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ToggleLe « Covid long » est une réalité. Plus exactement le « syndrome prolongé à la suite d’une Covid-19 », expression officielle précisée par la Haute autorité de santé (HAS) pour décrire un ensemble protéiforme de signes plus ou moins invalidants qui durent plusieurs semaines (4 au minimum) ou plusieurs mois après la phase aiguë de l’infection. Un syndrome difficile à cerner, pour le grand public et une partie du corps médical, lesquels souvent stigmatisent, banalisent, voire nient la réalité des symptômes dont la plupart sont invisibles. C’est pourtant une souffrance et un handicap parfois très importants pour ceux qui doivent vivre avec au long cours. Les symptômes sont très vastes et fluctuants dans le temps, allant de la dyspnée (gêne respiratoire, essoufflement) aux douleurs diffuses, de la fatigue aux troubles cognitifs, des troubles cardio-thoraciques aux troubles digestifs, et aux perturbations de l’odorat et du goût. La réadaptation respiratoire peut s’avérer être d’une grande aide. Témoignage.
Lorsque les symptômes de Covid-19 jouent les prolongations
Personne n’est à l’abri, à la suite d’une infection par le virus SARS-CoV-2, agent de la Covid-19. Près de vingt mois après le début de la pandémie de Covid-19, les données sur les effets à long terme de la maladie se précisent. Ainsi, une étude chinoise publiée le 26 août 2021 dans la revue médicale The Lancet indique que la moitié des patients ayant été hospitalisés pour une infection sévère à SARS-CoV-2 présenteraient encore des symptômes un an plus tard. De fait, si près de 70 % des patients déclaraient encore un ou plusieurs symptômes à six mois, ils étaient encore 49 % à manifester au moins une séquelle à un an. À commencer par les troubles respiratoires, qui entrent en ligne de compte avec la fatigue et la faiblesse musculaire (encore présentes chez 20 % des patients à un an). Un an après leur hospitalisation, ces individus affichaient une moins bonne santé que le reste de la population ; près d’un quart de ceux qui travaillaient avant le Covid-19 n’avaient pas encore repris leur activité professionnelle, du moins pas à temps plein.
Le Covid long ne touche pas uniquement les forme graves de Covid-19
Ces données rejoignent celles obtenues dans d’autres études. Toutes confirment qu’il n’est pas nécessaire d’avoir souffert d’une forme grave de Covid-19 pour en souffrir : si l’importance des symptômes résiduels sont souvent corrélés à la sévérité du tableau clinique en phase aiguë de l’infection, où les séquelles en particulier pneumologiques touchent avant tout les personnes ayant été hospitalisées et en réanimation (fibrose pulmonaire, etc.), il ne semble pas que cela soit systématique, comme le souligne la HAS : « Les symptôme prolongés au décours de la Covid-19 peuvent survenir même chez les personnes ayant fait des formes peu sévères ». De plus, le profil des patients qui souffrent de Covid long ne se superpose pas à ceux qui ont les profils les plus vulnérables. Ainsi, les adultes jeunes sont également touchés, comme l’a mis en évidence une étude publiée en décembre 2020 par le Pr Dominique Salmon-Ceron (Hôpital Cochin-Hôtel-Dieu, AP-HP). Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 20 % des malades entre 18 et 34 ans, en bonne santé avant la rencontre avec le virus, seraient concernés par le Covid long.
La parole des patients se libère
Prouvant que le Covid long est bien une réalité de terrain, certains patients, personnalités célèbres ou inconnus, ont libéré la parole. Désormais au centre de l’attention, les témoignages se multiplient, et tous les supports de presse locaux leur font la part belle. Ces malades ont beaucoup à dire sur le fardeau quotidien qui leur pèse, identifié dès l’été 2020 par l’OMS. Ils se rassemblent, parfois avec des médecins traitants comme des hospitaliers, au sein d’associations comme #ApresJ20 Association Covid Long France, dont le comité scientifique comporte des pointures scientifiques françaises, ou encore au sein de groupes de parole comme sur Facebook (Groupe de parole Covid long).
Le Covid long, une réalité de terrain
Le Covid long est une réalité de terrain à laquelle les médecins de premiers recours sont de plus en plus confrontés, comme en atteste le Dr Yoann Gaboreau, médecin généraliste (Porte-de-Savoie) :« Je constate une augmentation des motifs de consultations pour symptômes post-Covid, en cas de persistance, de réapparition ou d’accentuation de certains signes. » « Définir le Covid long est comme s’aventurer en terre inconnue, résume le Dr Paul Frappé, médecin généraliste et président du Collège de la médecine générale (CMG). D’où l’initiative indispensable de la HAS pour aider les médecins à se repérer dans ces symptômes chroniques, de manière pragmatique, afin d’éviter une fuite en avant par la multiplication des examens complémentaires ou, à l’inverse, la banalisation de réels symptômes, parfois invalidants. »
Le 12 février dernier, la HAS a en effet publié un avis sur leur diagnostic et leur prise en charge sous forme de fiches didactiques destinées aux médecins. « Les médecins de premier recours voient arriver dans leur cabinet des personnes qui ont des symptômes qui durent et qui les inquiètent, soulignait le Pr Dominique Le Guludec, présidente du collège de la HAS lors d’une conférence de presse organisée à cette occasion. C’est pour cela que, même si les données scientifiques sont encore limitées, nous publions aujourd’hui nos réponses rapides pour les aider à identifier et à prendre en charge ces patients, tout en évitant l’escalade thérapeutique ».
