Vrai ou faux ? Journée mondiale sans tabac 2025.

À l’occasion de la Journée mondiale sans tabac, ce 31 mai 2025, Santé respiratoire France invite à faire le point sur les idées reçues autour du tabagisme chez les jeunes. Dire que fumer est mauvais pour la santé ne suffit pas : comprendre les mécanismes de l’addiction et les stratégies mises en place par l’industrie du tabac est essentiel pour mieux s’en prémunir. À travers ce décryptage, chaque question devient une opportunité d’apprendre, de comprendre et d’agir pour préserver sa santé. Un jeune averti en vaut deux !

Journée mondiale sans tabac

VRAI. Les 18-24 ans fument moins que les 25-44 ans.

La consommation de tabac des 18-24 ans en France a chuté à son plus bas niveau historique. Moins d’un jeune de 18 à 24 ans sur quatre fume chaque jour, un taux jamais atteint auparavant. À la lecture des derniers résultats publiés le 20 mai 2025 par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) et Santé publique France, le Dr Bernard Basset, président de l’association Addictions France, en est certain : « la cigarette et les produits du tabac sont désormais perçus comme des drogues des générations précédentes », observe l’addictologue.

De manière générale, 23,1 % des adultes âgés de 18 à 75 ans fument chaque jour, et 31,1 % de façon occasionnelle. « Il s’agit de la prévalence la plus basse jamais observée », souligne l’OFDT. Depuis 2016, la proportion de fumeurs quotidiens a reculé de six points (elle s’élevait alors à 29,4 %). Le tabagisme reste toutefois plus répandu chez les hommes (25,4 %) que chez les femmes (20,9 %).

Les 25-44 ans restent les plus gros fumeurs, avec un taux de tabagisme quotidien de 29,5 %, devant les 18-24 ans (23,4 %). Chez les moins de 25 ans, la consommation de tabac atteint un niveau historiquement bas depuis le début des enquêtes dans les années 1990. Pour la première fois, cette tranche d’âge fume moins que celle des 25-44 ans. « La forte baisse du tabagisme observée chez les adolescents ces dernières années commence à se refléter chez les jeunes adultes », peut-on lire dans le rapport de l’OFDT, qui souligne cependant de fortes inégalités sociales, le tabagisme quotidien étant nettement plus répandu chez les personnes sans diplôme et les chômeurs par comparaison aux diplômés du supérieur et aux actifs. Selon un autre rapport daté de mai 2025 concernant l’Europe, produit par l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, 32 % des adolescents déclaraient en 2024 avoir déjà fumé une cigarette, contre 68 % en 1995.

Référence : Tabagisme et vapotage parmi les 18-75 ans en 2023 (20 mai 2025) par l’OFDT

la vape reste toxique pour les poumons,VRAI. Vapoter est un phénomène en constante hausse parmi les jeunes générations. En effet, la diminution du tabagisme s’accompagne d’une progression constante de l’usage de la cigarette électronique. En 2023, 6,1 % des adultes âgés de 18 à 75 ans vapotaient chaque jour, un taux plus que doublé par rapport à 2017 (2,7 %). Ce mode de consommation concerne principalement les jeunes générations : 8,7 % des 25-34 ans vapotent quotidiennement, contre seulement 2 % chez les 65-75 ans.

« Aux jeunes qui me disent qu’ils vapotent pour arrêter de fumer, je leur réponds clairement : la vape reste toxique pour les poumons, affirme le Dr Laurent Nguyen, pneumologue (Bordeaux) et secrétaire de Santé respiratoire France. C’est probablement un peu moins nocif que le tabac, mais si c’est utilisé comme un outil pour arrêter de fumer, ça ne doit être que temporaire. Le message est simple : il faut arrêter le plus vite possible. Le vapotage ne doit pas devenir une habitude récréative. Sinon, il devient une porte d’entrée vers le tabac. »

En savoir plus sur l’enquête européenne : The 2024 European School Survey Project on Alcohol and Other Drugs (ESPAD)

VRAI. Le Dr Laurent Nguyen, pneumologue (Bordeaux) et secrétaire de Santé respiratoire France explique qu’il voit dans sa patientèle de plus en plus de patients jeunes atteints de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), et même à partir de la trentaine.

