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ToggleLe plus souvent, la maladie Covid-19 – causée par une infection par le virus SARS-CoV-2 – guérit d’elle-même en quelques semaines. Mais il arrive, dans une minorité de cas, que les symptômes persistent après la guérison, avec un retentissement important dans la vie quotidienne. On parle alors de symptômes prolongés de la Covid-19, ou de Covid long. Avant de poser le diagnostic, un bilan médical complet est nécessaire afin d’éliminer d’autres pathologies ou des séquelles/complications de la Covid-19 pouvant expliquer les symptômes. Deux pneumologues, le Pr Claire Andrejak (CHU Amiens-Picardie), et le Dr Loïc Kassegne (CHU de Strasbourg), répondent aux questions les plus couramment posées sur le Covid long.
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Quelle est la définition du Covid long ?
La première définition en France des symptômes prolongés de la Covid-19 est apparue dans un rapport de la HAS publié en 2021 et actualisé depuis. Afin de poser le diagnostic de Covid long :
- il faut que l’infection ait été confirmée, soit par un test PCR ou antigénique positif, ou ait été qualifiée de « probable » par le médecin, notamment d’après les symptômes ressentis et en fonction du contexte épidémique.
- Il faut également qu’au moins un des symptômes initiaux soit encore présent, au-delà de 4 semaines suivant le début de la phase aiguë de la maladie.
- De plus, les symptômes prolongés ne doivent pas s’expliquer par un autre diagnostic sans lien avec la Covid-19.
Plusieurs définitions de symptômes persistants retrouvées dans la littérature scientifique internationale sont variables, comme le « post acute Covid-19 syndrome » ou « persistent post-Covid syndrome ».
👉10 à 20 % des patients à 3 mois ont un Covid long (en majorité des femmes, de moyenne d’âge de 45 ans, ayant eu le plus souvent un Covid-19 modéré) (1). 👉 Plus de 70 % des Covid sévères conservent des symptômes à 3 mois (en majorité des hommes, de moyenne d’âge de 61 ans) (2). |
Quels sont les symptômes associés au Covid long ?
Les symptômes ressentis en cas de Covid long peuvent être généraux comme la fatigue, mais peuvent aussi toucher d’autres sphères, respiratoire (toux, dyspnée-essoufflement), cardiovasculaire (douleurs et oppressions thoraciques, tachycardie, dyspnée, toux), digestive (douleurs abdominales, nausées, pertes d’appétit), neurologique (asthénie/faiblesse, troubles cognitifs, pertes de mémoire, maux de tête, troubles du sommeil, vertiges), génitale (troubles de l’érection, troubles menstruels), ORL (troubles du goût et/ou de l’odorat, acouphènes, vertiges) ou rhumatologique (douleurs musculaires, articulaires, tendineuses).
Cette liste n’est pas exhaustive. Ces symptômes peuvent se présenter sous différentes formes, être déclenchés ou exacerbés à l’effort et évoluer de façon fluctuante sur plusieurs semaines ou mois. Les symptômes prolongés après un Covid-19 avéré ou probable doivent alerter sur l’éventualité d’un Covid long.
L’impact d’un Covid long est important : selon un rapport de l’Office for National Statistics en Grande Bretagne (2022) (3), 73 % des personnes ayant un Covid long se disent limitées dans la vie quotidienne, dont 16 % avec une franche limitation. L’inactivité professionnelle augmente de 45 % en cas de Covid long. La santé mentale est également impactée : 30 % déclarent des symptômes dépressifs modérés à sévères, et 25 % une certaine forme d’anxiété.
Qui est à risque de Covid long ?
Environ 10 % des personnes ayant été infectées déclarent un Covid long (4). Plus la forme est sévère, plus le risque de symptômes prolongés est élevé (5), ce qui ne signifie pas qu’il n’est pas possible de déclarer un covid long après une forme légère ou modérée de l’infection. Les femmes sont plus sujettes au Covid long, ainsi que les 18-50 ans (5) et les personnes souffrant de maladies associées (comorbidités comme l’asthme, la BPCO, l’insuffisance rénale chronique, l’immunodépression, l’insuffisance cardiaque chronique).
Comment peut-on expliquer le Covid long ?
La physiopathologie du Covid long reste obscure, en sachant que ce syndrome peut s’expliquer de plusieurs manières, aujourd’hui encore au stade des hypothèses (4) : une persistance du virus dans l’organisme à l’instar du virus de l’herpès, une perturbation (dysbiose) du microbiote intestinal provoquée par le virus, une réponse dysimmunitaire ou inflammatoire inadaptée, l’apparition de troubles fonctionnels, de troubles psychologiques ou psychiatriques et l’implication de facteurs génétiques, hormonaux et/ou auto-immuns associés.
Comment affirmer qu’une personne souffre d’un Covid long ?
