Témoignages
Femme et BPCO

« Par chance, être une femme n’a jamais été un obstacle dans ma vie professionnelle. En revanche, souffrir du handicap invisible que constitue la BPCO, oui. Et ce à de nombreuses reprises ! »

A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, en ce 8 mars, Cécile s’est confiée à Santé respiratoire France sur sa vie, sa maladie, son parcours professionnel et sa lutte contre le handicap invisible que constitue la maladie respiratoire.

Cécile, 53 ans (Gers), souffrant d’asthme et de BPCO

Souvent, lorsqu’elles évoquent les conséquences de leur maladie respiratoire sur leur parcours professionnel, les femmes souffrant de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) emploient l’expression de « double peine », du fait du handicap invisible qui s’ajoute aux difficultés liées à leur condition féminine dans le monde du travail. Message d’espoir : ce ne fut pas le cas pour Cécile, souffrant à la fois de BPCO et d’asthme. Son parcours professionnel, depuis toujours dans le secteur médico-social, la satisfait à de nombreux égards. Il a pourtant été semé d’embûches, principalement depuis que la BPCO s’est déclarée, il y a dix ans de cela. « Le handicap invisible lié à la maladie nous impose de nous battre pour la faire reconnaître, pour convaincre nos employeurs que nos limitations ne sont pas dues à un manque de volonté, que nous sommes – nous aussi – de « bons professionnels », regrette Cécile. Nous devons faire nos preuves encore plus que les autres, a fortiori en étant une femme. J’ai personnellement eu de la chance car je n’ai pas eu l’impression qu’être une femme me pénalisait, notamment pour être recrutée ; c’est peut-être dû au secteur économique dans lequel j’évolue, car c’est malheureusement une réalité dans le monde du travail en général. La difficulté a plutôt été d’objectiver la réalité du handicap aux yeux des collègues, des supérieurs hiérarchiques… Et même de mes proches. Ce handicap qui, en dépit d’être omniprésent et très impactant dans mon quotidien, ne se voyait pas. Mon essoufflement, mon incapacité physique à réaliser certaines tâches ou du moins très péniblement, suscite l’incompréhension, la méfiance, les doutes… Et la nécessité, suscitée par les autres plus ou moins ouvertement, de me dépasser même lorsque cela n’est pas possible. Mais je dois souligner qu’en tant que personne fragile, j’ai aussi ressenti une compréhension et une solidarité de la part de ma direction et de mes collègues, notamment lorsque je travaillais chez Pôle Emploi, où l’on m’a retirée de l’accueil pour me protéger de la Covid-19. »

Un handicap invisible depuis la plus jeune enfance

Asthmatique depuis l’âge de trois ans, Cécile a connu les absences scolaires quasiment tous les mois, les hospitalisations répétées, la mise ponctuelle sous oxygène… Elle a commencé à fumer à l’âge de 19 ans. « Je suis entrée dans le tabagisme à l’adolescence, non pas parce que j’étais attirée par la cigarette, mais en réaction à tout ce qui m’était impossible ou interdit à l’époque du fait de mon asthme, comme le sport. Une sorte de révolte contre tout ce dont j’étais privée, se souvient-elle. Je n’étais pas une grosse consommatrice mais une fumeuse de circonstance. J’ai dû abandonner cette habitude en 2010. Ce fut un sevrage par obligation, la condition exigée par les médecins pour subir une chirurgie bariatrique devenue indispensable du fait d’une obésité très importante. J’ai arrêté le tabac le 05 octobre 2010. Je m’en souviens très bien, et il faut croire que j’avais alors une motivation plus forte que celle de préserver mes bronches ! Le diagnostic de BPCO a été formellement posé en 2013. Je n’aurais jamais imaginé qu’à 44 ans je serais aussi durement impactée par la maladie. Aujourd’hui, la situation semble s’être stabilisée, à un stade 3 (GOLD), sans besoin d’oxygène ni de comorbidité particulière. La BPCO et l’asthme m’ont fait abandonner le sport, un cercle vicieux qui m’a fait reprendre du poids. Mais je me remets à la marche, et je me renseigne pour pratiquer une activité physique adaptée. »

Nous sommes de bons professionnels !

De toutes les alertes sur la condition de malade respiratoire et de tous les messages positifs que Cécile voudrait faire passer, il y en a un qui lui tient particulièrement à cœur : « Il faut croire en la maladie des gens, et surtout lorsqu’ils ont une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Les jours où nous sommes moins actifs, moins gais, moins allants, nous sommes tout autant de bons professionnels. Le handicap invisible est trop souvent minimisé. Il est essentiel que les employeurs, les collègues et même nos proches prennent conscience du handicap invisible. Que l’on cesse de croire que ça n’est qu’une question de mental. La société doit bouger sur ce sujet. »

Cécile sait de quoi elle parle. Avec ses différents postes dans le secteur médico-social, puis en tant que conseillère en accompagnement et suivi, notamment à Pôle Emploi… Le monde du travail, elle connaît. « Lorsque j’étais cadre de secteur dans l’aide à domicile, je n’ai jamais hésité à recruter une personne avec un handicap, invisible ou non, quand elle faisait preuve de détermination et de compétence. Je savais que devrais alors adapter les interventions au handicap. Or, on doit faire face encore trop souvent à l’incompréhension des employeurs, déplore-t-elle. Habituellement très active et volontaire, je me suis retrouvée de manière récurrente dans un fort état de fatigue chronique liée à la maladie. C’est alors que les regards, les mots vous font comprendre que l’on vous suspecte de fainéantise, de manquer de volonté.

L’an dernier, j’ai dû quitter mon dernier employeur à la fin de mon CDD, pour cause de maladie, de surinfection et de dépression, ce qui aurait pu me placer dans une situation financière très délicate si je n’étais pas en couple. Mon employeur m’avait recrutée sans peine malgré l’annonce de ma pathologie dès l’entretien d’embauche. Il était prêt à comprendre, mais pas à me faire passer la visite médicale initiale, puisque j’en avais effectué une moins de deux ans auparavant. J’avais pourtant entre-temps obtenu la RQTH. Quand le CDD s’est terminé, le directeur ne souhaitait pas continuer avec moi et me l’a dit textuellement. Mais je ne le souhaitais pas davantage. Là où j’ai compris qu’il minimisait mon état, ou du moins qu’il doutait de ma sincérité, c’est lorsque j’ai demandé une demi-journée de congé car je me sentais très mal à la suite d’une nuit blanche à cause de la maladie. Je tenais cependant à honorer des rendez-vous importants l’après-midi. Il a refusé et m’a demandé un arrêt de travail en bonne et due forme. J’ai alors été arrêtée cinq mois jusqu’à la fin de ce CDD, car dans l’impossibilité de parcourir autant de trajet chaque jour entre mon domicile et mon travail. J’espère qu’il continuera à recruter des personnes avec un handicap malgré notre expérience commune qui s’est soldée par un échec. »

Propos recueillis par Hélène Joubert, journaliste.