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« La réadaptation respiratoire ambulatoire, aussi bénéfique pour les femmes que les hommes, mais également les aidants et les Covid longs »

Les bénéfices de la réadaptation respiratoire à domicile pour les patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), qu’ils soient hommes ou femmes, ses bienfaits pour les aidants, ou encore l’impact de la Covid-19 avec l’émergence de la téléréadaptation… L’interview du Dr Jean-Marie Grosbois, pneumologue et coordinateur médical de FormActionsanté (Nord), société qui propose de la réadaptation respiratoire à domicile pour des patients BPCO.

Vous venez de publier en 2021 une étude démontrant que la réadaptation respiratoire est bénéfique quel que soit le genre. Pouvez-vous nous expliquer ?

Dr Jean-Marie Grosbois, pneumologue (Nord).

Dr J.-M. Grosbois : Si les femmes atteintes de BPCO ont souvent des symptômes plus sévères et plus précoces que les hommes, elles tirent autant partie de la réadaptation respiratoire que les hommes, selon nos résultats. Il est bien établi qu’à quantité égale de tabac fumé, les femmes ont un trouble ventilatoire obstructif plus sévère, pouvant apparaître plus précocement dans la vie. De plus, la dyspnée (gêne respiratoire) est souvent plus fortement ressentie par les femmes comparativement aux hommes, et peut être aggravée par une anxiété et/ou une dépression plus fréquentes chez elles. Sur les 500 personnes de notre cohorte (45 % de femmes, 55 % d’hommes), même si nous n’avons pas retrouvé de différence en termes de dyspnée, le score d’anxiété/dépression et l’indice de masse corporelle étaient plus élevés chez elles, le trouble ventilatoire obstructif plus sévère, la moyenne d’âge plus basse, avec une moindre prévalence de maladies cardiovasculaires. Les femmes appartenaient également plus souvent aux catégories socioprofessionnelles CSP -, étaient plus souvent seules et en situation de précarité. En dépit de ces constats défavorables, la réadaptation respiratoire s’est révélée tout aussi bénéfique chez les femmes que chez les hommes, avec une amélioration des capacités physiques, du score d’anxiété/dépression et de la qualité de vie, persistant six et douze mois après la fin du stage, ce qui témoigne de la pérennisation des acquis. Cette étude est bienvenue, d’autant qu’elle porte sur une grande cohorte et sur une année entière, car la littérature scientifique ne permettait pas de trancher sur l’impact du genre vis-à-vis de l’intérêt de suivre une réadaptation respiratoire : homme ou femme, tout le monde tire parti de ces stages.

D’autre part, notre étude valide les avantages de conduire cette réadaptation au domicile, a fortiori pour des femmes plus fréquemment isolées, en famille monoparentale et précaire, et qui ont tendance à se rendre moins souvent en centre pour suivre un stage. Notre solution de la réadaptation chez soi, une fois par semaine (durée d’1h30-2h) pendant deux mois s’adapte à leurs contraintes. Comme nous nous occupons de la personne et non de la pathologie, nous englobons la prise en charge de l’impact psychologique de la maladie ; l’anxiété/dépression pouvant se répercuter sur le poids ou la consommation tabagique.

Chaque séance à domicile comprend un réentraînement à l’effort, la reprise d’activités physiques adaptées négociée avec le patient, une éducation thérapeutique, et une approche psychosociale et motivationnelle.

Avec l’épidémie de Covid-19, vous avez dû vous adapter en urgence en mars 2020 en imaginant la téléréadaptation. Comment cela s’est-il passé ?

Dr J.-M. Grosbois : Du 17 mars 2020 au 11 mai, les mesures de confinement de la population ont impliqué la fermeture de nombreux centres de réadaptation respiratoire pour limiter la diffusion du coronavirus SARS-CoV-2 et accueillir des patients en post-Covid. Nous avons continué à prendre en charge les patients BPCO avec quelques modifications : au lieu de nous rendre une fois par semaine pendant huit semaines au domicile, nous avons assuré deux séances en présentiel (dépôt de matériel, évaluation des capacités physiques, évaluation de l’environnement, etc.) puis les autres séances ont été menées en téléréadaptation soit par téléphone (pour 70 % des patients), soit par Whatsapp ou Doctolib en visioconférence.

