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ToggleVous êtes très nombreux à nous faire part de vos interrogations et de vos inquiétudes, bien légitimes au regard des maladies chroniques respiratoires dont vous souffrez. Ces réponses ont été validées par nos trois experts, le Pr Chantal Raherison-Semjen, pneumologue (CHU de Bordeaux) et présidente de la Société de pneumologie de langue française (SPLF), le Pr Claire Andréjak, pneumologue au CHU d’Amiens, et le Dr Frédéric Le Guillou, pneumologue libéral et président de Santé respiratoire France.
« Je suis atteinte d’une BPCO à un stade sévère avec emphysème et je suis inquiète. Les effets secondaires sont-ils importants, après le vaccin de Pfizer/BioNTech ? »
Pr Raherison-Semjen : « Le vaccin COMIRNATY de Pfizer/BioNTech* et celui de Moderna** (disponible depuis le 6 février en France), sont deux vaccins à ARN. C’est la première fois que l’on emploie cette technique de l’ARN messager, mais ces vaccins sont aussi les premiers à être testés sur des populations de très grande ampleur (20 000 personnes), ce qui est loin d’être le cas pour les vaccins « habituels » du calendrier vaccinal.
Le vaccin COMIRNATY a une grande efficacité : 95 % des formes graves sont évitées. Les effets secondaires sont connus. Surtout après la seconde injection, il est décrit de la fièvre, des douleurs musculaires, similaires à un syndrome grippal. On ne connaît pas les effets secondaires sur le long terme, mais il n’y a pas de raison d’être inquiet car on n’injecte pas le virus vivant. De plus, les ARNm sont très fragiles et sont détruits très rapidement dans l’organisme. Techniquement, ils n’ont aucun moyen d’interférer avec le génome humain en se combinant à l’ADN cellulaire. Quant à la fréquence des allergies liées au vaccin, elle est plus faible que celle des allergies liées à la prescription d’antibiotiques utilisés très couramment (aminopénicillines) ou même liées aux produits anesthésiques ! La SPLF conseille aux pneumologues de rédiger une prescription pour que les insuffisants respiratoires puissent bénéficier de la vaccination, du fait de leur état de fragilité : par exemple, un patient ayant un VEMS inférieur à 30 % sous oxygène est à risque de forme sévère. On entend de plus en plus que certains médecins déconseillent la vaccination aux malades respiratoires chroniques. C’est une affirmation sans fondement, qui prive ces personnes d’une protection contre les formes sévères de la Covid-19. »
La Haute autorité de santé (HAS) précise que l’utilisation des vaccins de Moderna et de Pfizer/BioNTech n’est pas recommandée chez les personnes présentant des antécédents d’allergies graves de type anaphylactique (en plus des personnes ayant des antécédents connus de réaction allergique grave à l’un des composants du vaccin “COVID-19 Vaccine Moderna”).
La « vaccino-vigilance » des vaccins contre la Covid-19 |
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Tous les vaccins font l’objet d’une vaccino-vigilance par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Au 12 février, concernant le vaccin de Pfizer, un total de 2140 cas d’effets indésirables ont été analysés depuis le 27 décembre, dont 205 graves. Parmi ceux-ci, 85 décès concernant lesquels l’Agence estime que les « données actuelles ne permettent pas de conclure qu’ils sont liés à la vaccination » (compte tenu de l’âge et des comorbidités des sujets vaccinés). Deux effets indésirables sont à surveiller : l’hypertension artérielle et les troubles du rythme cardiaque, pour lesquels « l’analyse approfondie de ces données conduit ainsi à identifier majoritairement la survenue de troubles du rythme en rapport avec l’acte vaccinal et non avec le vaccin » précise l’ANSM. Concernant le vaccin Moderna, 40 cas d’effets indésirables ont été répertoriés depuis le 22 janvier. Ils ne présentent pas de critère de gravité sauf deux cas correspondant à des réactions de type réactogénicité, locales et systémiques (générales). La réactogénicité est la propriété d’un vaccin de produire des réactions adverses sous forme d’une réponse immunologique excessive se manifestant par de la fièvre, de la douleur à l’endroit d’injection accompagnée d’un gonflement, une induration et une rougeur. |
