Non prises en charge, les apnées du sommeil ont des conséquences sur la santé, à court comme à long terme. Elles réduisent l’espérance de vie de douze ans, selon le Dr Marc Sapène, pneumologue à Bordeaux et président de l’association Alliance apnées du sommeil. Quels sont les risques auxquels exposent les apnées du sommeil ?
Un risque de somnolence, de fatigue, de céphalées matinales, d’accidents de la route
Le sommeil insuffisant et fragmenté engendre une fatigue et une somnolence diurnes : les deux tiers des patients ont une somnolence importante (étude Alliance apnées du sommeil), une baisse de la vigilance, des difficultés à effectuer des tâches, à se concentrer et à mémoriser. Les apnées du sommeil sont également responsables d’accidents de la route : la somnolence au volant est à l’origine de 6 à 30 % des accidents de la route en France avec les apnées du sommeil en tête des causes de somnolence (Baromètre ASFA-association Prévention Routière 2018). Les conducteurs souffrant d’apnées du sommeil ont deux fois plus de risque d’accident que les conducteurs sans apnées du sommeil. Toutefois, ce risque disparaît lorsque les personnes sont correctement traitées (1). Les apnées sont également responsables d’accidents du travail.
Une diminution de la qualité de vie
Les répercussions des apnées du sommeil sur la vie familiale et socioprofessionnelle sont souvent présentes. Parmi les dimensions de la qualité de vie les plus altérées, des chercheurs ont identifié plus particulièrement les limitations dues à l’état physique, celles liées à l’activité physique et la vitalité (2). Leur impact se ressent également sur la vie du couple et la vie sexuelle, avec une baisse de la libido et parfois des troubles de l’érection.
Une augmentation du risque cardiovasculaire
« Ces périodes répétées d’asphyxie privent de manière intermittente les tissus de l’organisme d’oxygène (hypoxie), ce qui est préjudiciable en particulier sur le plan cardiovasculaire, avec le phénomène d’athérosclérose (le dépôt d’une plaque essentiellement composée de lipides – on parle d’athérome – sur la paroi des artères), indique le Dr Marc Sapène. Pour ces raisons, des apnées peuvent conduire à un accident vasculaire cérébral, un infarctus du myocarde, des troubles du rythme cardiaque, une insuffisance cardiaque, etc. » – Dr Marc Sapène, pneumologue
À un stade sévère des apnées, le risque d’accident cardiovasculaire est au moins triplé.
De plus, les apnées obstructives du sommeil représentent un facteur de risque de mort subite cardiaque (3). Les apnées du sommeil multiplient le risque de mort subite de minuit à six heures par 2,57 (IC 95 %=1,87-3,52) (4).
Les malaises vagaux peuvent également être fréquents chez certaines personnes.
L’hypertension artérielle, le risque le plus important lié aux apnées du sommeil
30 à 40 % des patients souffrant d’hypertension artérielle seraient atteints d’apnées du sommeil, estime la Fondation de recherche sur l’hypertension artérielle. A l’inverse, l’hypertension peut être due aux apnées du sommeil.
« Au fil des mois, l’hypertension due aux apnées du sommeil devient permanente et doit être traitée par des médicaments antihypertenseurs, indique le Pr Patrick Henry, cardiologue (Hôpital Lariboisière, Paris). Il est judicieux de rechercher des apnées du sommeil chez toute personne hypertendue, mais aussi lorsque les antihypertenseurs ne sont pas efficaces. Par ailleurs, traiter le syndrome des apnées du sommeil améliore l’hypertension, tout comme le fait de perdre du poids et d’arrêter la consommation d’alcool. » – Pr Patrick Henry, cardiologue
Une relation entre le syndrome d’apnées du sommeil et l’apparition d’une fibrillation atriale ou auriculaire (FA)
Il s’agit du trouble du rythme le plus fréquent dans la population. Les apnées du sommeil se rencontrent plus souvent chez les personnes souffrant de fibrillation atriale. Celle-ci est alors fréquemment persistante. A l’inverse, « le médecin doit rechercher d’éventuelles apnées obstructives du sommeil, avertissait le Dr François Brigadeau (CHR Hôpital Cardiologique, Lille) lors du congrès français de cardiologie 2020 (5). En effet, les apnées peuvent être en cause dans le déclenchement de l’arythmie mais aussi rendre son traitement beaucoup moins efficace. »
Un risque d’obésité
L’obésité est la cause principale des apnées du sommeil chez les adultes, à l’origine de troubles de la mécanique respiratoire, de la diminution du calibre des voies aériennes et d’un amas graisseux autour du pharynx. Environ 40 % des personnes en surpoids et 77 % présentant une obésité morbide souffrent d’apnée du sommeil (6). Une augmentation de 10 % de l’IMC (Indice de masse corporelle) multiplie par six le risque d’apnées du sommeil (7). Néanmoins, pour des malades en surpoids de 10 à 15 kg, l’amaigrissement seul ne peut parvenir à une normalisation de la sévérité des apnées.
