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ToggleAurélie Charvoz est ergothérapeute au centre de réadaptation respiratoire de l’hôpital Renée Sabran (Hospices Civils de Lyon – HCL, Hyères, Var). Elle est spécialisée dans les pathologies respiratoires (Diplôme universitaire de réhabilitation respiratoire), et également formatrice dans les Instituts de formation en ergothérapie (IFE) de la région Sud (Institut de formation public varois des professions de santé – IFPVPS, La Garde, et Aix-Marseille Université – AMU, Marseille).
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Elle explique ici la philosophie de l’ergothérapie, ses principes et ses bénéfices.
« La finalité de l’ergothérapie est de maintenir l’autonomie et l’indépendance fonctionnelle de la personne souffrant d’une maladie chronique, en particulier respiratoire et / ou d’une situation de handicap »
Si l’ergothérapie est surtout connue pour son soutien aux personnes âgées, à celles atteintes de sclérose en plaques, de la maladie d’Alzheimer, de polyarthrite rhumatoïde, de polyhandicap ou d’autisme, elle fournit une aide aussi essentielle qu’insoupçonnée aux malades insuffisants respiratoires (personnes asthmatiques, atteintes de bronchopneumopathie chronique obstructive-BPCO, de mucoviscidose, de fibrose, dans les suites de chirurgie thoracique (cancer), avant et après transplantation pulmonaire, etc.).
En substance, l’ergothérapie est une discipline visant la promotion de la santé et du bien-être des individus au travers de leurs « occupations ». Tout patient est concerné dès lors qu’un problème de santé limite ses possibilités d’effectuer ses soins personnels, ses activités de loisir ou son travail, de se déplacer et de communiquer.
Le point de départ du travail de l’ergothérapeute est l’analyse de la personne, de son environnement et de son activité (quotidienne, professionnelle, loisirs…).
« Notre tâche consiste à étudier ces trois dimensions et à les faire cohabiter afin que la personne conserve son autonomie, complète Aurélie Charvoz. Cela peut consister à revisiter la manière dont la personne effectue certaines tâches (proposer de nouvelles stratégies, que celles-ci soient physiques – gestes et postures – ou comportementales, changer la structure de l’activité en décortiquant les différentes étapes et en les adaptant), voire à modifier une étape qui empêche la personne de réaliser l’activité de manière complète, mais également de revoir l’aménagement de l’environnement (adaptation du plan de travail, de la salle de bain/siège de douche, suggestion d’aides techniques – par exemple Rollator), etc. »
Toutes les occupations humaines sont concernées, celles dont la personne a fondamentalement besoin pour se sentir efficace et utile, celles qui procurent un sens à sa vie, dans le cadre de trois domaines : les soins personnels, le travail (rémunéré ou non comme la garde d’enfants de la famille, la fonction de proche aidant…) et les relations sociales (tâches ménagères, liens amicaux…).
Pour une respiration contrôlée et consciente au moment où l’organisme le requiert
Dans la mesure du possible, la pratique d’une activité physique bénéficie aux personnes insuffisantes respiratoires, afin de limiter la fonte musculaire et les exacerbations, la réduction de la capacité respiratoire, mais aussi d’améliorer la qualité de vie et, de manière générale, de stabiliser leur état de santé. Or, si la réalisation des tâches du quotidien est entravée voire empêchée par l’insuffisance respiratoire, les personnes risquent fortement d’entrer dans la spirale du déconditionnement, de la sédentarité, du repli sur soi. « Mon rôle, en parallèle au réentraînement à l’effort et à l’activité physique adaptée, consiste à trouver un équilibre entre économiser ses efforts lors des activités de la vie quotidienne pour que les personnes puissent mieux investir et conserver au long cours des activités physiques », précise-t-elle.
Concrètement, ce travail passe par l’identification et l’apprentissage de postures et d’une gestuelle qui visent à limiter l’essoufflement et à gérer son souffle dans les activités habituelles. Par exemple, le nombre d’apnées supportées par une personne valide tout au long de la journée est considérable : en se levant d’une chaise, en mangeant, en s’habillant, en laçant ses chaussures. Or, chez une personne insuffisante respiratoire, ces apnées vont sur-solliciter l’organisme et générer un essoufflement ou une désaturation (diminution du pourcentage de la saturation en dioxygène O2 du sang), les mettant en difficulté. « L’objectif est d’apprendre à adopter une respiration plus contrôlée et consciente au moment où le corps le nécessite particulièrement (monter dans une voiture, gravir un escalier, etc.), indique Aurélie Charvoz.