Cela est vérifié par un nombre croissant de publications scientifiques. Parmi elles, une étude danoise (2020)* a estimé que 15 % des individus de moins de 50 ans avec au moins 10 paquets-années de tabagisme présentent des signes de BPCO précoce, avec une capacité respiratoire inférieure à la normale (définie par le rapport FEV/FVC)**. Ces individus présentent souvent des symptômes respiratoires chroniques et une fonction pulmonaire altérée, avec un risque accru d’hospitalisations pour maladies respiratoires aiguës et une mortalité précoce.

La BPCO touche aujourd’hui des personnes de plus en plus jeunes. Ce phénomène s’explique notamment par un début précoce du tabagisme, parfois dès l’adolescence, et par l’association fréquente avec la consommation de cannabis. « Tout est relatif bien sûr, mais je rencontre désormais des patients atteints de BPCO dès l’âge de 30 ans, révèle-t-il. J’ai aussi vu plusieurs cas de cancers du poumon chez des patients de moins de 30 ans. Ces jeunes avaient tous fumé, beaucoup et depuis longtemps. Pas uniquement du tabac : le cannabis était également présent dans leur consommation. »

Dans ces cas-là, l’impact psychologique est fort. « Un diagnostic de BPCO à 30 ans n’a pas du tout les mêmes implications qu’à 60 ans, fait-il remarquer. Vivre avec une maladie respiratoire chronique à un âge où l’on devrait être en pleine possession de ses capacités, c’est très difficile à accepter. La maladie devient rapidement handicapante, y compris dans des gestes simples du quotidien. » Or, ne pas accepter la maladie, c’est prendre le risque de ne pas se soigner, avec une mauvaise observance du traitement médicamenteux, et sans adopter les bons comportements de santé pour limiter la progression de la maladie.

* Marott JL, Ingebrigtsen TS, Nordestgaard BG, et al. Risk of COPD and asthma exacerbations by blood eosinophil count in adults with early-stage COPD. European Respiratory Journal. 2020 Jul 1;56(1):1902436.

** Le rapport Volume Expiratoire Maximal en une Seconde (VEMS) sur Capacité Vitale Forcée (CVF) sert à mesurer la capacité des poumons à expulser l’air rapidement. S’il est trop bas, cela indique un problème respiratoire, typique de la BPCO.

VRAI. Ces éléments sont délibérément utilisés pour rendre les produits plus attractifs, notamment auprès des jeunes, en facilitant l’initiation du tabagisme et en renforçant l’adhésion.

Sur ce point, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a dévoilé le thème de la Journée mondiale sans tabac 2025 : « Produits du tabac et à base de nicotine : démasquons les tactiques de séduction de l’industrie du tabac ».

Quelles sont les méthodes utilisées pour rendre ces produits – tabac, nicotine et produits associés – attractifs, en particulier chez les jeunes ?

L’industrie du tabac cherche en permanence à rendre ces produits plus séduisants, en ajoutant des arômes ou d’autres substances modifiant leur odeur, leur goût ou leur apparence. Ces additifs atténuent l’âpreté du tabac pour en faciliter l’acceptation, surtout par les plus jeunes.

D’autres stratégies sont également employées :

  • Un marketing “glamour” : designs épurés, couleurs vives et arômes sont utilisés de manière ciblée pour séduire un public jeune, notamment via les réseaux sociaux.
  • Une conception trompeuse : certains produits imitent des bonbons ou des personnages de dessins animés, ce qui attire naturellement les enfants.
  • Des agents rafraîchissants et des additifs : ils rendent la consommation plus agréable, augmentent le risque d’usage prolongé, réduisant les chances de sevrage.

