Communiqué Santé respiratoire France
La période hivernale, propice aux infections par le virus respiratoire syncytial (VRS), vient à peine de commencer, et déjà Santé respiratoire France, comme l’ont fait les communautés pédiatrique, infectiologique et pneumologique, se mobilise.
Nous dénonçons une inégalité flagrante dans la prise en charge par la collectivité d’un moyen de prévention des formes graves de bronchiolite, à savoir le traitement par anticorps monoclonal contre le VRS nirsevimab (Beyfortus®, une injection unique).
En effet, si ce traitement est administré sans avance de frais à la maternité, son taux de remboursement chute à 30 % lorsqu’il est prescrit en ville. Un « deux poids, deux mesures » incompréhensif que regrette Santé respiratoire France. Quelles que soient les raisons pour lesquelles un nourrisson n’a pas pu recevoir le nirsévimab pendant son séjour à la maternité, des contraintes économiques ne devraient jamais priver une famille de ce moyen de prévention des formes graves de bronchiolite et du risque d’hospitalisation pour leur enfant.
L’efficacité du nirsévimab a été démontrée par les autorités sanitaires et l’Institut Pasteur au cours de l’hiver 2023-2024, période où en ville ou à la maternité, celui-ci était entièrement pris en charge. Les études cliniques confirment une réduction significative des hospitalisations liées au VRS et de la gravité des infections respiratoires. De plus, cette prévention par immunisation passive a été largement acceptée par les familles lors de la précédente saison hivernale, rassurées aussi par le peu d’effets indésirables du produit.
Pourtant, cette disparité dans le remboursement interroge : si le nirsévimab est reconnu efficace, pourquoi ne pas garantir son accessibilité équitable, que l’administration ait lieu à la maternité ou en ville ? C’est une question à la fois d’éthique et de santé publique.
Précisément, cette efficacité a été unanimement saluée lorsque, en juin dernier, les données en vie réelle de l’utilisation du nirsévimab pendant la saison hivernale 2023-2024 ont été publiées (près de 245 000 doses ont été mises à disposition gratuitement en France). Selon l’Institut Pasteur, environ 5 800 hospitalisations ont été évitées l’an dernier grâce à Beyfortus®, avec une efficacité en vie réelle estimée à près de 80 % pour prévenir les cas nécessitant une admission en réanimation. Des résultats importants alors même que seuls les nouveau-nés avaient bénéficié de ce traitement. Les données issues de deux études majeures portant sur cet anticorps monoclonal – Melody et Harmonie – avaient auparavant révélé que cette approche d’immunisation passive permettait de réduire de 62 % à 83 % le risque d’hospitalisation. Mais il ne faut pas non plus l’oublier, au-delà de prévenir les formes sévères, il s’agit également d’améliorer la qualité de vie des enfants et des familles.
Les raisons pour lesquelles un nourrisson peut ne pas avoir reçu ce traitement à la maternité sont multiples : éventuelle pénurie, information incomplète des parents, ou encore un changement d’avis après le retour à la maison, etc. Ce choix de limiter le remboursement à 30 % en ville pénalise les familles précaires, pour lesquelles le ticket modérateur qui reste à leur charge, d’environ 300 € (281,26 €, exactement), peut être dissuasif, pour avancer la somme dans certaines pharmacies qui n’appliquent pas le tiers-payant voire en cas de non prise en charge complémentaire ou de manière partielle (hors Complémentaire santé solidaire ou Aide médicale d’État où le nirsevimab est alors remboursé à 100 %).
Cette décision repose sur une appréciation par la Commission de la transparence de la Haute autorité de santé (HAS) d’une Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR) du nirsévimab qualifiée de mineure (IV), et d’un Service Médical Rendu (SMR) jugé modéré (avis adopté par la CT de la HAS le 23 octobre publié le 20 novembre).
Pour autant, la Commission de la transparence maintient les indications déjà retenues pour le remboursement, à savoir les nouveau-nés et nourrissons au cours de leur première année d’immunisation, ainsi que les enfants jusqu’à 24 mois présentant une vulnérabilité accrue face à une infection sévère par le VRS lors de leur deuxième année de circulation du virus.
Il s’agit ici de protéger tous les nourrissons d’une infection aux conséquences parfois graves. Alors que les premiers cas de bronchiolites de cet automne ont déjà conduit à des admissions en soins intensifs et en réanimation, une telle incohérence dans la prise en charge doit être corrigée pour garantir une prévention équitable et efficace à tous les enfants.
Nous rappelons à cette occasion que la prévention contre le virus respiratoire syncytial (VRS) repose également sur l’immunisation active, c’est-à-dire la vaccination des femmes enceintes (vaccin Abrysvo®) lors du 8ème mois de grossesse pour protéger leur nouveau-né. Ce dernier est pris en charge à 100% par l’Assurance maladie.
Dr Frédéric le Guillou, président de Santé respiratoire France
Liens vers les articles concernant la prévention des infections liées au VRS chez le nouveau-né :
- Infections par le VRS : la saison se prépare
- 13 juin 2024 : La HAS reconnait l’intérêt de la vaccination de la femme enceinte pour prévenir les infections à VRS, au 8e mois de grossesse
- Prévenir les infections respiratoires à VRS chez le nourrisson et les seniors
Références :
- Bronchiolites à VRS : la communauté pédiatrique s’alarme de l’absence de remboursement total du nirsevimab pour les enfants des familles les plus modestes. Communiqué du 20 novembre 2024
- Dress ÉTUDES ET RÉSULTATS N° 1260 Paru le 09/03/2023/ En 2019, huit bénéficiaires d’un contrat de complémentaire santé sur dix disposaient d’au moins une garantie inférieure à celles fixées depuis par le 100 % santé
- Aurélie Pierre, Thierry Rochereau. L’absence de couverture par une complémentaire santé en France en 2019/ Premiers résultats de l’Enquête santé européenne (EHIS)/ Dress/irdes n) 268- mai 2022
- Du 18 au 24 novembre, la maladie représentait 13,7 % des passages aux urgences, 27,2 % des hospitalisations et 32,9 % des admissions en service de réanimation chez les moins de 2 ans, selon un bulletin de Santé publique France publié le mercredi 27 novembre.
- Avis de la HAS/BEYFORTUS (nirsévimab) – Virus respiratoire syncytial AVIS SUR LES MÉDICAMENTS – Mis en ligne le 20 nov. 2024 Extension d’indication et réévaluation à la demande de la CT.
- Bronchiolite : deux études françaises démontrent l’efficacité du Beyfortus® dans la prévention des cas graves et la réduction des hospitalisations chez les nourrissons/ Santé publique France. Communiqué de presse vendredi 26 avril 2024
- Paireau J, Durand C, Raimbault S, et al. Nirsevimab Effectiveness Against Cases of Respiratory Syncytial Virus Bronchiolitis Hospitalised in Paediatric Intensive Care Units in France, September 2023-January 2024. Influenza Other Respir Viruses. 2024 Jun;18(6):e13311. doi: 10.1111/irv.13311. PMID: 38840301; PMCID: PMC11154801.
- Brault A, Pontais I, Enouf V, et al. Effect of nirsevimab on hospitalisations for respiratory syncytial virus bronchiolitis in France, 2023-24: a modelling study. Lancet Child Adolesc Health. 2024 Oct;8(10):721-729. doi: 10.1016/S2352-4642(24)00143-3. Epub 2024 Aug 26. PMID: 39208833.