Témoignages
Vivre la BPCO en Thaïlande…

Vivre la BPCO en Thaïlande…

La vie de Michel Hermann, 73 ans, est une pièce de théâtre qui nous transporte dans des contrées lointaines. La maladie bronchopneumopathie chronique obstructive y joue un rôle prépondérant.

Vivre la BPCO en Thaïlande…Plantons le décor : La ville de Sukhothai, petite capitale provinciale de 25 000 habitants située à 450 km au nord de Bangkok en Thaïlande. Sous ce climat subtropical, les températures moyennes annuelles oscillent entre 34°C le jour et 26°C la nuit, avec des maxima à 42°en avril/mai et des minima de 20 degrés en décembre/janvier. Le taux d’humidité atteint environ 98% la nuit et 55 % le jour.

Le personnage principal est Michel Hermann, l’un des anciens rédacteurs en chef de l’Agence France-Presse, cofondateurs de la revue l’Hebdomadaire à Marseille puis d’Al Ahram Hebdo au Caire, attaché culturel de l’Ambassade de France à Bangkok dans les années 90 et un temps membre du Haut Conseil de la francophonie à Paris. Cet aventurier a posé ses valises à Sukhothai il y a vingt ans où il a créé avec son épouse un Hôtel-Boutique. Il est atteint de bronchopneumopathie chronique obstructive au stade sévère de la maladie (Volume expiratoire maximal par seconde de 28%).

L’intrigue : comment vivre sous des températures particulièrement chaudes lorsque l’on est atteint de BPCO au stade sévère, que son pneumologue consulte en France à Lyon, et que la majorité des médicaments prescrits n’est pas disponible en Thaïlande ?

Au téléphone, avec en fond des cris d’oiseaux exotiques, Michel Hermann nous raconte sa vie, sa maladie, qu’il a une solution pour tout et une volonté de fer. Il est 18h à Sukhothai et la température dépasse encore les 30°C (6 heures de décalage horaire avec la France). « Ancien gros fumeurs (deux paquets par jour de blondes) et gros buveur d’alcool pendant ma carrière de journaliste, puis comme diplomate, j’ai bien sûr arrêté il y a plus de dix ans. Trop tard pour éviter une BPCO », reconnait-il. « Mon hygiène de vie pendant plusieurs décennies n’était pas très bonne, entre addictions diverses, stress, peu d’activité physique et manque de sommeil. De petites alertes se sont manifestées vers 45 ans. Puis en 2006, à 61 ans, une exacerbation majeure m’a fait stopper le tabac et a permis de poser une étiquette sur mes problèmes de santé : je souffre de BPCO. Les hospitalisations en Thaïlande se sont succédées, où j’ai été très bien pris en charge pour mes exacerbations mais pas pour un traitement de fond. C’est pourquoi, depuis l’âge de 68 ans, je reviens deux fois par an en France afin d’être suivi par un médecin pneumologue près de Lyon, où habite ma fille, pour l’adaptation d’un traitement au long cours. En ce moment, les exacerbations s’enchaînent tous les dix jours, avec la nécessité d’être sous corticoïdes et antibiotiques. Je reste cependant encore très actif -trop selon les médecins- mais c’est dans ma nature. J’ai un moral d’acier. Je peux vivre avec la maladie, je conserve mon optimisme. Le plus dur est de devoir réduire mes activités, d’être contraint dans mes déplacements ».

Faute de pouvoir se procurer des médicaments équivalents entre la France et la Thaïlande (forme d’administration, concentration en principe actif, composition etc.), sa fille lui envoie chaque mois depuis la France ses médicaments, en très petites quantités, afin qu’ils passent la douane sans encombre. Par ailleurs, la femme de Michel, thaïlandaise, est une experte dans la pratique du yoga. Elle lui a enseigné la manière de contrôler le couple cœur/respiration, indispensables afin de maîtriser ses crises de panique où son cœur s’emballe (la « tachycardie sinusale » n’est pas due à un problème cardiaque mais à une adaptation du cœur à une circonstance particulière).

Un imaginaire poétique, suggéré par la BPCO

Michel vit dans une vaste maison en teck, où il a aménagé une chambre semi-médicalisée, équipée d’une climatisation, d’un purificateur d’air, d’un nébuliseur et d’un extracteur de particules afin de limiter les poussières. « Mon métabolisme s’est habitué à ce climat et ma BPCO ne s’en est pas trouvé aggravée pour autant », fait-il remarquer.

« J’ai passé dix années à prendre un certain médicament ; outre les insomnies, j’ai alors souffert de terribles pertes de mémoire. J’ai alors décidé de m’astreindre à apprendre des poésies pour réentraîner ma mémoire, à raison de six heures quotidiennes ». Ce qui lui a donné envie de prendre la plume et d’écrire des Petites Chroniques en vers, souvent illustrées, sur la Thaïlande, la France, ici et ailleurs sur les choses de la vie. Certaines ont été publiées en français dans Gavroche, un magazine d’information asiatique. Il compte publier l’ensemble de sa prose, soit deux volumes de quatre cents pages. Trois de ces poésies ont trait à la BPCO (lire les poèmes en bas de l’article).

« Ecrire permet de passer le temps lors des crises répétées qui me clouent au lit, à la maison ou à l’hôpital (Bangkok Hospital de Phitsanulok), explique-t-il. Ecrire permet de penser à autre chose qu’à la maladie, présente en permanence et qui finit par vous obséder ».

Alors, la Thaïlande, une villégiature idéale pour les personnes atteintes de BPCO ?

« Si les établissements hospitaliers prennent parfaitement en charge la maladie en cas de crises, répond sans hésiter Michel, avec la possibilité de suivre des programmes de réhabilitation respiratoire (en anglais ou en thaï), le suivi sous traitement de fond laisse à désirer ». Néanmoins, Michel entend bien profiter du reste de sa vie chez lui, en Asie : « les frais engendrés par une infirmière à domicile sont tout à fait abordables pour qui reçoit une retraite française même modeste, incomparables avec les charges d’une maison de retraite médicalisée ».

Les températures élevées ne sont pas une contrainte majeure, en dehors des pics au-delà de 37°C. Michel, lui est un habitué parfaitement équipé, même si lors des périodes chaudes (42°) en avril-mai, il reprend le chemin de la France. Il déconseille cependant de partir à l’aventure sous des températures extrêmes et dans des pays où le système de soin est bien éloigné du modèle français.

Propos recueillis par Hélène Joubert, journaliste.

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