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Allergie au chat : une place pour la désensibilisation ?

Toux, pleurs, irritation, respiration difficile… Un chat est peut-être dans les parages. L’allergie au chat peut être un véritable handicap au quotidien pour les personnes qui adorent leur boule de poils mais qui y sont allergiques. Si se séparer de l’animal en question est trop difficile à envisager, pourquoi ne pas tenter la désensibilisation ? L’avis du Pr Alain Didier (Pôle des voies respiratoires, hôpital Larrey, CHU de Toulouse).

Les principaux allergènes respiratoires sont les pollens, les particules provenant d’animaux (chat, chien, rongeurs, acariens, cafards, etc.), les moisissures ainsi que la poussière de latex, les farines de céréales ou d’autres poussières végétales. Après les acariens et les pollens, les phanères animales sont la 3e cause de sensibilisation aux allergènes respiratoires (ou pneumallergènes) chez les personnes présentant des manifestations allergiques respiratoires (1). Ce sont des particules microscopiques présentes dans l’air ambiant dont l’inhalation peut entraîner des troubles allergiques des voies respiratoires, en particulier des symptômes d’asthme en arrivant au niveau des bronches.

Chez le chat, les coupables sont les allergènes Feld 1 et 2 présents dans sa salive et les sécrétions sébacées (les glandes sébacées contribuent à la synthèse du sébum, film protecteur au niveau de l’épiderme). Si la production de protéine Feld 1 est effectivement diminuée chez certaines races de chat comme le Sibérien, elle suffit cependant à provoquer des réactions chez certaines personnes allergiques. La crise d’asthme est alors provoquée par l’inhalation de particules de poussière portant ces allergènes. Elle peut être associée à des signes de rhinite allergique et de conjonctivite.

Quels sont les principaux symptômes d’allergie aux chats ? 😺
👉 Les principaux symptômes d’allergie aux chats sont : éternuements, conjonctivite allergique (démangeaisons au niveau des yeux, rougeurs, larmoiements, gonflements), toux sèche, gorge qui gratte, rhinite allergique (nez qui coule et qui gratte).
👉 Ils peuvent également être cutanés : eczéma, urticaire, etc. et s’accompagner de difficultés respiratoires et même conduire à la crise d’asthme (expiration sifflante, respiration difficile).

Outre les trucs et astuces pour limiter le taux ambiant de protéines allergisantes Feld 1 et 2 (shampouiner le chat au minimum tous les mois, lui interdire les pièces de nuit, passer l’aspirateur plusieurs fois par semaine, aérer les pièces plusieurs fois par jour, supprimer tapis et moquettes…), et prendre des médicaments en cas de difficultés respiratoires (traitement de crise et de fond chez les personnes asthmatiques, antihistaminiques, traitement à base de cortisone), une solution peut se présenter : la désensibilisation aux allergènes du chat.

Longtemps considérée comme inefficace, la désensibilisation, ou plus exactement l’ « immunothérapie allergénique », a bien évolué. Pourtant, la désensibilisation « aux animaux » reste très peu prescrite. Celle-ci concerne à 80 % l’allergie au chat, et à 20 % celle au chien (2). A date, elle ne représente que 3 à 5 % de l’ensemble des prescriptions de désensibilisation, très loin dernière l’immunothérapie contre les acariens et les pollens.

Ce scepticisme, y compris parmi les spécialistes allergologues, est-il justifié ? 🔍

  • L’immunothérapie allergénique au chat est clairement mentionnée dans les recommandations internationale et nationale. Par exemple, dans les recommandations de l’Académie européenne d’allergie et d’immunologie clinique (EAACI) parues en 2017, l’immunothérapie allergénique aux phanères animales est clairement identifiée comme efficace dans le traitement de la rhinite allergique au même titre que la désensibilisation aux acariens et au pollen (3).
  • En France, la Société française d’allergologie est restée prudente en 2021 lors de la rédaction de ses recommandations : l’immunothérapie allergénique au chat est mentionnée, mais flanquée d’un niveau de preuve relativement faible (4).
  • Concernant la voie sublinguale (par voie buccale sous la langue jusqu’à disparition complète), qui est la plus utilisée désormais, les données ne sont pas très nombreuses même si certaines études sont relativement encourageantes notamment pour le chat (5-6).
Pr Alain Didier, pneumologue et allergologue au CHU de Toulouse.
Pr Alain Didier, pneumologue et allergologue au CHU de Toulouse.

En substance, le Pr Alain Didier, co-auteur d’une revue de la littérature sur ce sujet parue en 2022 (7) explique : « la désensibilisation peut être tentée si la gêne est importante ou si le métier expose à ces allergènes. Les recommandations de l’Académie européenne d’allergologie la considèrent comme efficace dans le traitement de la rhinite allergique provoquée par les allergènes du chat, au même titre que la désensibilisation aux acariens et au pollen. La Société française d’allergologie considère pour sa part que si la désensibilisation « au chat » existe, les preuves de son efficacité s’appuient sur des études relativement peu solides du fait du faible nombre de patients inclus et de critères d’efficacité très différents d’une étude à l’autre. »

L’expert estime que la mise au point récente d’extraits d’allergènes plus concentrés qu’auparavant pourrait en augmenter l’efficacité. En pratique, la personne doit prendre sa dose quotidienne sous la langue, pendant 3 ans. « Un point d’étape, vers 6 à 8 mois permet soit de poursuivre la désensibilisation si les symptômes ont effectivement diminué, soit de l’arrêter en cas d’inefficacité avérée », ajoute le spécialiste.