La téléréadaptation consiste en des sessions d’1h30 en une ou deux fois. Celles-ci comportent un entretien motivationnel pour inciter à pratiquer une activité physique, à adopter les comportements de santé (lutte contre le tabagisme et l’alcool, estime de soi, etc.), et pour prodiguer une éducation thérapeutique incluant la gestion de la dyspnée, le bon usage des médicaments, l’adhésion au traitement et l’approche nutritionnelle. Nous avons adapté le programme avec les outils de réentraînement à l’effort (stepper, vélo d’appartement, etc.).

Au total, 120 patients ont été pris en charge de cette manière. Au terme des huit semaines, l’ensemble des paramètres étaient améliorés : capacité physique, niveau d’anxiété/dépression et qualité de vie. Je souligne la difficulté d’agir sur l’anxiété/dépression chez les personnes BPCO en distanciel, comparativement aux personnes souffrant d’autres pathologies (asthme, post-chirurgie, fibrose, etc.). Les épisodes d’exacerbation passés semblent ancrer le stress dans leur vie quotidienne et nécessitent un accompagnement psychologique plus important et en présentiel.

Le fait de basculer en distanciel nous a permis de ne pas rompre le suivi de certains patients et de continuer à proposer la réadaptation respiratoire à d’autres.

Les fiches éducatives ont été très utiles pour apporter un soutien au quotidien et un support aux consultations en distanciel. Nous avons également créé dans la foulée des tutoriels dédiés à l’activité physique (fiches et vidéos ETP), pour que les gens visualisent les exercices à réaliser (assouplissement, étirement, exercices d’endurance, sur vélo et stepper, renforcement).

La téléréadaptation a-t-elle survécu au déconfinement du printemps 2020 ?

Dr J.-M. Grosbois : Il nous arrive de la proposer ponctuellement à des patients. L’idée est d’expérimenter rapidement l’intérêt d’un stage mixte en présentiel et distanciel, pour les patients BPCO mais également les patients en post-Covid-19. A ce propos, nous prenons en charge en réadaptation ambulatoire en présentiel des personnes qui n’étaient pas forcément insuffisantes respiratoires au départ mais qui ont contracté la COVID-19, lesquelles sont soit sorties de service de réanimation et hospitalisées en service de médecine, soit hospitalisées à domicile, soit des « Covid longs » c’est-à-dire qui conservent des séquelles de l’infection à court ou moyen terme. Chez elles, la fatigue est majeure (asthénie), avec une perte musculaire importante et rapide surtout en cas d’hospitalisation, et un score d’anxiété/dépression supérieur à la normale. Un certain nombre souffrent d’un stress post-traumatique que nous analysons avec un questionnaire adapté. Nous constatons également que les aidants sont impactés en termes d’anxiété et de stress. L’intérêt de la réadaptation à domicile est d’accompagner aussi plus facilement l’aidant. L’impact psychologique de la Covid-19 est majeur, un argument en faveur d’une prise en charge de la personne et pas seulement de ses poumons.

Justement, vous venez de terminer un travail d’évaluation pour mesurer l’impact du programme sur les conjoints ou aidants. Quels sont les premiers résultats ?

Dr J.-M. Grosbois : Nous avons analysé les résultats de 138 aidants de 241 patients BPCO. Les aidants étaient plus souvent des femmes (70,5 %), des conjoints (90,3 %), avec des comorbidités fréquentes (3 ou plus de 3 pour 57,3 %). Au bilan initial, 36,8 % d’entre eux souffraient de troubles anxio-dépressifs, 45,5 % de fatigue, 42,9 % d’un fardeau (score ZARIT) plus ou moins sévère. A l’issue du stage, nous avons montré que le programme de réadaptation respiratoire à destination des patients permettait de réduire l’anxiété/dépression, la fatigue et le fardeau chez les aidants. Cela semble logique mais cela restait à prouver : le fait de prendre en charge le malade chez lui et en présence de l’aidant provoque des retombées positives chez ce dernier. L’aidant entend les problèmes du malade qui parfois ne les exprime pas. Des incompréhensions existent souvent, liées au fait que la maladie n’est pas toujours visible. Nous servons de catalyseur et d’intermédiaire entre les deux parties. Enfin, nous valorisons le travail de l’aidant auprès de l’aidé. Que l’aidant soit reconnu dans son rôle et ses difficultés – psychologiques comme logistiques – retire un poids énorme de ses épaules. Nous leur confirmons leur droit d’être triste, découragé, épuisé. Nous les reconnaissons en tant que personnes qui souffrent. Par ailleurs, elles bénéficient par la même occasion de notre démarche globale éducative et motivationnelle.

Propos recueillis par Hélène Joubert

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Formactionsanté :https://www.formactionsante.com/

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