Devant un patient qui présente des symptômes prolongés au décours d’un Covid-19, le médecin doit d’abord éliminer une complication de la phase aiguë, une aggravation brutale d’une maladie concomitante (décompensation de comorbidité) et une autre cause que la Covid-19. En particulier, un bilan est nécessaire pour s’assurer que les symptômes persistants ne sont pas liés à des séquelles de la Covid-19. Par exemple, les infections Covid-19, surtout si elles sont sévères, peuvent entraîner une fibrose pulmonaire, des complications d’embolie pulmonaire, une hyperréactivité bronchique, un syndrome d’hyperventilation inapproprié, mais aussi, au niveau cardiovasculaire, une myocardite (infection du muscle du cœur), une insuffisance cardiaque, une arythmie cardiaque et, sur le plan neurologique, un accident vasculaire cérébral, une épilepsie, un syndrome de Guillain-Barré (affection rare dans laquelle le système immunitaire du patient attaque les nerfs périphériques) ou un syndrome de fatigue chronique.
Peut-on éviter le Covid long ?
Outre le fait d’éviter de contracter la Covid-19, ce qui est difficile, l’effet protecteur de la vaccination vis-à-vis du Covid long a été démontré, avec un risque réduit de 43 % de Covid long chez les personnes ayant reçu au moins 2 doses de vaccin contre la Covid-19, mais également l’effet protecteur d’un médicament antiviral (Paxlovid®, combinant le nirmatrelvir/ritonavir donné dans les 1ers jours après une forme sévère de l’infection Covid-19 afin de prévenir les complications chez les personnes à risque), avec un risque réduit de 26 % de Covid long, que l’on soit vacciné ou non.
Peut-on guérir d’un covid long ?
La réponse est encore floue, avec des taux de guérison faibles, estimés entre 15 et 30 % à long terme (6, 7). Certaines personnes ont plus de chances de rémission que d’autres : ce sont les plus jeunes, les hommes, avec une sévérité initiale moindre des symptômes de Covid long, et un Covid long déclaré suite à l’infection par le variant Omicron. L’évolution observée consiste en l’alternance de phases d’exacerbation et de récupération. L’évolution se fait en règle vers une amélioration à un rythme variable selon les patients. Une reprise aménagée et progressive du travail est recommandée.
💬 Témoignage d’une patiente : Joanna
« J’ai contracté la Covid-19 en fin de grossesse. L’infection a été sévère. Après l’accouchement, les symptômes ont persisté : essoufflement même au repos et très variable, activité considérablement réduite alors que j’étais une femme hyperactive, des désaturations avec des besoins ponctuels en oxygène, une grande fatigue, des douleurs thoraciques, un emballement aléatoire du rythme cardiaque. Je n’ai jamais eu de problème de santé particulier. En dépit de mon Covid long, je suis restée active – mais absolument rien à voir avec mon niveau d’activité habituel. Alors que l’on a beaucoup évoqué voire dramatisé le Covid long au début de la pandémie, le balancier est allé aujourd’hui trop loin et l’on a tendance à minimiser cet état de santé altéré qu’est le Covid long. On entend souvent que ça n’est pas grave et que ça passera. Il faut néanmoins prendre au sérieux les personnes qui en souffrent, et au cas par cas. »
Quelle prise en charge du Covid long ?
En cas de symptômes persistants après l’infection, la marche à suivre est de consulter son médecin traitant et de ne pas s’auto-diagnostiquer. Le lien chronologique avec la Covid-19 est indispensable mais ne suffit pas à affirmer la causalité entre Covid-19 et Covid long. Le médecin décidera de la nécessité d’adresser son patient à un pneumologue pour un bilan complémentaire en cas de symptômes respiratoires, ainsi qu’à d’autres spécialistes si nécessaire, en fonction des symptômes et des examens pertinents.
Les traitements actuels sont essentiellement symptomatiques. La rééducation, notamment respiratoire, occupe une place centrale et doit prendre en compte l’éventualité d’un syndrome d’hyperventilation et d’une exacerbation des symptômes après un effort. La rééducation olfactive en cas de troubles de l’odorat persistants ne doit pas être négligée. Le réentraînement est une nécessité, après exclusion des contre-indications à l’effort et avec un éventuel soutien psychologique et une rééducation neurocognitive.
🔹 La fatigue est le symptôme persistant N°1.
Celle-ci peut être isolée ou associée à d’autres symptômes, être fluctuante, mais souvent d’amélioration très lente. D’autres causes responsables de fatigue doivent être éliminées, comme une insuffisance surrénalienne (quand le corps n’est pas capable de produire assez de cortisol, ce qui peut arriver si les glandes surrénales sont blessées ou si l’hypophyse dans le cerveau ne produit pas suffisamment d’hormone adrénocorticotrope), un problème thyroïdien ou un syndrome des apnées du sommeil. La prise en charge des symptômes associés est primordiale, par exemple l’essoufflement (dyspnée), qui peut aggraver la fatigue. La réadaptation progressive à l’effort est recommandée, à l’écoute de soi car l’activité physique est très coûteuse en énergie.
🔹 L’essoufflement est le symptôme persistant N°2.
L’essoufflement (dyspnée) est le second symptôme de Covid long le plus fréquent (respiration courte, rapide et gênée), avec de petits volumes d’air (une hyperventilation, dans le langage médical).