Pour attirer les jeunes, « de nombreux autres produits apparaissent, complète le Dr Laurent Nguyen, pneumologue (Bordeaux) et secrétaire de Santé respiratoire France : CBD, snus, poudres à inhaler, sachets ou perles de nicotine. L’innovation est constante dans l’industrie du tabac, avec une imagination sans limite qui multiplie les formes de nicotine et les usages. Les puffs, bien qu’interdites récemment, restent possibles à se procurer. Elles familiarisent les jeunes avec la gestuelle du tabagisme et peuvent les amener vers la nicotine, puis l’addiction.

Quant aux nouveaux produits, ils échappent à la réglementation qui tarde à se mettre en place et lorsque c’est le cas, c’est souvent de manière partielle, de nombreux mois voire années après et les stratégies de contournement existent. Les autorités sanitaires peinent à réagir. Le temps de légiférer, les jeunes ont déjà adopté ces produits. Et il est souvent difficile de démontrer scientifiquement leur toxicité à court terme. »

FAUX. 67 % des Français déclarent ne pas être bien informés sur les méthodes d’influence utilisées par l’industrie du tabac, ce qui les rend plus vulnérables à ses stratégies de séduction. D’où l’image plus positive du vapotage : 63 % des personnes interrogées, et 73 % des moins de 25 ans, jugent qu’il est plus « sympa » d’utiliser une cigarette électronique qu’une cigarette classique.

De plus, près des trois quarts des Français (73 %) estiment que l’industrie du tabac va à l’encontre des droits humains en vendant des produits qui créent une dépendance.

Près de la moitié des Français se déclarent favorables à un durcissement des mesures de lutte contre le tabac, comme la généralisation des espaces sans tabac, l’instauration du paquet neutre ou encore l’augmentation de la fiscalité. Par ailleurs, 52 % considèrent la hausse du prix du paquet comme un levier efficace pour réduire la consommation.

En parallèle, 7 Français sur 10 soutiennent l’idée d’une « génération sans tabac », en limitant progressivement l’accès aux produits pour les plus jeunes. L’adhésion est encore plus marquée chez les 15-24 ans, avec 79 % d’opinions favorables.

Source Perception des produits du tabac et de la nicotine par les français en 2024
communiqué de presse Alliance contre le tabac — 6 février 2025

FAUX. Selon le rapport 2025 du Comité national contre le tabagisme « Les publicités sur les réseaux sociaux : un phénomène publicitaire important, bien qu’en diminution », près de la moitié des publicités analysées ne comportaient ni mention de l’addictivité de la nicotine ni rappel de l’interdiction de vente aux mineurs. Cette veille a porté sur vingt marques en France, étudiées à partir de leurs sites internet, réseaux sociaux et newsletters (1er janvier -31 décembre 2024). Le rapport met également en évidence un transfert vers la promotion des sachets de nicotine (la part des publicités sur le vapotage est passée de 73 % en 2023 à 56 % en 2024), la forte présence d’Instagram comme support privilégié, l’exposition explicite du produit dans la majorité des contenus, et l’usage systématique d’arômes attractifs et d’offres promotionnelles. Malgré une légère baisse globale de l’intensité publicitaire, les stratégies des fabricants restent clairement orientées vers un public jeune.

FAUX. L’âge moyen de la première cigarette progresse lentement : il est passé de 12,9 ans en 2000 à 13,4 ans en 2022 (données ESCAPAD – OFDT). Cette légère hausse s’inscrit dans une tendance générale de recul du tabagisme chez les jeunes. En parallèle, la proportion de jeunes de 17 ans n’ayant jamais fumé est passée de 40,5 % en 2000 à 59,6 % en 2022.

