Témoignages

Malades BPCO, ils battent des records d’endurance

Ils sont tous les deux des athlètes de bon, sinon de haut niveau. Chacun, à sa manière, a lancé un défi à la BPCO, une maladie dont ils sont atteints depuis plusieurs années et qu’ils ont décidé de combattre à leur manière en se lançant dans des activités sportives. L’un est employé dans un centre de tri postal et fait du karaté à ses loisirs. L’autre est en retrait de la vie active depuis 10 ans et a choisi le vélo, sur lequel il enchaîne, depuis trois ans, des exploits sur route comme sur piste.

Jean-Pierre Jury, 56 ans (photo), est employé dans un centre de tri postal et vit à Montlouis sur Loire, près de Tours. Atteint de BPCO depuis 2006, sa maladie n’est pas reconnue par son employeur, bien que notée dans son dossier médical. A 56 ans, cet ancien fumeur continue son activité sur une machine à trier le courrier, dans une athmosphère chargé de poussière. Pour gérer son état de santé, Jean-Pierre a choisi d’entrer dans un processus de rééducation par le sport. En 2008, il intègre « l’Espace du Souffle », créé au sein du CHU de Tours, où il fera deux fois par semaine, après son travail, du vélo, de la marche et de la musculation. Son kiné l’encouragera par la suite à rejoindre un club de karaté, qu’il intègre en 2011 pour y suivre les mêmes séances que les “bien-portants”. “Le sport me permet de gérer mon stress et de me détendre.” confie Jean-Pierre. Mois après mois, avec de temps en temps de gros bleus, voire même une fracture, il s’entraine sur le tatami où ses collègues ne le ménagent pas.

« Je fais du karaté « normal », sans traitement de faveur spécifique deux fois par semaine sur la tatami du club de Saint-Martin-le-Beau », confie ce dernier. Début juin, il a passé sa ceinture bleue, qu’il a gagnée de haute main, avec en prime un bel hématome sur l’avant bras. Mais il ne s’en plaint pas. Pour l’heure, il poursuit ses entraînements de « body karaté » (mouvements sur musique techno) et prépare à sa manière la future Journée Mondiale de la BPCO, qui se tiendra le 19 novembre prochain. L’an passé, en novembre, il affichait déjà la couleur en promouvant l’association du karaté et du souffle. Cette année, il rejoindra l’association tourangelle des patients insuffisants respiratoires, Air Centre Tours, pour sensibiliser le grand public à la mesure du souffle et aux bienfaits de l’arrêt du tabac. Jean-Pierre fait également partie du conseil d’administration de l’Association BPCO, pour qui les exploits sportifs réalisés par les malades BPCO témoignent d’un dépassement de soi exemplaire que chacun peu reprendre à sa manière et à son niveau.

Urgence sur la BPCO

Philippe Poncet, 56 ans, (photo) vient d’inscrire sur sa feuille de route un tout nouveau record mondial : celui du sprint sur 200 mètres en départ lancé, réalisé le 6 juin dernier sur le vélodrome d’Eybens, près de Grenoble. Une course qu’il aura bouclé en moins de 16 secondes (15’814 précisément), soit 5 secondes de plus que le temps du record mondial de la spécialité. Dans sa roue, Vincent Le Quellec, un des pistard Bretons les plus titrés et grand spécialiste des épreuves de vitesse, a porté sa bouteille d’oxygène tout en l’encourageant dans cette épreuve aussi courte que rapide et intense. Le public était au rendez-vous pour soutenir celui qui au-delà de ces exploits sportifs répétés, entend tirer la sonnette d’alarme sur la maladie en répétant à l’envie qu’il y a « urgence sur la BPCO ». L’an dernier Philippe inscrivait sur la piste du vélodrome de TPM d’Hyères-Les-Palmiers un record mondial de l’heure sur piste, réalisant 23,849 kms en 60 minutes, avec dans sa roue un généraliste à Tullins, Jean-Jacques Roux, qui a porté sa bouteille d’oxygène. L’Association BPCO et d’autres structures représentatives de médecins et de malades ont soutenu cet exploit qui constitue le fondement de la réhabilitation à l’effort.

Après le 24 juillet, date à laquelle, il a bouclé le tour du lac avec l’ascension du col de Bluffy, Philippe Poncet se prépare à rejoindre le peloton de 100 coureurs qui s’élancera le dimanche 6 septembre de Hyères (Var) sur un parcours en boucle de 70 km accompagné de quelques professionnels de la piste comme de la route qui épauleront ce coureur sous oxygène. Il passera un un col dans les deux sens entre Hyères et Hyères, via La Londe-Les Maures et le Pas du Cerf. « Nous comptons sur notre équipe habituelle et tous ceux qui viendront en complément pour renforcer cette aventure pour qu’elle fasse date, aussi, dans le monde des B.P.C.O, indique Philippe Poncet. L’intérêt étant que tous ceux qui soutiennent la démarche de sensibilisation sur la BPCO soient visibles et puissent témoigner à leur manière durant cette journée. »

Pour ce savoyard qui réside dans la Tarantaise, à Moutiers, et qui préside l’association 0²&Cie, « le sport est un des «médicaments» de la réhabilitation à l’effort par laquelle les patients diagnostiqués peuvent passer pour améliorer leur qualité de vie et éviter de sombrer dans l’immobilisme ». Son association  place les activités sportives au cœur de sa démarche en dépassant ses propres limites. Une valeur que Philippe Poncet porte de longue date et qu’il défendra également pour la prochaine Journée Mondiale de la BPCO. « La BPCO est insuffisamment diagnostiquée dans notre pays et il faut développer davantage le dépistage », souligne encore ce malade BPCO qui prépare déjà un prochain défi et pour l’heure prend un repos bien mérité dans la Provence.

Se mettre en mouvement

Chacun a sa manière, nos deux sportifs veulent passer un message simple à toute les personnes atteintes de la BPCO : « ne restez pas enfermé dans la maladie et l’immobilisme. Le meilleur remède à la BPCO, comme à bien des maladies chroniques, est l’exercice physique », confie Jean-Pierre. « Il n’est pas nécessaire de vouloir à tout prix battre un record, fut-il mondial », poursuit Philippe. « Le vrai record, le vrai défi, est celui que l’on se fixe chaque jour en se levant et en prenant la décision d’en faire un peu plus que la fois précédente ». Dépasser ses limites est possible, même pour un malade insuffisant respiratoire BPCO. Nos deux sportifs le démontrent au quotidien et invitent tout un chacun à « se mettre en mouvement pour combattre sa maladie »

JJC