Madame B. 50 ans*, atteinte de BPCO à un stade sévère avec emphysème (Haute-Garonne)
« Cela fait cinq ans que je souffre de BPCO, diagnostiquée à l’âge de 45 ans au stade 2 de la maladie. Celle-ci a progressé rapidement et une mise en invalidité totale fut inévitable, quatre ans après, dès juillet 2017. Je souffre aussi de maladies associées (comorbidités) dont une hypertension artérielle et une insuffisance cardiaque, accompagnées de douleurs neuropathiques (lésions nerveuses) dans les membres inférieurs. Il m’aura fallu plus d’une année entière pour accepter la BPCO. Sentiment de culpabilité, dépression… on tâtonne avec soi-même et vis-à-vis de son conjoint. Ma libido est alors tombée à zéro, reléguée au second plan, loin derrière des questions cruciales sur le temps qu’il me restait à vivre ou comment continuer à être présente auprès de mes enfants. En partie à cause des médicaments, mon corps s’est modifié et j’ai pris du poids. L’allure de ma poitrine a changé avec l’augmentation de volume et la modification de la forme de la cage thoracique au fur et à mesure que progressait l’emphysème. Se regarder, se croire encore désirable est alors difficile. Souvent, je le reconnais volontiers, un apéritif me permettait de passer outre mes réticences, juste avant un rapport sexuel, pour limiter la frustration chez mon époux.
J’ai de la chance, mon conjoint relativise beaucoup. Il a respecté mon retrait vis-à-vis de notre sexualité. Il ne me sollicitait pas. Mais est arrivé le moment où il a bien fallu aborder le sujet. Je connaissais l’importance de la sexualité pour lui et au sein de notre couple. J’ai dû retrouver l’intérêt de m’habiller avec goût. Après 27 ans de mariage, mon mari m’a rassurée : ma propre personne et notre amour comptent plus que le reste ; la sexualité n’est pas la raison d’être de notre couple. Nous avons tant construit et vécu, au sein d’une famille solide avant que la maladie n’apparaisse. Mon mari est à l’écoute. Dès la première exacerbation et hospitalisation, il a été curieux de comprendre les dégâts infligés par la maladie et ses multiples répercussions. Il ne pense pas uniquement à son bien-être. Nous avons cependant affronté des périodes difficiles, de confrontation, liées à cette maladie si invisible qu’elle en devient agaçante pour ceux qui ne la comprennent pas. Je lui ai même demandé de reprendre sa liberté. Il ne m’avait pas épousée pour vivre cela, si jeune.
Sur le plan sexuel, il m’a assuré que nous ferions tout pour que nos rapports soient agréables et ne me fatiguent pas. En effet, du fait des douleurs musculaires, certaines positions sont intenables. Quant aux positions, elles sont limitées, en évitant la compression de la cage thoracique. Je me place préférentiellement au-dessus de lui, sans trop solliciter les genoux. Avec au préalable, la prise d’un bronchodilatateur pour dégager mes bronches en cas d’essoufflement et pour éviter les quintes de toux.
Faire l’amour avec un corps fatigué et ankylosé est compliqué. Pour peu que le conjoint soit égoïste et ne cherche pas à comprendre, le couple ne tient pas. Nombreux sont ceux qui se séparent. Mais il ne faut pas non plus tout mettre sur le dos de la maladie respiratoire. Il est possible de la vivre ensemble, à condition d’entretenir une vie intime, la plus « normale » possible, dans les limites imposées par la BPCO. Peut-être penserai-je différemment à 65 ans. Les solutions existent pour se rassurer : les câlins, la tendresse, au delà de l’acte sexuel en lui-même. L’autre doit l’entendre et l’accepter. S’il a compris la maladie et la souffrance qu’elle engendre, la vie intime peut être préservée, même si elle évolue, incontestablement. Nos rapports sexuels sont moins réguliers qu’avant, à raison d’une à deux fois par mois environ, lorsque je me sens bien dans mon corps et dans ma tête. Je prends toujours l’initiative, à l’occasion de moments favorables, que mon mari sait parfaitement décoder !
Nous faisons chambre-à-part. Je dors dans un lit médicalisé, ce qui surprend les gens. Je leur réponds que la sexualité déborde du seul cadre de la chambre et du lit conjugal ! Aujourd’hui, mon mari est satisfait par notre sexualité. J’essaie, lors de ces rapports, d’être au mieux de ma forme et de mon sex-appeal, pour nous procurer un vrai plaisir, malgré la maladie. La qualité, faute de quantité. Sinon, je m’en voudrais énormément. Lorsque cela ne va pas (chaleur, fatigue…), je lui présente mes excuses, afin qu’il sache que je prends en considération cette envie naturelle chez un être humain. Je conserve une part de culpabilité, de ne pas être celle que j’étais il y a cinq ans. Il ne faut pas se leurrer, la sexualité est une part essentielle du couple et un motif de déchirement en cas de maladie. Il faut en parler ouvertement, au conjoint et/ou à un psychologue et dépasser les tabous ».
HJ
*Témoignage anonymisé sur demande de la personne.