« Puis-je encore transmettre le virus après avoir été vacciné contre la Covid-19 ? »
Pr Claire Andréjak : « Etre vacciné contre la Covid-19 limite très efficacement les formes graves pour les vaccins de Pfizer/BioNTech et de Moderna. Néanmoins, les personnes vaccinées peuvent contracter le virus et faire une forme légère voire asymptomatique de la maladie. Par conséquent, être vacciné ne dispense pas des gestes barrières, afin de protéger ceux qui n’ont pu être protégés par la vaccination. Le risque de transmission virale par une personne vaccinée n’est pas encore écarté. »
« J’ai un asthme sévère traité par biothérapie (omalizumab) depuis 10 ans. J’ai donc une immunodépression. Or, on me propose le vaccin AstraZeneca, lequel n’est pas testé chez les immunodéprimés. Dois-je accepter ? »
Il s’agit du vaccin AstraZeneca Oxford AZD1222***, un vaccin anti-Covid 19 à vecteur viral non réplicatif (adénovirus de chimpanzé****). Le 2 février 2021, en raison de données insuffisantes chez les personnes âgées, la Haute autorité de santé (HAS) recommande ce vaccin chez les personnes de moins de 65 ans, en commençant par les professionnels du secteur de la santé ou du médico-social, quel que soit leur âge, ainsi que chez les personnes âgées de 50 à 64 ans, en priorisant celles qui présentent des maladie associées (comorbidités).
Pr Raherison-Semjen : « Avec le vaccin d’AstraZeneca (technique utilisant un adénovirus), outre le fait qu’il soit moins protecteur (aux alentours de 60 %), les effets secondaires immédiats bénins sont plus importants et plus fréquents (fièvre, troubles digestifs). Par conséquent, même si je ne peux pas donner de consigne de refus, j’estime que la question doit être envisagée au cas par cas. Le choix devrait être proposé et une personne malade chronique devrait privilégier le vaccin COMIRNATY de Pfizer/BioNTech. De plus, le vaccin d’AstraZeneca n’a pas été testé chez les personnes immunodéprimées. La HAS ne le conseille d’ailleurs pas chez les personnes fragiles. Pour sa part, la vaccination avec le vaccin Pfizer est possible chez les personnes immunodéprimées. »
Pr Claire Andréjak : « Peu de données sont disponibles sur l’efficacité chez patients immunodéprimés. Il serait donc intéressant de réaliser des études évaluant la réponse vaccinale aux trois vaccins disponibles dans les populations considérées comme les plus fragiles. Cela pourrait peut-être permettre de savoir si un des vaccins serait plus efficace dans ces populations spécifiques. »
Selon la HAS, les personnes présentant une immunodépression avérée (en particulier recevant un traitement immunosuppresseur) doivent, après un délai de trois mois après le début de l’infection par le SARS-CoV-2, être vaccinées par le schéma à deux doses.
« Les personnes ayant déjà été infectées par le SARS-CoV-2 doivent-elles se faire vacciner ? »
Les essais cliniques des vaccins Pfizer/BioNTech et Moderna n’ont pas mis en évidence d’effets secondaires spécifiques pour les personnes présentant des antécédents d’infection par SARS-CoV-2. A ce stade, les éléments de réponse demeurent parcellaires, mais néanmoins plutôt en faveur d’une vaccination sans risque, et même possiblement utile des personnes ayant été atteintes de Covid. En théorie, l’immunité naturelle chez ceux ayant eu la Covid-19 durerait au moins trois mois, voire une année dans certaines études. Elle pourrait être renforcée par celle conférée par le vaccin, comme le suggèrent certaines données des essais des laboratoires Pfizer-BioNTech, sur le fait que cela minimiserait le risque de réinfection, au demeurant déjà très faible. Ainsi, la vaccination des personnes ayant déjà eu une Covid symptomatique (confirmée par un test RT-PCR) est possible, à condition de respecter un délai de 90 jours minimum après l’apparition des premiers symptômes (préférentiellement six mois, selon la HAS).
De plus, la Haute autorité de santé indique : « La sérologie Covid-19 pré-vaccinale n’est pas utile puisqu’elle ne permet pas d’identifier les personnes potentiellement protégées contre le virus ». Une exception : les sujets cas contacts, en cas de test RT-PCR positif, devront patienter trois mois pour être vaccinés.