Des recherches qui ne manquent pas d’originalité

Plusieurs voies de recherche sont en cours pour limiter les réactions allergiques aux allergènes de chat, dont certaines sont originales. Au stade expérimental, des chercheurs tentent de moduler l’activité allergénique de l’allergène majeur Feld1 par différentes techniques (8). D’autres pistes consistent non pas à traiter l’humain mais l’animal ! L’idée est d’intervenir chez le chat afin de diminuer sa production d’allergène Feld 1. Pour cela, deux moyens sont à l’étude « dont celui de la vaccination du chat par une protéine hybride Feld1/protéine virale (comme une « anti-Feld1 ») (9), indique le Pr Didier. La seconde idée consiste à proposer à l’animal une alimentation riche en anticorps IgY anti-Feld 1 extraits du jaune d’œuf, ce qui diminuerait chez lui la synthèse de Feld1 » (10). A suivre.

Et pour les allergies à d’autres animaux ?

Les recherches sur l’immunothérapie allergénique pour d’autres allergies animales (hamsters, cobayes, lapins, oiseaux, chevaux, etc.), y compris le chien, sont pour l’instant peu avancées, parce que l’on connaît peu les allergènes moléculaires qu’ils produisent et leur rôle dans la survenue des symptômes cliniques.

Le principe de la désensibilisation : habituer l’organisme à tolérer un allergène
☑ Les premiers traitements d’immunothérapie ont fait leur apparition au début des années 1900. Il s’agit d’une option thérapeutique à considérer pour le traitement des allergies respiratoires (pollens, acariens, chats, moisissures) qui peuvent causer des symptômes d’asthme et/ou de rhinite.

☑ L’immunothérapie pourrait aussi être utile pour la prévention du développement de nouvelles allergies environnementales, de même que la prévention de la progression de la rhinite vers l’asthme. Ce type de traitement est aussi reconnu pour les allergies aux insectes à venin (différentes sortes de guêpes, abeilles : hyménoptères). 

☑ L’immunothérapie consiste en l’administration sublinguale (dans le cas de l’allergie au chat) d’une certaine quantité de l’allergène en cause. La quantité administrée augmente graduellement jusqu’à ce qu’une dose de maintien soit atteinte. En exposant régulièrement le système immunitaire de l’individu à un allergène problématique, il est alors possible d’observer différents indices au niveau du système immunitaire qui témoignent du développement d’une tolérance à cet allergène, comme la diminution des signes et symptômes d’allergie occasionnés par l’allergène en question (on ne dispose pas à ce jour de marqueur biologique simple et fiable d’efficacité de l’immunothérapie, comme un dosage par exemple).

Allergique au chat ? Quel sont les moyens diagnostiques ?

Le pneumo-allergologue réalise une série de tests, après avoir interrogé le patient sur les symptômes ressentis et le contexte de leur survenue (présence d’un chat, notamment).

Pour les allergies respiratoires, on effectue des prick-tests sur la peau (pollens, acariens etc.). Si des anticorps contre l’allergène sont présents dans l’organisme, et se manifestent contre les allergènes, une réaction cutanée survient : une papule en relief et une rougeur apparaissent. Selon les cas, des tests sanguins peuvent être réalisés, dans un second temps, qui permettent de doser des anticorps : les immunoglobuline E (IgE) spécifiques, en l’occurrence en cas d’allergie au chat, la présence d’anticorps anti-FELd 1 et 2.

Par Hélène Joubert

Pour aller plus loin : VRAI ou FAUX sur les allergies

Références :

(1) MigueresM, FontaineJF, HaddadT, GrosclaudeM, Saint-MartinF, BemDavidD, et al. Characteristics of patients with respiratory allergy in France and factors influencing immunotherapy prescription: a prospective observational study (REALIS). Int J Immunopathol Pharmacol 2011;24(2):387–400.

(2) Informations données par les laboratoires ALK et stallergènes

(3) Allergen Immunotherapy Guidelines Part 2: recommendations. Accessible à : https://medialibrary.eaaci.org/.

(4) Caimmi D, Demoly P, avec le groupe APSI, le comité de rédacteurs et de relecteurs des recommandations françaises pour l’ITA respiratoire. Recommandations pour la prescription et le suivi de l’immunothérapie res- piratoire – Méthodologie et liste des recommandations. Rev Fr Allergol 2021;61:24–34.

(5) WilliamsAA,CohnJR,FungSM,PadamsP.Theefficacyofallergenimmunothe- rapy with cat dander in reducing symptoms in clinical practice. Biomed Res Int 2013;2013:324207, http://dx.doi.org/10.1155/2013/324207.

(6) Alvarez-Cuesta E, Berges-Gimeno P, González-Mancebo E, Fernández-Caldas E, Cuesta-Herranz J, Casanovas M. Sublingual immunotherapy with a stan- dardized cat dander extract: evaluation of efficacy in a double blind placebo controlled study. Allergy 2007;62(7):810–7.

(7) A. Didier, L. Guilleminault, M. Migueres, C. Mailhol. Allergie au chat : une place pour la désensibilisation ? Revue française d’allergologie 63 (2023) 103284

(8) Jutel M, Agache I, Bonini S, Burks AW, Calderon M, et al. International consensus on allergen immunotherapy II: mechanisms, standardization, and pharmacoeconomics. J Allergy Clin Immunol 2016;137(2):358–68.

(9) ThomsF,JenningsGT,MaudrichM,VogelM,HaasS,etal.Immunizationofcats to induce neutralizing antibodies against Fel d 1, the major feline allergen in human subjects. J Allergy Clin Immunol 2019;144(1):193–203.

(10) Satyaraj E, Li Q, Sun P, Sherrill S. Anti-Fel d1 immunoglobulin Y antibody- containing egg ingredient lowers allergen levels in cat saliva. J Feline Med Surg 2019;21(10):875–81.

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