La gestion de l’oxygénothérapie est également une problématique centrale, au-delà de la seule adaptation du débit d’oxygène entre le repos et l’effort, il est aussi indispensable d’adapter le débit de manière adéquate lors des gestes du quotidien (habillage, douche…) et le repos (assis pour lire, par exemple). L’oxygénothérapie est un médicament délivré sur prescription médicale : son débit doit être ni trop faible, ni trop important. Son maniement s’apprend. »
Pour que la douche ne soit plus une épreuve
Sous oxygénothérapie ou non, se doucher est un exemple parfait des difficultés que vivent au quotidien un grand nombre de personnes insuffisantes respiratoires. Ces difficultés peuvent être une porte d’entrée vers la réduction de l’hygiène corporelle, laquelle entraînera à son tour une limitation des interactions sociales, de l’activité physique, une baisse de l’estime de soi avec, de ce fait, une répercussion sur l’état de santé lui-même, psychologique, respiratoire et physique.
Dans ce cas précis, l’ergothérapeute propose pour commencer de régler le débit d’oxygène de la même manière que celui habituellement utilisé pour la marche à plat. Après vérification à l’aide du saturomètre de la fréquence cardiaque (FC) et de la saturation percutanée en oxygène (SpO2) de la personne au moment où la douche est terminée, le débit de l’oxygénothérapie est alors défini pour cette activité de la vie quotidienne (AVQ) dans l’état actuel du patient. De plus, des pauses sont proposées de manière judicieuse, conjointement à une respiration « lèvres pincées » (une technique de respiration qui permet d’optimiser l’entrée de l’oxygène et la sortie du gaz carbonique). La position assise permet pour sa part de diviser par deux sa consommation d’oxygène pour la réalisation de cette activité. Le débit d’oxygène doit être adapté à l’état du patient (exacerbation, fatigabilité, degré d’indépendance), en fonction de du respect des autres conseils (pauses, position assise, respiration…) et surtout en respectant les paramètres médicaux prescrits (saturation minimale, fréquence cardiaque cible). En limitant les besoins, la personne parviendra au terme de sa douche sans être exténuée et pourra – sereinement aborder sa journée. « Prendre sa douche de manière acceptable, confortable est loin d’être anecdotique pour les personnes insuffisantes respiratoire, assure l’ergothérapeute. Or, c’est peu souvent le cas et on leur prodigue rarement ces conseils. Ainsi, ces mesures simples, relevant souvent du bon sens ou du système D permettent de limiter l’anxiété anticipatoire de la douche la fois suivante. C’est important car il est désormais démontré que l’angoisse chez les personnes dyspnéiques fait déjà monter l’essoufflement de plusieurs points, avant même de débuter l’effort. »
Ne plus être à bout de souffle pour monter un escalier
Second exemple emblématique des difficultés rencontrées au quotidien, l’angoisse de l’effort démesuré pour monter un escalier peut faire renoncer à certains déplacements, et, de ce fait, impacter les relations sociales et l’activité physique, dans une spirale négative. Pour se débarrasser au plus vite de cet effort, certaines personnes insuffisantes respiratoires chroniques les gravissent le plus rapidement possible. Erreur. C’est justement cette attitude qui puise toute l’énergie disponible et leur fait consommer plus d’oxygène. L’ergothérapeute va alors aborder la gestion du « rythme moteur ». Lenteur savamment dosée, contrôles respiratoires, pauses régulières, débit d’oxygénothérapie adéquat … Permettront d’atteindre le palier, certes moins rapidement, mais dans un état d’essoufflement ou de désaturation plus acceptable et tolérable, afin d’être capable de poursuivre son chemin.
La prise en soins par l’ergothérapeute en pratique
Un bilan en ergothérapie initial de l’état de la personne insuffisante respiratoire est systématiquement réalisé en début ainsi qu’en fin de suivi.
A l’hôpital Renée Sabran, la prise en soins est principalement réalisée en petits groupes de patients, ce qui facilite les interactions et l’échange de conseils et de réflexions utiles. Les sujets sont généraux et bénéficient à tous (comment se pencher pour ramasser un objet au sol sans être en apnée, changer les draps du lit, s’habiller, jardiner, porter des charges, rentrer et sortir d’une voiture, descendre et se relever du sol, etc.). Certaines consultations individuelles peuvent être justifiées, sur avis de l’ergothérapeute ou à la demande de l’un des médecins pneumologues du service, lorsque l’état de la personne est particulièrement altéré, ou que la problématique est très spécifique.
