Depuis le début du mois de juillet, la France traverse des épisodes de canicule et de feux de forêts particulièrement éprouvants pour les patients insuffisants respiratoires. Quelles sont les raisons de la vulnérabilité liée aux maladies respiratoires chroniques et les moyens concrets à mettre en œuvre ?
Les épisodes de canicule peuvent potentiellement aggraver des pathologies respiratoires existantes, comme l’asthme, la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), mais également les maladies infiltratives (aussi appelées interstitielles) telles que les fibroses pulmonaires, ou encore la mucoviscidose. En effet, les fortes chaleurs peuvent favoriser certains symptômes tels qu’une gêne respiratoire, une sensation de manque d’air accompagnée d’un essoufflement (dyspnée). « Tout comme l’air sec et l’air froid, les températures caniculaires peuvent être source d’exacerbations (détérioration brutale de l’état respiratoire), sur le moment même, et parfois plus tardivement », indique le pneumologue Frédéric Le Guillou, président de Santé respiratoire France. « Quand il fait chaud, on observe une augmentation franche du nombre de crises d’asthme chez les enfants, complète le Pr Chantal Raherison-Semjen, pneumologue (CHU de Pointe-à-Pitre).
« Ces exacerbations sont principalement la conséquence de la déshydratation, explique Frédéric Le Guillou. Or, les températures très élevées provoquent une sudation plus importante (phénomène qui permet de réguler la température corporelle), accentuant ainsi la déshydratation de l’organisme. »
De plus, un autre phénomène intervient pour réguler la température interne : la convection thermique, c’est-à-dire le transfert de chaleur et d’énergie vers le milieu extérieur, laquelle est favorisée par l’usage de ventilateurs ou de climatiseurs qui, en plus de déshydrater, dessèchent. Le rejet accru de vapeur d’eau par la respiration du fait de l’augmentation de la fréquence respiratoire – associé à l’utilisation de systèmes de convection comme les ventilateurs et les climatiseurs qui favorisent le dessèchement – accroît encore le risque de déshydratation chez les personnes vulnérables que sont les insuffisants respiratoires.
Par ailleurs, le soleil et la chaleur favorisent les épisodes de pollution à l’ozone, gaz irritant qui a des effets directs sur la muqueuse protectrice des bronches, et dont les signes immédiats sont associés à une diminution de la fonction respiratoire (irritation de la gorge, des bronches, etc.).
➡ Les mesures à prendre en cas de canicule
🔸 S’hydrater suffisamment et avec de l’eau (pas d’alcool ni de substances sucrées comme les glaces).
Avec une précaution chez les personnes fragiles, dont les insuffisants respiratoires, et qui font de l’hypertension artérielle et sont sous médicament diurétique, prévient le Pr Xavier Girerd, cardiologue et président de la Fondation de recherche sur l’hypertension artérielle (FRHTA) : « En cas de déshydratation, si l’eau que l’on boit ne s’accompagne pas d’électrolytes (sodium ou autres), notre organisme va stocker cette eau démunie d’électrolytes et contribuer à créer un trouble potentiellement grave que l’on appelle l’hyponatrémie, ce qui signifie la baisse du taux de sodium dans le sang. Le médicament diurétique prescrit pour faire baisser la tension favorise un trouble très particulier. Par conséquent, si on a un traitement qui contient un diurétique (hydroclorothiazide, indapamide…), celui-ci doit être stoppé en cas de canicule et pendant toute la durée de l’épisode de très forte chaleur, lorsque la température est au moins égale à 35°C. La prise en abondance de boissons favorise l’hyponatrémie. D’où les accidents hypernatrémiques lors de la canicule par l’excès d’hydratation. L’astuce : arrêter les diurétiques et continuer à s’alimenter en plus de boire. »
🔸 Prendre des précautions lorsque l’on utilise des systèmes de convection (ventilateurs, climatiseurs).
