Témoignages
« A l’annonce de mon diagnostic d’apnées du sommeil, ce que j’aurais aimé que l’on me dise… »

« A l’annonce de mon diagnostic d’apnées du sommeil, ce que j’aurais aimé que l’on me dise… »

TÉMOIGNAGE – Marie, 50 ans. Val-de-Marne « Il s’agissait que je revive, et que cesse enfin ce calvaire, ce long tunnel de fatigue, de découragement qui a failli détruire ma vie sociale et professionnelle » explique la jeune quinquagénaire.

Apnées du sommeil – « En 2020, on m’a diagnostiqué un syndrome des apnées-hypopnées obstructives du sommeil*. Jusque-là, rien de très original (cela concerne en France 20 % des 45–64 ans et 31 % des plus de 65 ans, ndlr). C’est beaucoup trop, mais presque banal. Et pourtant, j’ai ressenti une énorme colère car ces années d’errance diagnostique ont failli détruire des pans entiers de ma vie. Au moment du diagnostic, j’en étais à 57 apnées par heure ! En cumulé, je passais une vingtaine de minutes par heure en apnée. Tout cela avec des ronflements dignes d’un concert. »

La vie en pilotage automatique

Pendant cinq ans, Marie a vécu en s’adaptant au quotidien, en élaborant des stratagèmes, des stratégies de contournement pour rompre la somnolence constante qui la submergeait. Les symptômes, totalement aspécifiques, s’apparentaient à ceux d’une dépression : fatigue, découragement, envie de rien, problèmes d’attention et de concentration, de mémoire… « Pour autant, je savais en mon for intérieur que je n’étais pas dépressive puisque je débutais volontairement une nouvelle vie professionnelle. Je prenais des cours de droit tout en occupant mon poste de manager d’une équipe de dix personnes. Je dormais mon content, parfois jusqu’à 15-16h, mais d’un sommeil qui n’était absolument pas réparateur. Certes, j’avais beaucoup d’états d’âme que je ne parvenais pas à canaliser, une fatigue omniprésente et écrasante que je ne parvenais pas à contrôler. Assise devant mon ordinateur, j’adoptais des postures qui donnaient le change vis-à-vis de mes collaborateurs. Je me tenais de manière que l’on pense que j’étais attentive, en répondant machinalement, en hochant la tête, alors que j’étais bien incapable de répéter ce que l’on venait de m’expliquer. Je programmais mon emploi du temps en fonction de la fatigue, en abattant un maximum de travail le matin, où j’avais l’esprit un peu plus clair. Je travaillais en écoutant une musique tonique pour me maintenir en éveil. Le manque d’énergie et d’envie en général m’ont fait, peu à peu, renoncer à une vie sociale. »

3 à 4 ans ont passé. C’est en discutant avec son médecin hépato gastro-entérologue, à l’occasion d’un suivi lié à une opération de la vésicule biliaire, à l’automne 2020, que celui-ci a évoqué la possibilité que ma fatigue soit due à des apnées. « Ce médecin était dans l’empathie. Il envisageait le patient dans sa globalité. J’en ai fait part à mon généraliste qui a reconnu que cela pouvait constituer une piste sérieuse et m’a orienté vers un médecin ORL qui s’occupe des apnées du sommeil. Aussitôt les tests passés, on m’a “appareillée” avec une machine à pression positive continue car je souffrais déjà d’apnées sévères. Quel soulagement de pouvoir mettre un mot sur ce dont j’avais souffert depuis plusieurs années. Quelle colère aussi d’avoir subi cinq ans d’errance diagnostique et thérapeutique ! Et penser que c’est un médecin gastroentérologue qui a suggéré le bon diagnostic, alors que j’ai vu médecins généralistes, psychologues, etc. Mon mari, qui dort d’un sommeil de plomb, ne s’est jamais plaint de mes ronflements ni d’ailleurs de la machine qui fait désormais partie de notre vie de couple. »

Depuis septembre 2022, Marie est suivie par un médecin pneumologue. Appareillée depuis un an à peine, la fatigue revenait, moins pressante mais de nouveau handicapante. Le médecin ORL l’a alors orientée vers un pneumologue, dont les apnées sont le domaine de compétence. Après un ajustement des pressions délivrées par la machine, Marie se sent beaucoup mieux.

Prochaine étape, 20 kg à perdre !

Trois mois après le diagnostic, en mars 2021, Marie a décidé d’arrêter de fumer, seule. « Je pense que c’est la colère et le désespoir qui m’ont donné la ressource et la motivation pour y parvenir, pour me passer de ce qui n’était finalement qu’une béquille dans ma vie, tout comme ma consommation inconsidérée de café. Ça n’est pas simple de tenir la cigarette éloignée, mais j’y parviens. » 

Marie qualifie sa trajectoire avec la maladie de douloureuse : « je n’ai pas pu être moi-même de mes 45 à mes 50 ans. Néanmoins, depuis presque un an et demi, ma vie a changé du tout au tout. Travail, amis, sorties, vie familiale, etc. tout est revenu dans l’ordre. Il y a cependant eu un avant et un après la maladie. Mais je suis bien entourée. Par exemple, le pneumologue qui me suit nous a conviés à une réunion d’information de deux heures où il a repris nos connaissances sur la maladie et son traitement et répondu à toutes les questions. Cette pédagogie est formidable et indispensable car lorsqu’on comprend les choses, on se les approprie. En ce moment, je rassemble mon énergie et ma motivation pour entamer un régime, probablement avec l’aide d’une diététicienne recommandée par mon médecin cardiologue. Peut-être qu’en me débarrassant de mon surpoids de 20 kg, je pourrai me passer de la machine ou du moins l’utiliser moins fréquemment. »

Marie à un message. « J’ai découvert qu’une personne sur deux stoppait son traitement par PPC. Il ne faut pas croire, je « déteste » cette machine, mais grâce à elle, je vis et je vis bien. C’est mon médicament, je n’ai pas le choix, sinon je m’expose à de nombreuses complications médicales, en particulier cardiovasculaires, sans parler des accidents de la route. Il faut persévérer, j’ai mis deux ans à trouver le masque de PPC qui me convenait. Il m’arrive de ne pas brancher la machine, mais cela reste exceptionnel, comme en vacances. La maladie ne met pas longtemps à me rappeler à l’ordre. Une nuit sans l’utiliser et c’est comme si on me demandait de courir un marathon après un nuit blanche ! »

Propos recueillis par Hélène Joubert.

* Il s’agit d’un trouble du sommeil où le dormeur souffre de pauses respiratoires ou de diminution du débit respiratoire. Ces baisses ou arrêts répétés de la respiration ne durent en général que quelques secondes, mais ils entraînent une baisse d’oxygénation du sang. Le cœur travaille donc anormalement fort pour essayer de mobiliser toutes les réserves en oxygène. Ces difficultés respiratoires provoquent des micro-réveils de quelques secondes dont le dormeur n’a pas forcément conscience. L’apnée est deux fois plus fréquente chez les hommes que chez les femmes. Favorisée par le surpoids, on la trouve souvent associée au syndrome métabolique et au diabète.