« A cet âge, la pression sociale joue un rôle majeur, fait remarquer le Dr Laurent Nguyen, pneumologue (Bordeaux) et secrétaire de Santé respiratoire France. Fumer permet de faire comme les autres, de se sentir intégré, de participer à l’ambiance du groupe, surtout en soirée. C’est un marqueur d’appartenance. La curiosité entre aussi en jeu. L’envie d’essayer, de transgresser, d’explorer ce qui est interdit est propre à l’adolescence. Fumer donne une image de liberté, de provocation, de quelque chose de “cool”. C’est aussi une manière de tester les limites. Pour beaucoup, le tabac devient aussi un outil de gestion du stress. Ils pensent que le tabac apaise, détend, semble aider à traverser les émotions difficiles, les contrariétés, ou aide à supporter la pression scolaire, familiale ou sociale. L’influence des réseaux sociaux et des médias est massive. »

Chez les adolescents, même une consommation non quotidienne, ponctuelle, peut entraîner une dépendance comportementale et psychologique.FAUX. Chez les adolescents, même une consommation non quotidienne, ponctuelle, peut entraîner une dépendance comportementale et psychologique. Le cerveau, encore en développement, est plus vulnérable aux effets de la nicotine, ce qui augmente le risque de dépendance rapide et intense. L’entrée dans le tabagisme est souvent liée au mimétisme (pour faire comme les autres, pour intégrer un groupe, pour se fondre dans la masse), à la pression sociale ou à une quête d’identité. De plus, les nouveaux produits du tabac (puffs, cigarettes électroniques, dispositifs aromatisés) exploitent cette fragilité : en atténuant la perception du danger, ils facilitent l’expérimentation et renforcent l’attractivité à travers un marketing ciblé. Une banalisation de l’usage s’installe alors rapidement, rendant le sevrage plus difficile. Les leviers classiques de prévention ne suffisent pas pour cette tranche d’âge, qui nécessite une approche adaptée, intégrant les sphères scolaire, familiale et numérique.

VRAI. La nicotine atteint le cerveau en moins de dix secondes après l’inhalation. Elle stimule immédiatement la libération de dopamine dans les circuits de la récompense, en particulier le noyau accumbens. Ce processus provoque une sensation de plaisir ou de soulagement, renforcée par la maturation incomplète du cerveau adolescent : les régions du plaisir (système limbique) sont déjà très actives, tandis que les zones frontales impliquées dans le contrôle, la gestion des risques et la prise de décision sont encore immatures. Ce déséquilibre favorise les comportements impulsifs et la recherche de sensations.

Même des expérimentations ponctuelles, comme fumer entre amis, peuvent générer une mémoire du geste et un besoin de répétition. Le conditionnement social (lieux, moments, personnes associées à l’acte de fumer) renforce encore ce processus. La dépendance peut s’installer rapidement, d’abord psychologique, puis physique, avec des symptômes de sevrage (irritabilité, anxiété, troubles de la concentration) qui incitent à poursuivre la consommation. La plasticité cérébrale élevée à cet âge, la faible perception du danger et l’attractivité des produits (arômes, design, marketing) exposent fortement les adolescents au risque d’addiction.

Pour en savoir plus : à l’adolescence le cerveau est particulièrement vulnérable aux effets neuro-inflammatoires de la nicotine. Un signe caractéristique de la neuro-inflammation est l’activation des cellules microgliales ou microglie (cellules immunitaires du cerveau qui assurent la surveillance et le maintien de l’équilibre du milieu cérébral, appelé homéostasie). Parmi les explications, une étude récente* a exploré les causes multiples de la dépendance nicotinique chez les adolescents, sa neurobiologie et les mécanismes par lesquels la nicotine perturbe les signaux inflammatoires des cellules microgliales. Durant l’adolescence, période où le cerveau est encore en maturation, la microglie est particulièrement vulnérable : la nicotine peut l’activer de manière excessive, déclenchant une réponse inflammatoire qui altère durablement le fonctionnement cérébral. Ce dérèglement semble favoriser la consolidation des circuits du plaisir et de la récompense, renforce la mémoire des comportements liés au tabac et complique le sevrage. En conclusion, l’activation anormale de la microglie, signe caractéristique de la neuro-inflammation, joue ainsi un rôle central dans l’installation et la persistance de l’addiction, en particulier chez les plus jeunes.

