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BPCO, la biomasse a sa part de responsabilité

Deux milliards de kilogrammes de « biomasse », énergie renouvelable issue du bois, du charbon de bois, des herbes sèches, du fumier etc., sont brûlés chaque jour dans le monde, dans des poêles inefficaces ou des feux ouverts, dans des locaux mal ventilés. Or, l’exposition à la fumée de biomasse est le facteur de risque le plus important de BPCO à l’échelle mondiale.

La biomasse

La « biomasse » est utilisée par l’homme depuis qu’il maîtrise le feu. C’est la première énergie renouvelable utilisée dans le monde. On constate un regain d’intérêt de la part des pays industrialisés pour l’énergie de la biomasse, face au dérèglement climatique et à la crise des ressources en hydrocarbures fossiles. C’est une filière en développement rapide, y compris sous des formes industrielles avec les agrocarburants et le bois comme source d’énergie à usage industriel. Mais la « biomasse » désigne également l’énergie récupérable à partir de diverses matières organiques (bois, déchets, cultures), toujours par combustion ou un autre procédé. Les combustibles à base de biomasse sont le bois, le charbon de bois, les brindilles, les herbes séchées, les résidus de récolte, les tourteaux de fumier d’origine animale etc. La biomasse est la source principale de combustible pour le chauffage et la cuisson pour près de la moitié de la population mondiale, en majorité des pays en développement car l’accès aux combustibles propres (gaz de pétrole liquéfié, biogaz, électricité) est limité dans les pays à faibles revenus.

La biomasse est un combustible utilisé par la moitié des ménages dans le monde (90% de l’ensemble des ménages ruraux), principalement dans les pays en voie de développement (1). Quant aux pays développés, avec la hausse persistance du coût de l’énergie, les consommateurs se tournent de plus en plus vers le bois ou d’autres combustibles issus de la biomasse pour la cuisson et le chauffage (2). Aujourd’hui, plus de 2 milliards de kilos de biomasse sont brûlés chaque jour dans le monde, dans des poêles inefficaces ou des feux ouverts, dans des locaux mal ventilés. Résultat, la fumée de biomasse est l’une des plus importantes sources de pollution de l’air intérieur. La combustion de cette biomasse augmente la pollution de l’air extérieur de manière significative, exposant de nombreux non-utilisateurs aux composants de la fumée de biomasse, selon l’Organisation Mondiale de la Santé.

 

Les mécanismes toxiques de la fumée de biomasse

Le problème de l’énergie issus de la biomasse est « l’utilisation de fourneaux inefficaces pour la combustion, souligne le Pr Nafissatou Oumar Touré Badiane, chef du service pneumologie de l’hôpital Fann (Dakar, Sénagal), d’où l’émission considérable de gaz toxiques tels les monoxydes de carbone et d’azote, et de composés organiques volatiles (méthane, aldéhydes, benzène et dérivés, hydrocarbures aromatiques, polycycliques) ainsi que des particules dont le diamètre est inférieur à 10 micromètres (PM10) et 2,5 (PM2,5). Ces dernières, légères, restent longtemps en suspension dans l’air et sont inhalées profondément dans les poumons. Elles sont associées à des lésions de l’appareil respiratoire via à la fois le stress oxydatif et un phénomène inflammatoire ». Pour information, le stress oxydatif ou stress oxydant correspond à une agression des cellules par des radicaux libres, aussi appelés « espèces réactives de l’oxygène » (ERO).

Bien que de nombreuses preuves épidémiologiques établissent un lien entre l’exposition à la fumée de la biomasse et des effets néfastes sur la santé notamment respiratoire, les mécanismes cellulaires et moléculaires spécifiques ne sont toujours pas bien compris. Plusieurs hypothèses existent, à commencer par une action pro-inflammatoire, faisant intervenir la stimulation des cellules bronchiques par les PM10, d’où la synthèse en cascade de facteurs inflammatoires (interleukines puis MMP9 et MMP 12 etc.) qui agissent sur le remodelage des tissus bronchiques. Celui-ci a été impliqué dans la survenue de la BPCO.

Un autre mécanisme interviendrait, dit d’ « oxydation » et de « génotoxicité », c’est-à-dire une toxicité sur le patrimoine génétique des cellules bronchiques. La stimulation des cellules bronchiques induirait un stress oxydatif à l’origine de dommages au niveau des lipides et des protides cellulaires mais aussi du matériel génétique des cellules (ADN). « En résumé, synthétise le Pr Oumar Touré Badiane, les deux mécanismes pathogènes liés à la biomasse seraient l’inflammation pulmonaire accrue et généralisée, couplée à un stress oxydatif global pouvant causer des lésions au niveau des cellules mais également de leur ADN ».

 

BPCO et exposition à la biomasse

L’importance de l’exposition dépend du type de combustible « biomasse », de l’existence ou non d’une ventilation et de la durée d’exposition. Par exemple, dans les pays en voie de développement, du fait des pratiques culturelles, les femmes passent plus de 600 000 heures de leur vie à cuisiner sur un poêle à biomasse, dans des logements mal ventilés. Elles inhalent ainsi 25 millions de litre d’air pollué. Les femmes et les enfants sont exposés à des niveaux de PM 2,5 allant jusqu’à 1 000 fois les seuils recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé (25 microg/m3).

Chez l’adulte, l’exposition chronique à la fumée de biomasse, la pollution de l’air ambiant et l’exposition opportuniste aux vapeurs et à la poussière est associée à un risque accru de bronchite chronique. Au final, « l’exposition à la fumée de biomasse est le plus grand facteur de risque pour le développement de la BPCO à l’échelle mondiale, poursuit la spécialiste. Typiquement, les individus souffrant de BPCO liée à la combustion de la biomasse sont généralement exposés tout au long de leur vie, sont plus souvent des femmes âgées du fait du cumul d’exposition, le plus souvent en zone rurale et dans des pays sous-développés ou en développement. Le risque de développer une BPCO lié à la biomasse est au moins doublé et presque triplé chez les personnes exposées » (3). Malgré l’hétérogénéité des études publiées, l’association entre la BPCO et l’exposition à la fumée produite par la combustion de différents types de combustibles solides est cohérente. Certaines données indiquent que la réduction de l’exposition à la fumée en utilisant des cuisinières améliorées réduit le risque de BPCO. Une étude publiée en 2014 a montré que l’exposition à court terme de 10 microg de PM10 augmente la mortalité par BPCO (4). De plus, des caractéristiques spécifiques à la BPCO liée à la fumée de biomasse comparé à la fumée de tabac ont été dégagées, comme un surcroît de bronchiolite, d’anthracose (maladie pulmonaire due à l’inhalation de particules de charbon), de fibrose pulmonaire et d’épaississement des parois bronchiques, mais moins d’emphysème (5).

 

Hélène Joubert, journaliste

 

Références :

(1) Bruce N et al. Bull World Health Organ. 2000;78(9):1078-92 ; (2) Torres Duque C et al. European Respiratory Journal 2014 44: 261-262 ; (3) (Kurmi OP et al. Eur Respir J. 2012 Jul;40(1):239-54 ; (4) Song Q et al. Int J Environ Res Public Health 2014 ; (5)

Rafael Silva et al. Arch Bronchoneumol Vol. 51. Núm. 6.Junio 2015 ; 257-310 2015.

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