« Se rendre au domicile des patients est très informatif et permet le lien avec les proches, ajoute Aurélie Charvoz. Un cas de figure idéal, difficilement applicable vu le nombre de patients en demande rapporté au nombre d’ergothérapeutes disponibles. Pourtant, chaque personne est unique et est confrontée à des problématiques personnelles, à une manière de vivre, à une gestuelle, à un environnement. Certains problèmes sont néanmoins globaux et les conseils généraux peuvent bénéficier à tous. »
Au domicile du patient
L’intervention d’un ergothérapeute permet de configurer et d’adapter le domicile pour une optimisation des efforts, comme notamment de conseiller la pose d’une barre d’appui, d’un siège de douche, revoir la hauteur du lit, des toilettes, des rangements, mettre en situation pour l’utilisation des aides techniques, enlever les tapis pour réduire le risque de chute. Aussi, organiser une mise en situation hors les murs du centre de réhabilitation respiratoire pour les patients qui débutent l’oxygénothérapie peut être bienvenu afin de désamorcer la situation car ils sont souvent gênés par le regard des autres. « La plus-value de l’ergothérapie est la mise en pratique des situations source de difficultés en situation de vie réelle et le fait de proposer un aménagement, que celui-ci soit physique, comportemental, organisationnel, technique, résume-t-elle. Les retours des patients sont positifs, soulignant une aide concrète au quotidien, y compris pour des personnes qui ne se sentaient pas concernées au premier chef. Le quotidien est facilité par ces petites aides qui, mises bout à bout, s’avèrent très salutaires. »
Ergothérapeute, psychomotricien, professeur d’activité physique adaptée et kinésithérapeute… Des apports complémentaires
Alors que l’ergothérapeute se concentre sur le côté pratique de la vie au quotidien, le psychomotricien se positionnera plutôt dans la relation corps-esprit chez les patients (ce qui se comprend aisément chez des personnes souffrant d’une capacité respiratoire diminuée, d’une maladie chronique) afin de calmer le mental en vue de retrouver un état d’apaisement et une réflexion cohérente et ainsi mieux gérer le quotidien. L’ergothérapeute propose des aménagements, des changements d’habitudes, mais il existe en parallèle un besoin de détente psychologique et du corps.
La prise en soins de la réadaptation respiratoire est globale, incluant le professeur d’activité physique adaptée et le kinésithérapeute (gagner au niveau musculaire, de l’équilibre, de l’endurance à l’effort…), ce qui est d’ailleurs indispensable pour appliquer les mesures préconisées par l’ergothérapeute. Pour Aurélie Chavroz, « réinvestir l’activité physique, la vie quotidienne au domicile est un travail en complémentarité. Sans musculature suffisante, je ne peux proposer une reprise de l’indépendance fonctionnelle. Les personnes pourront de nouveau pratiquer de manière automne et volontaire une activité physique et un retour à domicile. Demander au patient de pratiquer une activité physique est impossible si le quotidien est déjà problématique. »
Comment bénéficier de soins d’ergothérapie ?
En dehors de quelques centres de réadaptation respiratoire en France, il est difficile d’accéder à un ergothérapeute, a fortiori spécialisé dans les maladies respiratoires chroniques. Ceci d’une part parce que ces derniers se comptent sur les doigts des deux mains et, d’autre part, parce que l’acte d’ergothérapie en libéral n’est pas remboursé en France. Les professionnels dûment diplômés en ergothérapie possèdent pourtant un diplôme français délivré après trois années d’études post-baccalauréat (diplôme d’État d’ergothérapeute, niveau Bac +3), suivies dans des écoles reconnues par le ministère de la Santé (23 instituts de formation en ergothérapie en France).
La Sécurité sociale prend en charge les séances d’ergothérapie, à condition qu’elles soient réalisées dans un hôpital, dans un établissement spécialisé (dont les centres de réadaptation respiratoire) ou à domicile. Faire appel à un spécialiste en libéral ne permet pas de prétendre à un remboursement.
Il est cependant possible de bénéficier d’aides au financement de ces soins. Sous réserve d’éligibilité, des allocations peuvent être versées par les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et les Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM). Certaines mutuelles proposent des remboursements de séances d’ergothérapie.
Cette spécialité paramédicale est également recommandée par l’American Thoracic Society* et la Société européenne des maladies respiratoire (ERS) dans les équipes de réadaptation respiratoire.
* Occupational therapist (traduction en anglais d’ergothérapeute)
Hélène Joubert, journaliste
Aller plus loin
« L’ergothérapie nous apprend à économiser nos ressources » – Témoignage de Brigitte, 56 ans, atteinte de BPCO.
Ergothérapie et maladies respiratoires chroniques : l’avis du pneumologue – Dr Charles Simon, pneumologue au Centre Renée Sabran (Hyères).