* Multifactorial Etiology of Adolescent Nicotine Addiction: A Review of the Neurobiology of Nicotine Addiction and Its Implications for Smoking Cessation Pharmacotherapy Public Health, 05 July 2021Volume 9 – 2021 | https://doi.org/10.3389/fpubh.2021.664748

FAUX. Le tabac abîme aussi le cœur, les vaisseaux, la peau, le cerveau, les dents… et augmente le risque de nombreux cancers. Les poumons ne sont que la partie visible de l’iceberg. Le cerveau souffre aussi du tabagisme. Et l’adolescence est même une fenêtre de vulnérabilité pour son développement.

Explications : le neurodéveloppement avant la puberté et à l’adolescence implique des mécanismes complexes de remodelage synaptique (processus d’élimination et de renforcement des connexions entre neurones pour optimiser les réseaux neuronaux) et de réorganisation neuronale. Ceci parallèlement à la maturation des circuits neuronaux complexes, des connexions corticales et sous-corticales, ainsi qu’à l’ajustement fin des réseaux essentiels à la fonction cognitive et à la régulation émotionnelle.

Ces processus neurotrophiques correspondent à l’ensemble des phénomènes qui favorisent la croissance, la survie et la différenciation des neurones, indispensables au bon développement cérébral. Cette conjonction de processus de maturation rend le cerveau en développement particulièrement sensible aux agressions chimiques extérieures, notamment aux substances addictives telles que la nicotine. Le système cholinergique cérébral, impliqué dans de nombreux processus pendant la maturation cérébrale, est particulièrement vulnérable durant ces périodes critiques et constitue la cible principale de la nicotine. Cette dernière agit directement sur les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine (principal neurotransmetteur impliqué dans la transmission des signaux nerveux et la modulation des fonctions cognitives et motrices), présents dans tout le cerveau, y compris dans les circuits corticaux et sous-corticaux essentiels à la cognition et à la régulation émotionnelle. Au-delà du système cholinergique, la nicotine agit aussi comme un neurotoxique puissant, affectant plusieurs systèmes neuronaux et perturbant des voies moléculaires associées à des troubles cognitifs, anxieux et de l’humeur.

Des données cliniques solides*, issues de tests cognitifs, d’analyses morphométriques et d’imageries par résonance magnétique, démontrent de plus que le tabagisme et l’exposition à la nicotine dès l’enfance altèrent durablement le développement cérabral et les performances cognitives.

Pour aller plus loin : Les bonnes raisons d’arrêter de fumer

* Laviolette SR. Understanding the Association of Childhood Tobacco Use With Neuropathological Outcomes and Cognitive Performance Deficits in Vulnerable Brains. JAMA Netw Open. 2022;5(8):e2226001. doi:10.1001/jamanetworkopen.2022.26001

FAUX. On aurait pu penser que les politiques de restriction (hausse des taxes, interdiction de la publicité, etc.) auraient freiné ce phénomène. Ce n’est pas le cas. Les pratiques de promotion du tabac, bien qu’illégales aujourd’hui, n’ont pas disparu ; elles ont simplement quitté le cadre contractuel officiel. Résultat : alors que la consommation de tabac recule dans la population, la cigarette reste omniprésente à l’écran.

À l’occasion du festival de Cannes 2025, l’association Alliance contre le tabac a décerné la Palme du placement au tabac, soulignant un phénomène insidieux : l’omniprésence et la banalisation de la cigarette au cinéma. Parmi les films nommés pour l’Oscar du meilleur film 2025, 80 % comportent des scènes de tabagisme. Asteroid City affiche 19 minutes de tabac à l’écran, Anora 14 minutes et L’Amour ouf 11 minutes. Alliance contre le tabac dénonce une présence constante de la cigarette dans les films, les séries télévisées et les clips musicaux.