Fatigue, essoufflement ou problèmes cognitifs persistants
Des signes que constatent les praticiens de terrain. « Au sein de ma patientèle, explique Yoann Gaboreau, ceux qui sont entravés dans leurs activités quotidiennes sont plutôt des femmes d’une quarantaine d’années, qui présentent une fatigue psychique, une sorte de « brouillard cérébral », des difficultés de vocabulaire, de concentration, d’exécution de tâches, qui ont du mal à retrouver leur vitalité habituelle, à reprendre une activité professionnelle. Elles se sentent moins performantes sur les plans physique et psychique. Mais il est vrai que les femmes consultent plus facilement que les hommes. » Le Dr Jean-Philippe Joseph, médecin à Bordeaux, confirme : « La plupart de mes patients Covid long se plaignent d’une asthénie, d’une fatigue intellectuelle ou d’une dyspnée à l’effort. Le second type de plaintes regroupe les anosmies et agueusies post-infectieuses (trouble de l’odorat et du goût) avec un retentissement sur la qualité de vie. En sachant qu’aucun n’a pourtant été hospitalisé en réanimation. »
Parmi les symptômes les plus fréquents de Covid long, la HAS énumère la fatigue, les troubles neurologiques (cognitifs, sensoriels, céphalées), les troubles cardio-thoraciques (douleurs et oppressions thoraciques, tachycardie, dyspnée, toux) et les troubles de l’odorat et du goût. Des douleurs, des troubles digestifs et cutanés sont également fréquents. « Ces symptômes sont polymorphes, et peuvent évoluer de façon fluctuante sur plusieurs semaines ou mois » poursuit le Dr Pierre Gabach, chef du service des bonnes pratiques professionnelles à la HAS. L’évolution observée fait alterner des phases d’exacerbation et de récupération. Cette évolution se fait en règle générale vers une amélioration à un rythme propre à chaque patient.
Comme l’écrit la HAS, la majorité des patients peut être suivie en soins primaires dans le cadre d’une prise en charge holistique, mais certains symptômes relèvent du cardiologue, du pneumologue ou d’autres spécialités. Face à ces signes cliniques, « il faut éliminer une complication de la phase aiguë qui a pu passer inaperçue (telle une péricardite, une myocardite, etc.) ou encore une décompensation d’une maladie chronique (thyroïdite, diabète, BPCO…) » stipule la HAS. Et le Dr Gabach d’ajouter que « la rééducation du malade occupe une place centrale ». Selon les symptômes, il peut s’agir d’une rééducation respiratoire, d’une rééducation olfactive ou de réentraînement à l’effort.
Une dyspnée persistante doit appeler à un bilan respiratoire minimal
La fatigue est le symptôme parmi les plus prévalents, qui peut persister de manière continue ou réapparaître brutalement, et survenir lors d’activités physiques et/ou mentales simples.
Les douleurs thoraciques sont des plaintes fréquemment associées à la Covid-19 mais d’étiologies et de conséquences variées, le plus souvent non cardiologiques. Après la Covid-19, un dysfonctionnement respiratoire vraisemblablement d’origine centrale peut se traduire par un syndrome d’hyperventilation (SHV), même en l’absence de pathologie respiratoire.
De façon générale, « la dyspnée est souvent sous-diagnostiquée, car confondue par les patients avec la fatigue ou l’asthénie », rappelle la HAS.
« Quelle que soit la forme aiguë de la Covid-19, ayant nécessité ou non une hospitalisation en réanimation, les patients peuvent présenter des séquelles ou des symptômes résiduels à distance de l’infection, indique le Pr Chantal Raherison-Semjen, pneumologue (CHU de Bordeaux) et présidente de la Société de pneumologie de langue française (SPLF). Très tôt, nous avons vu, chez des patients ayant eu des formes bénignes, une persistance de la dyspnée plusieurs semaines ou plusieurs mois après avoir contracté le virus. Parmi les moyens d’évaluer la dyspnée, deux questions sont informatives : « Est-ce que vous vous sentez toujours essoufflé ? » et « Est-ce que vous ne parvenez pas à reprendre certaines activités que vous pratiquiez avant l’infection ? ». Si la personne répond par l’affirmative, ou si elle a l’impression que l’essoufflement s’aggrave, ce sont deux raisons suffisantes pour justifier un bilan respiratoire chez un pneumologue. » Une troisième raison, en dehors de tout symptôme, est une saturation au repos en air ambiant (SpO2) inférieure à 96 % sans maladie respiratoire sous-jacente.
En cas de saturation normale au repos, « le test de lever de chaise sur une minute avec mesure de la saturation pendant l’effort peut permettre de rechercher une éventuelle désaturation à l’effort, précise-t-elle. Si c’est le cas, le patient doit également être adressé au pneumologue, qui complètera le bilan et pourra discuter d’une réhabilitation respiratoire en centre et/ou une réadaptation à l’effort avec le kinésithérapeute. »
Témoignage : Stéphanie, 42 ans, responsable des ressources humaines (Cantal) et malade Covid long
Pour aller plus loin
Article : « La réadaptation respiratoire ambulatoire, aussi bénéfique pour les femmes que les hommes, mais également les aidants et les Covid longs », par le Dr Jean-Marie Grosbois, pneumologue et coordinateur médical de FormActionsanté (Nord), société qui propose de la réadaptation respiratoire à domicile pour des patients BPCO.