A l’inverse, les apnées accroissent le risque d’obésité. Le Dr Sapène explique : « Fragmenté, le sommeil est de mauvaise qualité ou insuffisant, induisant d’une part la diminution de la sensation de satiété et de la dépense énergétique par le biais d’un taux de l’hormone leptine en baisse et, d’autre part, la stimulation de l’appétit par élévation du taux de ghréline, favorisant la prise de poids. La somnolence induite par les apnées serait aussi un frein à l’activité physique. »
Un risque de diabète non négligeable
Le manque d’oxygène par intermittence favorise un taux de sucre sanguin élevé (hyperglycémie) et une résistance des tissus à l’insuline, qui peut aggraver un diabète de type 2 voire le déclencher. Une personne apnéique a un risque doublé de diabète. Au moins 20 % des diabétiques font des apnées du sommeil, et même 50 % en cas de maladies associées (comorbidités).
Plus de graisse dans le foie !
Le syndrome des apnées obstructives du sommeil pourrait favoriser la maladie du foie gras (stéatose hépatique ou NAFLD en anglais pour non alcoholic fatty liver disease). « Dans notre étude auprès de 1 300 personnes (8), le risque d’accumulation de graisse dans le foie augmentait avec la sévérité des apnées du sommeil, indique le Pr Jérôme Boursier (service d’hépato-gastroentérologie, CHU d’Angers). Des apnées sévères multiplient par 2,5 le risque d’avoir une fibrose du foie due à l’accumulation de graisse, étape avant la cirrhose. »
Mais le lien entre les deux maladies serait probablement la présence d’une obésité, facteur de risque important à la fois d’apnées du sommeil et de graisse dans le foie. Autrement dit, en cas d’obésité, il faut penser aux apnées du sommeil mais aussi à une maladie du foie gras. Et réciproquement.
Un risque plus élevé de troubles de l’humeur, d’irritabilité et de dépression
Entre 30 et 40 % des personnes déprimées souffriraient d’apnées du sommeil (9). De plus, une grande partie des dépressions résistantes aux antidépresseurs sont associées à un syndrome d’apnées du sommeil. Or, « chez certains patients, le fait de le diagnostiquer et de le traiter, en particulier au moyen de la pression positive continue (PPC), améliore les symptômes dépressifs », indique Marc Sapène. La dépression, les apnées du sommeil et les troubles métaboliques ont des mécanismes physiologiques communs.
Un risque potentiel de maladie d’Alzheimer
En utilisant l’imagerie médicale, Géraldine Rauchs, chercheuse à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et son équipe (10) ont constaté chez les individus souffrant d’apnées du sommeil une accumulation plus marquée de protéine bêta-amyloïde dans les régions du cerveau généralement impliquées dans la maladie d’Alzheimer. Selon la chercheuse, « cela expliquerait pourquoi les troubles respiratoires du sommeil sont associés à un risque accru de développer le syndrome clinique d’Alzheimer à un plus jeune âge. » « Détecter les troubles du sommeil, notamment les apnées du sommeil, et les traiter, ferait donc partie des moyens pour favoriser le vieillissement réussi », conclut-elle. « Dans les troubles cognitifs à long terme, nous avons surtout remarqué que les apnées du sommeil affectaient la mémoire autobiographique », précise le Dr Marc Sapène.
Vigilance chez les personnes épileptiques
L’épilepsie et les médicaments antiépileptiques ont un effet sur l’architecture du sommeil. Chez les personnes épileptiques, le manque de sommeil ou un sommeil troublé augmentent le risque de crises.
« Tant et si bien que la déstabilisation d’une épilepsie jusque-là équilibrée doit faire rechercher un trouble du sommeil comme des apnées ou des jambes sans repos, prévient le Dr Gilles Huberfeld, neurologue (Département de neurophysiologie clinique, CHU Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, Paris). Il est aussi parfois illusoire d’équilibrer une épilepsie si le sommeil est perturbé. L’effet des médicaments antiépileptiques sur la structure du sommeil est complexe mais certaines molécules, plutôt bien tolérées par ailleurs comme la lamotrigine, ou parfois le levetiracetam, peuvent présenter des effets insomniants. » – Dr Gilles Huberfeld, neurologue
A lire sur les apnées sommeil :
Références : (1) Sleep. 2017 Oct 1;40(10). doi: 10.1093/sleep/zsx134 (2) Médecine du Sommeil Volume 12, Issue 1, January–March 2015, Page 28 (3) Dr Virend Somers, Mayo Clinic, congrès de l’AHA 2008 (4) NEJM 2005; 352:1206-1214 (5) Congrès JESFC 2020 (6) Am. J. Med. Genet. 2007. A 143A (24): 3016-34 (7) JAMA 2003;289(7):2230-7 (8) Association Between Severity of Obstructive Sleep Apnea and Blood Markers of Liver Injury. S1542-3565(16)30150-1 DOI: 10.1016/j.cgh.2016.04.037 (9) Sleep Breath. 2016 May; 20 (2):447-56 (10) JAMA Neurol. 2020;77(6):716-724