Les plateformes de streaming continuent de diffuser et produire des séries où la cigarette est omniprésente, notamment dans celles préférées des jeunes : 53 % comportent des scènes de tabagisme, exposant ainsi plus de 25 millions d’adolescents à ce contenu. Exemple emblématique : la saison 2 de Stranger Things compte plus de 260 scènes où l’on voit du tabac. En moins de dix ans, la présence du tabac à l’écran a quadruplé dans les séries destinées aux jeunes.

La part des clips musicaux montrant du tabac a doublé entre 2021 et 2022. Dans le clip Die with a Smile (Bruno Mars et Lady Gaga, 2025), actuellement deuxième au classement mondial sur YouTube avec plus d’un milliard de vues, la chanteuse fume pendant près de la moitié de la vidéo.

Références : Alliance contre le tabac « Tabac & pop culture : L’industrie du tabac sous les Projecteurs » (14 mai 2025) ; ACT-Alliance contre le tabac, « Indicateurs #11 », février 2025 ; STOP. “DRIVING ADDICTION: F1, Netflix and Cigarette Company Advertising”, mars 2023 ; La Ligue contre le cancer, « Tabac et cinéma », mai 2021

FAUX. Le tabagisme au cinéma double le risque d’initiation au tabac. L’industrie du tabac est mise en lumière, et cette surexposition entraîne des effets significatifs. D’après une enquête de l’Alliance contre le tabac, 48 % des 15-25 ans déclarent que la présence de tabac à l’écran les incite à fumer. Le tabagisme dans les films multiplie par deux les chances de débuter le tabac et par trois celles de commencer à vapoter. Deux tiers des 15-25 ans considèrent que les films et séries valorisent la cigarette. Par ailleurs, 72 % des anciens fumeurs rapportent que ces scènes ravivent leur envie de fumer.

Références : Alliance contre le tabac « Tabac & pop culture : L’industrie du tabac sous les Projecteurs » (14 mai 2025) ; ACT-Alliance contre le tabac, « Indicateurs #11 », février 2025 ; STOP. “DRIVING ADDICTION: F1, Netflix and Cigarette Company Advertising”, mars 2023 ; La Ligue contre le cancer, « Tabac et cinéma », mai 2021

FAUX. « Les substituts nicotiniques peuvent être proposés à des adolescents, même dès 15 ou 16 ans, assure le Dr Laurent Nguyen, pneumologue (Bordeaux) et secrétaire de Santé respiratoire France. Il existe une autorisation de mise sur le marché dans ces tranches d’âge. Si cela peut les aider à arrêter, il faut utiliser tous les moyens disponibles. L’objectif est clair : baisser la consommation et arrêter le plus tôt possible. Bien sûr, j’évalue à chaque fois la tolérance, l’efficacité et l’absence d’effets indésirables, mais je n’ai aucune réserve. Patchs, gommes, pastilles, sprays, inhalateurs : tout peut être envisagé, y compris chez les plus jeunes. »

VRAI ET FAUX. Les leviers classiques de prévention sont souvent inadaptés à cette tranche d’âge, qui nécessite une approche spécifique, mobilisant l’environnement scolaire, familial et numérique.

Pour prévenir ou accompagner le sevrage tabagique chez les adolescents, plusieurs approches complémentaires ont démontré leur efficacité :

