Témoignages

« J’ai accepté la maladie, mais je refuse encore toute aide »

Valérie (52 ans), asthmatique et atteinte de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)

Le témoignage de Valérie est poignant, en ce sens qu’il illustre comment la maladie chronique peut mettre un couple en danger, abréger une carrière professionnelle et fragiliser une vie sociale. Mais il montre aussi que faire preuve de volonté pour retrouver une certaine qualité de vie est non seulement possible, mais nécessaire pour ne pas s’effondrer.

Jeune quinquagénaire, Valérie a reçu son diagnostic il y a cinq ans, à l’âge de 47 ans. De survenue précoce, sa BPCO en est déjà à un stade très avancée (stade 4). Valérie, fumeuse pendant quelques décennies, possède une mutation génétique qui la rend plus vulnérable à la dégradation de la fonction respiratoire : le déficit en enzyme alpha-1 antitrypsine. Il s’agit d’un trouble héréditaire dans lequel l’absence ou le faible taux en enzyme alpha-1 antitrypsine cause des lésions aux poumons et au foie. Les adultes développent habituellement de l’emphysème, accompagné d’un essoufflement, d’un sifflement et d’une toux.

Enfin, l’élément qui explique la situation particulièrement grave de Valérie est qu’elle souffre d’un syndrome de chevauchement asthme-BPCO que l’on appelle ACOS. Cela signifie qu’à la BPCO s’ajoute une composante asthmatique. Elle raconte.

« J’étais suivie depuis quelques années par un pneumologue pour une bronchite chronique mise sur le compte de mon tabagisme. Jamais aucun examen comme des explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) ne m’a été prescrit. En 2015, mon premier bronchospasme[1] m’a conduite dans le service de réanimation de l’hôpital universitaire de mon lieu d’habitation. C’est là, en 2015, qu’a été posé le diagnostic de BPCO. Deux ans ont été nécessaires pour parvenir à contrôler la maladie au moyen d’un traitement de fond efficace. Cela a stoppé les épisodes d’exacerbation qui s’enchaînaient sans discontinuer et qui me menaient très souvent à l’hôpital et particulièrement en service de réanimation. Chaque crise a entamé de manière irrémédiable mon capital souffle et mes capacités physiques. Je suis depuis cinq ans sous corticoïdes au long cours ainsi que sous antibiotiques à large spectre. En parallèle, je suis soignée pour une ostéoporose et une hypertension artérielle.

En tant que fonctionnaire, après trois ans en arrêt maladie, j’ai été mise d’office en retraite anticipée, à l’âge de 51 ans.

L’acceptation de la maladie fut difficile. J’ai pris 21 kg en trois mois. On a juste l’impression de ne ressembler plus à rien, d’être « moche », de renvoyer une image négative. La dépression survient, perfide, sournoise, qui vous isole de tout et de tout le monde. La relation de couple est fortement impactée au quotidien car on s’enferme sur soi-même. Mon conjoint est resté auprès de moi, en abandonnant lui aussi toute activité, délaissant ses hobbies (sport, etc.), craignant de donner l’impression de s’amuser alors que je ne pouvais plus rien faire. Quant aux moments intimes, ils deviennent inexistants du fait d’une libido effondrée.

La relation avec les membres de sa famille devient très compliquée. En pensant faire au mieux, ils vous enferment dans une bulle. Informés de ce qu’était la maladie, ils ont eu une attitude surprotectrice, pensant qu’un simple rhume me serait fatal. Je me suis alors retrouvée assise sur le canapé, sans pouvoir faire ni ménage, ni repas. Ce qui m’a fait sentir encore plus inutile.

Et plus que tout, je vis avec la peur. Voici un exemple : ma petite commune est desservie par un bus unique. Le temps de trajet pour se rendre dans le centre de la grande ville voisine est de 1h30. Outre la grande fatigue de prendre le bus, je crains la contamination infectieuse car on n’a pas encore trouvé ce qui déclenchait mes crises. Je suis en permanence sur le qui-vive. La peur de faire de nouveau un bronchospasme, la peur de se retrouver en réanimation, la peur de cette sensation d’étouffement, la peur de ne pas arriver à gérer la nouvelle crise, la peur de partir….

Mon défaut est de ne rien laisser paraître. Je fais toujours comme si tout allait bien. Je ne veux pas inquiéter mes proches alors je souris et je masque toutes mes angoisses. Lorsque je demande de l’aide c’est que, physiquement, je suis à terre. Est-ce que j’adopte la bonne solution ? J’ai certainement un travail personnel à mener.

Tout ces facteurs, ajoutés les uns aux autres font que, malgré un arrêt du tabac en novembre 2015, j’ai repris la cigarette quatre ans plus tard. Sur les conseils de mes proches, j’ai tenté la vapoteuse en octobre 2019, ce qui ne m’a pas forcément aidée puisque fin novembre, un nouveau bronchospasme me renvoyait de nouveau en réanimation ! Depuis, j’ai tout arrêté, cigarette et vapoteuse. Ce n’est pas facile tous les jours mais je tiens le cap. C’est primordial pour mon capital vie, mais la tentation de la cigarette reste très forte.

Aujourd’hui, j’ai repris confiance, dans une certaine mesure. Un régime drastique malgré la cortisone m’a permis de perdre 13 kg. Je vais régulièrement chez le coiffeur, je me maquille tous les jours et je prends soin de moi. Parallèlement, je marche, je fais du réentrainement à l’effort en milieu hospitalier et je suis en stage en centre de rééducation une fois par an. Mon espoir est d’être inclue dans un essai clinique sur la dénervation pulmonaire car mon principal problème est qu’au moindre effort ou stress, la contraction de mes bronches est disproportionnée et m’expose au risque de bronchospasme. Avec mon conjoint, nous avons fait un break de quatre mois durant lequel chacun d’entre nous a pris conscience des efforts que nous aurions à faire pour notre couple. Depuis que nous vivons de nouveau ensemble, nous avons quelques rapports sexuels avec des précautions et conseils de mon pneumologue qui rendent l’acte peu glamour. Mais ils sont essentiels. Mon conjoint a beaucoup relativisé sur ma maladie et reprend progressivement sa vie en main, recommence à sortir, etc.

Mon message serait qu’il faut donner le meilleur de soi, pratiquer régulièrement une activité physique. En bref : prendre soin de soi. « Etre au taquet » tout le temps, même si c’est fatiguant. Nous n’avons pas le choix. Et comme l’estime de soi passe aussi par l’image de soi, soigner son apparence physique est essentiel. Me retrouver sans travail du jour au lendemain fut très difficile. Alors, j’ai terminé le livre que j’avais toujours souhaité écrire. Je peins, je dessine, je m’occupe le plus possible pour ne pas penser à la maladie. Pour ne pas la laisser prendre le dessus. »

Propos recueillis par Hélène Joubert


[1] Diminution rapide et involontaire du calibre des bronches. Cette contraction brutale peut entraîner une détresse respiratoire aiguë, avec des conséquences parfois gravissimes