflammation bronchique et la tolérance des allergènes.

Références :

(1) Bouchaud G et al. Prevention of allergic asthma through Der p 2 peptide vaccination. Journal of Allergy and Clinical Immunology 2015 Jul; 136(1): 97-200.e1. doi: 10.1016/j.jaci.2014.12.1938. Epub 2015 Feb 11.

(2) Klein M. et al. Der p 2.1 peptide abrogates house dust mites-1 induced asthma
2 features in mice and humanized mice, by inhibiting DC-mediated T 3 cell polarization Front. Immunol. | doi: 10.3389/fimmu.2020.565431 Lire

Propos recueillis par Hélène Joubert, journaliste

Pour aller plus loin :

* Lors de l’allergie, la rencontre avec l’allergène va provoquer chez les individus (pour diverses raisons comme la génétique, l’environnement, l’exposition à des produits, etc.) la production par l’organisme d’anticorps contre l’allergène normalement toléré (comme les acariens, le lait, les pollens, le blé, etc.). Ces anticorps sont de type E : ce sont les IgE (immunoglobuline E). Lors des expositions suivantes à un allergène, les anticorps vont le reconnaitre et provoquer l’éclatement de certaines cellules (on parle de dégranulation) qui vont alors libérer des substances comme l’histamine, ce qui va provoquer nez qui coule, yeux rouges, toux…

** La production d’IgE (immunoglobulines E) par les lymphocytes B (globules blancs particuliers faisant partie des lymphocytes ; ce sont des cellules synthétisées dans la moelle osseuse, et qui circulent dans le sang et la lymphe pour participer aux défenses naturelles de l’organisme) est sous le contrôle de lymphocytes T. Les lymphocytes T vont se différencier en lymphocytes T de type 2 lors de la présence d’allergène chez les individus allergiques. Par ailleur, la réaction allergique va provoquer des lésions tissulaires au niveau du poumon. Ces lésions vont déclencher la différenciation (la transformation) des lymphocytes T en lymphocytes T de type 17 (Th17) pour créer une inflammation afin de réparer le tissu. Malheureusement, la continuité de l’exposition aux allergènes entraîne bien souvent un emballement de la réponse Th17 et donc une inflammation chronique qui aggrave l’asthme. Le lymphocyte Th17 est reconnu comme l’acteur principal de l’inflammation locale par l’intermédiaire des cytokines pro-inflammatoires (interleukines 17, 21, 22) qu’il sécrète et par l’expansion et le recrutement des polynucléaires neutrophiles (globules blancs au rôle majeur dans le système immunitaire) qu’il entraîne. De ce fait, il est impliqué dans les processus inflammatoires chroniques, les maladies auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux disséminé), l’allergie et le rejet de greffes allogéniques.

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