Témoignage
Brigitte, 56 ans, atteinte de BPCO stade 2-3 (sans oxygène) et d’emphysème sévère (Alpes-de-Haute-Provence)
L’histoire de Brigitte. C’est en accompagnant sa sœur chez son médecin traitant que la toux de Brigitte a interpellé le soignant. Brigitte ne s’en plaignait pourtant pas ; elle s’était habituée à ces épisodes infectieux répétés qu’elle considérait comme des « rhumes » saisonniers (en réalité une bronchite chronique). Aussitôt, un scanner des poumons a mis en évidence un emphysème sévère. L’exploration fonctionnelle respiratoire a confirmé à l’âge de 50 ans une BPCO avancée (volume expiratoire maximal par seconde-VEMS inférieur à 50 %). Avant ce diagnostic posé fortuitement, Brigitte vivait avec cette pathologie, compensant au mieux, dans sa vie quotidienne comme professionnelle, en dépit d’un travail pourtant particulièrement physique. C’est à l’occasion d’un projet de reconversion que sa mise en invalidité a été prononcée, à 53 ans tout juste.
La découverte de l’ergothérapie
Sur la prescription de son pneumologue (en vue d’un éventuel traitement de son emphysème sévère par l’implantation de valves endobronchiques), Brigitte a pu obtenir une place convoitée en centre de réadaptation respiratoire et en a tiré profit. « Chez une personne ayant une capacité respiratoire diminuée, l’acte de respirer s’apprend, indique Brigitte. L’ergothérapeute du centre m’a enseigné à gérer mon souffle, surtout dans les cas d’urgence, lorsque les poumons réclament à tout prix de l’oxygène à la suite d’un effort intense. Il nous faut accepter que respirer comme une personne valide nous est impossible. L’affolement ne mène à rien, sauf à s’épuiser. C’est aussi profondément anxiogène. J’en était consciente, mais sans pouvoir l’appliquer lors des moments de panique. « Doucement », est le mot clé, et je l’applique depuis au mieux. »
L’enfer des escaliers
Nombreux sont les malades chroniques respiratoires qui redoutent cet effort de tous les jours. « Lors d’un exercice de montée des marches, l’ergothérapeute a constaté que ma saturation en oxygène était à 88 %*. Je « désaturais », sans pour autant le ressentir. J’étais même prête à repartir ! Elle m’a conseillé au contraire de patienter jusqu’à ce que mon taux d’oxygène remonte à 94 %. J’ai compris qu’il ne fallait pas laisser son taux d’oxygène s’effondrer, sans quoi on est exténué, incapable de poursuivre toute activité. Ce travail m’a permis d’objectiver une saturation en oxygène souvent très basse, que je ne soupçonnais même pas. »
L’épreuve de la douche
« J’ai également appris – ce qui me servira plus tard – à gérer l’effort pour prendre ma douche. Pour l’instant, je m’acquitte de cette tâche relativement vite. Comme je suis encore suffisamment souple et musclée, je m’autorise à ne pas suivre à la lettre les conseils de l’ergothérapeute. Continuer à réaliser les activités « presque » comme des personnes valides (mais en étant parfois très exténuée), me donne l’impression d’être encore jeune. Je le paie cher du point de vue respiratoire mais psychologiquement, c’est important pour moi. Je préfère encore être essoufflée et effectuer les gestes à ma façon. Je sais néanmoins que j’y viendrai, mais le plus tard possible !
« Adapter son rythme, penser la vie quotidienne différemment »
Brigitte le reconnaît cependant : « certains conseils sont déjà très bénéfiques, ne serait-ce que pour se coucher. Comme si j’avais 20 ans, je me jette sur mon lit. Je me tourne et me retourne. Et puis soudain, plus d’air ! Si je suivais les conseils de l’ergothérapeute, je devrais me coucher lentement, en décomposant les étapes. Je fais tout trop vite. J’ai pourtant ralenti mon rythme de moitié en cinq ans. Baisser la cadence, s’accorder des pauses et ne pas pousser son organisme jusqu’à manquer d’air. L’ergothérapeute nous apprend à réaliser nos activités et nos gestes différemment, à penser dans une optique d’épargne de l’organisme, et ainsi parvenir à notre objectif sans être totalement à plat. D’autant que l’angoisse anticipatoire d’être exténué finit par nous faire renoncer insidieusement à des activités, physiques comme sociales. C’est un piège que l’ergothérapeute nous permet d’éviter. Du moins de limiter. »
« L’ergothérapie devrait être accessible à tous, à n’importe quel âge et quel que soit le handicap »
En à peine quelques années, Brigitte a eu l’impression de vieillir de 20 ans, sans pour autant adapter son comportement, de manière consciente ou inconsciente. Elle en assumait vaillamment les conséquences, en étant épuisée dès que l’effort devenait un peu important : « Je n’avais pas réalisé à quel point il était important de s’économiser, pour sa santé et sa vie future. La rencontre avec l’ergothérapeute m’a permis de glaner des conseils pertinents dont je n’imaginais même pas l’intérêt. Elle a mis le doigt sur des occupations que ne réalisais pas correctement vu mon état. L’ergothérapie est utile, même pour des personnes tout juste entrées dans la cinquantaine. Elle nous enseigne le « prendre soin » de nous mais également qu’il n’est pas honteux vis-à-vis du reste de la population de respirer fort, de marcher lentement. »
Propos recueillis par Hélène Joubert
* En prélevant du sang au niveau d’une artère, il est possible de mesurer différents paramètres liés à la quantité de gaz qu’il contient, en particulier la saturation en oxygène (SaO2), qui correspond au taux d’oxygène présent dans les globules rouges :
– Entre 94 et 98 %, la saturation en oxygène est bonne ;
– Entre 90 et 93 %, elle est dite « médiocre » ;
– En dessous de 90 %, on parle de désaturation.
🔍 Aller plus loin
L’ergothérapie, une aide précieuse pour aider les personnes insuffisantes respiratoires à mieux vivre au quotidien – Entretien avec Aurélie Charvoz, ergothérapeute au centre de réadaptation respiratoire de l’hôpital Renée Sabran (Hospices Civils de Lyon – HCL, Hyères, Var).
Ergothérapie et maladies respiratoires chroniques : l’avis du pneumologue – Dr Charles Simon, pneumologue au Centre Renée Sabran (Hyères).