Dernière minute : le 12 février, La Haute autorité de santé recommandait une seule dose de vaccin pour les personnes ayant déjà eu le Covid-19. Un « rappel » en quelque sorte. Elle doit se faire, dans l’idéal, six mois après l’infection.
« J’ai contracté la Covid, alors que j’avais déjà reçu ma première injection. Dois-je réaliser la seconde ?
Les personnes présentant une infection par le SARS-CoV-2 avec PCR positive après la première dose de vaccin, ne doivent pas recevoir la seconde dans les délais habituels, mais dans un délai de six mois, et pas avant trois mois après l’infection.
« Insuffisant respiratoire, je crains une aggravation de ma fonction respiratoire après l’injection, comme j’ai pu le lire sur un site Internet grand public. Est-ce vrai ? »
Frédéric le Guillou : « Non, il n’y a aucune raison que la vaccination contre la Covid-19 aggrave la fonction respiratoire. Il est parfois possible de présenter un syndrome pseudo-grippal suite à l’injection, mais cela n’interfère pas avec la fonction respiratoire. En revanche, contracter le virus SARS-CoV-2 peut très nettement aggraver la fonction respiratoire avec des possibilités de séquelles à court, moyen et long terme. »
« Savez-vous à quel moment les insuffisants respiratoires de moins de 75 ans pourront recevoir le vaccin anti-Covid-19 ? »
L’association Santé respiratoire France est montée au créneau pour défendre l’accès aux vaccins contre la Covid-19 aux personnes parmi les plus vulnérables dont font partie les insuffisants respiratoires chroniques (lire le communiqué).
Pr Raherison-Semjen : « Les personnes insuffisantes respiratoires sont à risque de formes sévères. C’est un non-sens qu’elles ne soient pas toutes prioritaires pour la vaccination. Les recommandations actuelles du gouvernement ne sont pas en adéquation avec la fragilité des personnes. C’est un scandale et la Société de pneumologie de langue française fait pression pour que ces personnes, lorsqu’elles sont âgées de moins de 75 ans, puissent rapidement bénéficier de la vaccination. »
« Mon père de 83 ans souffre d’une BPCO assez sévère depuis de nombreuses années. Il est éligible à la vaccination et j’ai réussi à lui prendre un rendez-vous prochainement. Sauf qu’il est actuellement hospitalisé (pose d’un stent sur une artère coronaire) et pris en charge pour une exacerbation de sa BPCO. Faut-il retarder la vaccination anti-Covid ? »
Dr Frédéric le Guillou : « La vaccination contre la Covid-19 est indiquée chez les patients BPCO sévères, à l’instar de celle contre la grippe et le pneumocoque. Elle est en revanche à réaliser à distance d’un épisode d’infection. »
Pr Claire Andréjak : « Déjà, pour être vacciné contre la Covid-19, il faut attendre plusieurs semaines après avoir réalisé un autre vaccin (trois semaines après vaccin antigrippal, deux semaines pour vaccin antipneumococcique). Certains patients qui vont recevoir des corticoïdes par voie générale, une chimiothérapie ou ceux qui ont un cancer bronchique, doivent être vaccinés contre le pneumocoque car ils sont plus à plus risque de complications infectieuses. Ce dernier requérant plusieurs injections, il pourrait être intéressant d’effectuer une première injection de Prevenar 13R, d’attendre une quinzaine de jours pour réaliser la vaccination anti-Covid-19, et de terminer la vaccination antipneumococcique (au moyen du vaccin PneumovaxR) à distance de la deuxième injection. Bien entendu, l’ordre des vaccins est dépendant à la fois des dates de disponibilités vaccinales mais aussi des schémas utilisés (variable d’un vaccin à l’autre). Il ne faut pas attendre trop longtemps après une exacerbation, au risque de manquer l’occasion de se faire vacciner, a fortiori chez certains patients qui sont continuellement symptomatiques. »
« Je dois prochainement passer des tests en vue de m’inscrire sur une liste de transplantation pulmonaire. Dois-je attendre pour me faire vacciner contre la Covid-19 ? »
Pr Claire Andréjak : « Une personne en attente de greffe – pulmonaire ou autre – doit se faire vacciner contre la Covid-19. Il est largement préférable de la réaliser avant la transplantation car après, la personne se trouvera en situation d’immunodépression donc particulièrement à risque de formes graves de la maladie et en moindre capacité de produire des anticorps contre le virus SARS-CoV-2. »