Le médecin traitant et le pneumologue doivent avant tout éliminer une maladie préexistante à l’infection Covid-19, soit inconnue, soit qui a pu être aggravée par l’infection, typiquement une BCPO, un asthme, une insuffisance cardiaque. La seconde étape est d’éliminer les séquelles de l’infection, surtout si le patient a été hospitalisé pour un Covid sévère, avec un bilan minimal (scanner, épreuve de souffle/EFR pour Epreuve fonctionnelle respiratoire, et test de marche de 6 minutes).
La plupart des patients ayant un Covid long ont un examen clinique normal et un bilan normal.
La réaction de l’organisme à l’effort doit être étudiée, avec mesure de la saturation pulsée en oxygène (SpO2 ; estimation de la quantité d’oxygène dans le sang) lors du test de lever de chaise (se lever et s’asseoir en continu pendant 1 minute), du test de marche de 6 minutes, ou d’une épreuve d’effort. Le médecin observe ainsi l’évolution du taux d’oxygène dans le sang du patient, afin de vérifier si l’essoufflement est effectivement lié à une baisse du taux d’oxygène sanguin. De manière générale, le patient peut « hyperventiler » parce que son sang est trop pauvre en oxygène, à cause d’un stress/d’une angoisse importants, ou parce que les besoins de l’organisme et précisément des muscles sont plus importants (activité physique).
L’hyperventilation est dite appropriée lorsque la respiration de l’individu s’adapte pour assurer les besoins de l’organisme en oxygène. En post-Covid 19, les maladies sous-jacentes, les séquelles (rares) mais aussi le déconditionnement à l’effort peuvent accroître les besoins en oxygène du corps. On parle alors de syndrome d’hyperventilation, où dans ce cas la ventilation est dite inappropriée par rapport aux besoins métaboliques et/ou au stress de l’organisme.
L’hyperventilation entraîne une cascade de symptômes multiples : dyspnée, tachycardie, douleur thoracique, fourmillements au niveau des doigts, fatigue, malaise, et syncope, et peut survenir au repos chez certains patients. Les anomalies du contrôle ventilatoire au niveau cérébral peuvent être secondaires à l’infection mais les mécanismes précis, en particulier inflammatoires, restent méconnus.
Quel est l’intérêt de la kinésithérapie dans le cadre du Covid long ?
Que ce soit dans le cadre des maladies respiratoires chroniques ou d’un essoufflement lié au Covid long, la spirale du déconditionnement à l’effort est bien connue. Le fait d’être essoufflé à l’effort incite la personne à moins bouger, et dans ce cas, elle déshabitue son muscle à travailler, lequel réclame encore plus d’oxygène que d’habitude. Car un muscle peu entraîné requiert plus d’oxygène que le même muscle entraîné, ceci pour le même niveau d’effort. Or, plus le muscle réclame de l’oxygène, plus la personne est essoufflée, moins elle bouge, etc. C’est un cercle vicieux, constaté dans le Covid long comme dans beaucoup d’autres pathologies et infections virales, y compris chez les personnes restées trop sédentaires suite aux confinements lors de l’épidémie de Covid-19. Le déconditionnement à l’effort est un risque dans la Covid-19. Inverser la spirale du déconditionnement à l’effort est impératif. Pour cela, débuter un réentraînement à l’effort devrait être systématique, chez un kinésithérapeute formé à la prise en charge des patients Covid long ou en centre de réadaptation, afin de réapprendre aux muscles à travailler, de manière modérée et progressive, mais aussi réapprendre à respirer de manière adaptée, en particulier à l’effort.
Pour en savoir plus :
- FICHE HAS : Kinésithérapie – Réentraînement à l’effort au cours des symptômes prolongés de la Covid-19. Mise à jour en avr. 2023
- Document HAS : Symptômes prolongés de la Covid-19 : Quel diagnostic & prise en charge chez l’adulte ? 15 Avril 2021. Par Dominique Salmon Ceron (Maladies Infectieuses et Tropicales, Hôtel Dieu, APHP, Université de Paris, Paris)
Ce webinaire a été réalisé avec le soutien institutionnel de Menarini
Références :
1. Haverall S et al. Symptoms and Functional Impairment Assessed 8 MonthsAfter Mild COVID-19 Among Health Care Workers. Jama, April 2021.
2. Morin L, et al. Four-Month Clinical Status of a Cohort of Patients After Hospitalization for COVID-19. JAMA 2021. 2021 ar 17 .
3. Office of National Statistics The prevalence of Long Covid symptoms and Covid complications. 16 dec 2020.
4. Davis, H.E., McCorkell, L., Vogel, J.M. et al. Long COVID: major findings, mechanisms and recommendations. Nat Rev Microbiol 21, 133–146 (2023).
5. Tsampasian V, et al. Risk Factors Associated With Post-COVID-19 Condition: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Intern Med. 2023 Mar 23:e230750. PMC10037203.
6.Tran V et al, Nature Com, 2022.
7. Perlis R et al, Correlates of symptomatic remission among individuals with post-COVID-19 condition. MedRXiv, version posted February 1, 2023.