  • Il s’agit d’abord de renforcer les compétences psychosociales et l’estime de soi. Les jeunes capables de gérer leur stress, d’affirmer leurs choix et de développer une pensée critique résistent davantage aux pressions sociales associées à la consommation de tabac.
  • Travailler sur la motivation et l’ambivalence constitue un autre levier important : l’entretien motivationnel, en particulier, a fait ses preuves chez les adolescents en valorisant leur autonomie dans la prise de décision.
  • L’adaptation des messages et des supports à l’âge est également essentielle ; les adolescents sont plus réceptifs aux formats visuels, courts et concrets, qui mettent en avant des figures positives, sans jugement. Les campagnes les plus efficaces sont celles qui utilisent les codes culturels des jeunes, notamment les réseaux sociaux, l’humour et les témoignages de pairs.
  • Il faut aussi tenir compte du contexte social et familial. Le tabagisme parental, une attitude permissive à la maison ou la consommation dans l’entourage proche augmentent le risque de rechute. À l’inverse, un soutien actif de la famille peut renforcer les chances de succès.
  • Enfin, un accompagnement structuré, même bref est très utile. Des interventions courtes, répétées, menées par des professionnels formés comme l’infirmier scolaire, le médecin généraliste ou le tabacologue, augmentent les probabilités d’arrêt. Les programmes associant un soutien psychologique à un suivi régulier sont particulièrement recommandés.

Chez les adolescents et les jeunes adultes, « il faut éviter toute culpabilisationdéfend le Dr Laurent Nguyen, pneumologue (Bordeaux) et s

ecrétaire de Santé respiratoire France. Ce qui fonctionne, c’est de valoriser les bénéfices concrets de l’arrêt du tabac. Chez les jeunes, j’insiste sur l’amélioration rapide du souffle, des performances respiratoires et sportives. Une qualité de vie améliorée, avec le retour des sensations — le goût, les parfums, les saveurs. On profite davantage de tout. Avec des points chez les jeunes femmes, un teint plus lumineux, une peau plus saine.  Le levier financier est également très parlant. Le tabac est devenu un produit de luxe. Arrêter, c’est faire des économies immédiates, visibles. Mon objectif, c’est de rester sur un registre positif, de chercher ce qui va résonner avec leur quotidien. Le plaisir de respirer à plein poumons, de courir sans être essoufflé, d’avoir une peau nette, de sentir bon. Ce sont ces bénéfices concrets, visibles et rapides, qui peuvent motiver un changement. »

Il ajoute : « ce qui peut vraiment toucher les jeunes, c’est la personnalisation du message. Les discours trop généraux du type « le tabac, c’est mauvais pour la santé » n’ont pas d’impact. En revanche, si je leur dis : « je t’ai examiné, j’ai mesuré ton souffle, je constate que le tabac a déjà un effet chez toi », le message devient concret. Je peux alors expliquer clairement que ce sont leurs poumons qui sont abîmés, que le tabac agit déjà sur leur corps.

Quand le message est adapté à leur situation, qu’on prend le temps de faire le lien avec ce qu’ils vivent, il est plus percutant. Ce temps-là, c’est devenu un luxe, mais c’est aussi ce qui donne du poids à l’échange. Rien à voir avec un message générique, impersonnel, que tout le monde pourrait recevoir. »

Références : Garrison MM. Smoking cessation interventions for adolescents: a systematic review. Am J Prev Med. 2003;25(4):363-7. Thomas RE. School-based programmes for preventing smoking. Cochrane Database Syst Rev. 2013; (5):CD001293.
Botvin GJ. Life skills training as a primary prevention approach for adolescent drug abuse and other problem behaviors. Int J Emerg Ment Health. 2004;6(2):113-22. Hwang JH. Age at smoking initiation and subsequent smoking among Korean adolescent smokers. J Prev Med Public Health. 2014;47(4):226-32. WHO report on the global tobacco epidemic 2021: Addressing new and emerging products. Geneva: WHO; 2021.

FAUX. Les jeunes fument encore des cigarettes, même si leur consommation diminue. Le prix élevé joue un rôle dans cette baisse. Le tabac à rouler, moins cher, suit la même tendance.

La chicha reste très populaire. Elle se consomme en groupe, en soirée, dans les bars à chicha, etc. Elle est perçue comme moins dangereuse que la cigarette, mais c’est une idée fausse : elle expose à davantage de toxines. Lors d’une séance de chicha, la durée d’inhalation est généralement plus longue, et la fumée contient des substances toxiques similaires à celles de la cigarette, telles que le monoxyde de carbone, les goudrons, les métaux lourds et les agents cancérigènes. 