« J’aimerais avoir des informations sur les vaccins contre la Covid-19 dans le cadre du syndrome des apnées du sommeil dont je souffre. Merci. »
Dr Frédéric le Guillou : « Le fait de souffrir du syndrome des apnées-hypopnées obstructives du sommeil n’est pas une contre-indication à la vaccination contre la Covid-19. Au contraire, la vaccination est importante car ce syndrome survient la plupart du temps chez des patients obèses ; l’obésité étant en soi un facteur de risque de forme grave de l’infection. Le syndrome d’apnées du sommeil est aussi souvent associé à des maladies cardiovasculaires (hypertension artérielle, diabète, obésité, cardiopathie ischémique), justifiant alors la vaccination contre la Covid-19. »
« Depuis que j’ai eu la Covid, je n’arrive pas à m’en remettre. Je suis fatigué et encore plus essoufflé qu’avant. Que dois-je faire ? »
Pr Raherison-Semjen : « Une gêne respiratoire (dyspnée) persistante doit appeler à un bilan respiratoire minimal. Quelle que soit la forme aiguë de la Covid-19, ayant nécessité ou non une hospitalisation en réanimation, les patients peuvent avoir des séquelles ou des symptômes résiduels à distance de l’infection (douleurs thoraciques diffuses, essoufflement, toux, fatigue), comme c’est le cas lors d’infections virales, comme la grippe, ou bactériennes. Très tôt, nous avons vu, chez des patients ayant eu des formes bénignes, une persistance de la dyspnée plusieurs semaines ou plusieurs mois après avoir contracté le virus.
La société savante de pneumologie (SPLF) a publié un guide destiné aux médecins en novembre 2020 sur ce sujet. Il traite des moyens d’évaluer la dyspnée, en particulier en posant deux questions précises au patient : « Est-ce que vous vous sentez toujours essoufflé ? », « Est-ce que vous ne parvenez pas à reprendre certaines activités que vous pratiquiez avant l’infection ? » et en s’appuyant sur une échelle visuelle analogique (cotée de 1 à 10 ; plus le curseur va vers le 10, plus la dyspnée est importante). S’il répond par l’affirmative, ou s’il a l’impression que l’essoufflement s’aggrave, ce sont deux raisons suffisantes pour justifier un bilan respiratoire chez un pneumologue. »
Dr Le Guillou : « Il ne faut pas hésiter à consulter son pneumologue et à parler de ses symptômes résiduels post-Covid. N’oublions pas que la Covid-19 est à l’origine de pneumopathies virales sévères. Patients et pneumologues, soyons partenaires et acteurs de la prise en charge des maladies respiratoires dont la Covid-19. Votre pneumologue réalisera une épreuve fonctionnelle respiratoire (EFR) comme vous en avez l’habitude lors de votre suivi régulier, avec la réalisation d’une mesure du souffle voire, selon le contexte, une imagerie thoracique. La société savante de pneumologie (SPLF) a constitué une grande cohorte de patients ayant contracté la Covid-19 afin de recenser tous les symptômes post-Covid et améliorer ainsi la connaissance et la prise en charge de la maladie. »
« Je fais partie des personnes prioritaires pour être vacciné contre la Covid-19. Comment prendre rendez-vous ? »
Santé.fr propose la liste des centres de vaccination contre la Covid-19 afin de prendre rendez-vous. Pour accéder à la liste, cliquer ici . Ce site officiel recense les lieux de vaccination, le numéro de téléphone pour les joindre et la possibilité de prendre rendez-vous en ligne.
Article rédigé par Hélène Joubert. Mis à jour le 15 février 2021.
Pour en savoir plus :
***COVID-19 Vaccine AstraZeneca
**** Pour composer ce vaccin dit « recombinant », un virus de singe (plus précisément un adénovirus, préalablement atténué) a été modifié génétiquement pour y intégrer une petite partie du virus contre lequel on souhaite développer une immunité, en l’occurrence ici la protéine S (« S » car elle se trouve à la surface du virus). Celle-ci est comme une clé qui permet au coronavirus SARS-Cov-2 de pénétrer dans les cellules de l’hôte. Cette clé, après la vaccination, sert de marqueur de reconnaissance pour le système immunitaire de la personne infectée : celui-ci produit alors des anticorps qui sont spécifiquement dirigés contre le SARS-CoV-2.c