Utiliser des humidificateurs d’air, des linges mouillés placés devant les fenêtres est presque indispensables dans cette catégorie de personnes vulnérables.
🔸 En ce qui concerne les personnes sous oxygénothérapie
Celles-ci doivent placer un humidificateur sur l’appareil à oxygène car ce dernier dessèche lui-même les muqueuses respiratoires, une conséquence encore plus importante en cas de fortes chaleurs. En général, l’humidificateur est conseillé au-delà de 3 litres par minute, mais ce peut être bien en deçà en cas de canicule.
🔸 Quant à l’adaptation du traitement de fond inhalé, la posologie doit être transitoirement augmentée en cas de déséquilibre et d’apparition de symptômes (toux, sifflements…).
Il est sage d’envisager avec son pneumologue un plan d’action qui permettrait au patient de gérer en autonomie son traitement inhalé lors d’expositions intenses, notamment à la canicule, afin de prévenir le risque d’exacerbation de sa pathologie.
Se protéger des feux de forêt et de leurs fumées
Cette semaine, certaines stations de mesure dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques ont enregistré des concentrations élevées de PM10 et PM2,5 (particules fines). La source : les feux en cours à La Teste-de-Buch et à Landiras. Or ces pics de pollution brefs mais intenses peuvent impacter les malades respiratoires. Selon le Pr Chantal Raherison-Semjen, « les feux de forêt constituent des pics de pollution nocifs pour les malades asthmatiques et BPCO, mais également les autres malades respiratoires chroniques. Depuis le début des années 2000, des publications scientifiques font état des conséquences sur la santé de ces incendies. Même chez les personnes non asthmatiques, l’exposition aux feux de forêt (ou brûlage des champs de canne à sucre, etc.) pendant 2 à 5 jours confère une augmentation du risque de symptômes respiratoires d’irritation (toux, sifflements), ainsi qu’un risque d’exacerbations et d’essoufflement accru chez les personnes asthmatiques et BPCO. »
Cette source de pollution est reconnue depuis très longtemps : le fait de brûler du bois, que l’on appelle combustion de la biomasse, comme lors des incendies de forêt ou, dans une moindre mesure, des matières organiques ou d’origine fossile, à l’instar de l’enfumage des vignes et des vergers pour éviter le gel des bourgeons, provoque le dégagement de particules fines et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques. C’est le même phénomène observé avec le trafic automobile.
« Dans les fumées noires, on retrouve du benzène, du cyanure et du monoxyde de carbone, détaille Frédéric Le Guillou. Les fumées blanches dégagent pour leur part des particules fines (PM10) et ultrafines (PM2,5). Ces dernières pénètrent jusqu’aux alvéoles pulmonaires, puis passent dans la circulation sanguine, engendrant un stress oxydatif impliqué dans les thromboses (caillot bouchant une artère). » Ces incendies sont donc néfastes pour l’appareil respiratoire, mais également cardiovasculaire.
➡ Les mesures à prendre en cas de feux de forêt à proximité
🔥 En cas d’incendie important et/ou de fumée de feux de forêt, selon les consignes d’évacuation des pompiers, les malades respiratoires doivent se calfeutrer chez eux et, lorsqu’ils sont prévenus suffisamment à l’avance, s’éloigner temporairement.
- Ils doivent appliquer les mêmes mesures qu’en cas de pic de pollution, comme augmenter la posologie de leur traitement bronchodilatateur en accord avec leur médecin et le consulter en cas d’exacerbation.
- Les masques estampillés FFP2, chirurgicaux, peuvent aussi aider à filtrer les particules dangereuses.
- Comme en cas de fortes chaleurs ou d’incendies, mieux vaut éviter l’activité physique, car le fait d’hyperventiler (la fréquence respiratoire s’élève) dégrade la situation respiratoire par inhalation de particules toxiques, et le rejet accru de vapeur d’eau (en plus de la sueur) accélère la déshydratation de l’organisme.
Hélène Joubert