Le Dr Laurent Nguyen, pneumologue (Bordeaux) et secrétaire de Santé respiratoire France conseille : « je parle aussi du cannabis, très ouvertement. Je pose la question clairement, et en retour, les jeunes en parlent assez librement. Je leur explique que le cannabis peut entraîner des troubles de la concentration, de la mémoire, de l’apprentissage. Pour les études ou pour le travail, ça complique les choses. C’est un argument qui les fait réfléchir.

Je suis convaincu que c’est la répétition du message qui finit par avoir un impact. Si c’est relayé par l’infirmier, le médecin, le pharmacien, mais aussi dans les médias, ça finit par infuser. Même s’ils savent déjà certaines choses, les entendre plusieurs fois, dans différents contextes, de la part de personnes différentes, peut faire la différence. »

Concernant le cannabis, la composition de la fumée d’un joint est proche de celle de la cigarette, contenant un grand nombre de composés cancérigènes et/ou altérant l’épithélium respiratoire (couche de cellules qui tapisse l’intérieur des voies respiratoires). Selon une étude parue en 2022*, l’inflammation des voies respiratoires et l’emphysème sont plus souvent observés chez les consommateurs de marijuana que chez les fumeurs de tabac. Cette différence tiendrait à la manière d’inhaler la marijuana, ainsi qu’à l’absence de filtre, ce qui favoriserait une pénétration plus directe de la fumée dans les poumons.

Chez les personnes qui fument du cannabis régulièrement, plusieurs effets néfastes sur les poumons ont été observés**. Ces fumeurs présentent plus souvent des signes de bronchite chronique (toux, crachats, gêne respiratoire). Quand le cannabis est associé au tabac, le risque de développer une BPCO ou un emphysème augmente. Certains cas plus graves incluent un emphysème bulleux (présence de bulles d’air anormales dans les poumons) ou un pneumothorax (décollement des feuillets du poumon). Des études récentes montrent aussi une dégradation progressive de la fonction pulmonaire, qui touche à la fois les bronches et les échanges gazeux dans les poumons, avec une baisse plus rapide du souffle.

* Murtha L, Sathiadoss P, Salameh JP, Mcinnes MDF, Revah G. Chest CT Findings in Marijuana Smokers. Radiology. 2023 Apr;307(1):e212611. 

** Cannabis inhalé et poumon, une liaison dangereuse ? Revue des Maladies RespiratoiresVolume 39, Issue 8, October 2022, Pages 708-718

Tout savoir sur l’addiction au tabacFAUX. « Les jeunes et jeunes adultes comprennent mal que l’arrêt du tabac peut être un processus long, fait d’essais, d’échecs, puis de réussites, constate le Dr Laurent Nguyen, pneumologue (Bordeaux) et secrétaire de Santé respiratoire France. Chaque tentative compte. Même un arrêt de quelques jours est une expérience qui leur apprend quelque chose sur eux-mêmes, sur leur corps, sur leurs mécanismes d’envie. Plus ils avancent, plus ils savent comment réagir, comment anticiper, comment résister.

C’est à moi, en tant que pneumologue addictologue de faire passer cette idée. Beaucoup veulent que tout fonctionne tout de suite. C’est le réflexe d’aujourd’hui : soit ça marche, soit c’est un échec. Soit on réussit, soit on ne vaut rien. Il y a peu de place pour les nuances, pour la progression, pour l’apprentissage. Le rôle du soignant, ici, c’est d’apporter cette nuance.

Je dédramatise. Si la personne a tenu une semaine sans fumer, je souligne que c’est déjà une étape franchie. Je dis : « Tu verras, la prochaine fois tu tiendras plus longtemps. Tu connais déjà les moments difficiles, tu vas pouvoir mieux les gérer. » Je répète que rechuter, c’est courant. Et que ce n’est pas une défaite, c’est une étape. Ce qui compte, c’est de recommencer. »