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L’observance sous thérapies inhalées : l’intérêt potentiel des dispositifs connectés

L’observance sous thérapies inhalées : l’intérêt potentiel des dispositifs connectés

Au contraire de souffler ou de respirer, inhaler est un mécanisme peu intuitif. Or, c’est parfois le meilleur moyen pour qu’un médicament atteigne sa cible, en l’occurrence le poumon et ses ramifications bronchiques. Les insuffisants respiratoires, dont les personnes asthmatiques ou celles souffrant de bronchopneumopathie chronique obstructive, utilisent les dispositifs inhalés au quotidien. Comme l’observance laisse souvent à désirer, des dispositifs connectés émergent. Le premier devrait être disponible en 2021.

Inhaler, tout un programme !

Bronchodilatateurs à action rapide (agonistes-bêta2 de courte durée d’action), corticostéroïdes, bronchodilatateurs à longue durée d’action (agonistes-bêta2 et anticholinergiques de longue durée d’action) sont des principes actifs délivrés seuls ou en association, au moyen de dispositifs d’inhalation. Aérosols doseurs, inhalateurs de poudre sèche et nébuliseurs… leurs mécanismes peuvent varier mais tous ces inhalateurs exposent à un risque d’erreur. « Ceux qui en engendrent le plus sont ceux qui requièrent une synchronisation, une coordination main-poumon, précise le Pr Mathieu Molimard, pneumologue, chef du département de pharmacologie médicale au CHU de Bordeaux. Cette manipulation – techniquement plus difficile entre le déclenchement du bouton et l’inspiration – ajoute de la complexité par comparaison avec les systèmes auto-déclenchés par l’inspiration. Ce qui ne signifie pas que ces derniers ne posent pas non plus de problèmes (absence de feed-back, armement complexe…). »

Les problèmes d’inhalation, le lot de nombreux malades chroniques respiratoires

Près de 5 patients sur 10 ne prennent pas correctement leur traitement inhalateur. Ce constat provient de l’enquête (1) conduite en 2019 par l’association Santé respiratoire France. « Ces chiffres sont comparables à ceux d’une étude que nous avions publiée en 2017 (2), où entre 60 et 80 % des personnes commettaient au moins une erreur, indépendante du dispositif », indique Mathieu Molimard.

Parmi les résultats à retenir de l’enquête Santé respiratoire France, 35 % des patients n’adhèrent pas ou peu à leur traitement (ils oublient leur traitement et/ou ne font pas attention aux jours auxquels ils doivent le prendre et/ou cessent de le prendre quand ils se sentent mieux ou moins bien). Et surtout, 44 % n’adoptent pas systématiquement les quatre bons gestes lorsqu’ils utilisent leur(s) inhalateur(s) : vérifier la présence de la dose, vider les poumons, inspirer profondément et bloquer la respiration.

De plus, 35 % des patients ne lisent pas systématiquement la notice d’utilisation.

Les patients non observants sont plutôt jeunes, actifs, et déclarent une pathologie récente avec une utilisation de l’inhalateur depuis moins d’un an. « L’observance des traitements est liée à la compréhension de la maladie, à l’éducation thérapeutique de manière globale, résume Mathieu Molimard. C’est un processus continu qui prend plusieurs années, d’où une inobservance plus prégnante chez les jeunes. Cela dépend également de l’acceptation de la maladie (dans l’enquête, 12 % des patients pensent qu’il est encore possible de guérir de leur BPCO), de la prise de conscience de l’intérêt du médicament à l’occasion de crises successives (27 % estiment inefficace leur traitement par inhalateur), de l’âge, de la sévérité et de l’ancienneté de la maladie. »

Des conséquences, des plus anodines aux plus graves pour la santé

Ces erreurs peuvent ne pas trop porter à conséquence (manque d’expiration avant inhalation si on a une capacité inspiratoire suffisante, absence d’apnées pendant les quelques secondes après l’inhalation). A l’inverse, d’autres erreurs peuvent être graves, c’est-à-dire affecter sensiblement le dépôt pulmonaire, comme un défaut d’inspiration par la bouche à travers l’embout buccal ou le fait de souffler dans l’inhalateur de poudre sèche avant l’inhalation ou d’inspirer par le nez. Ces erreurs graves, susceptibles de limiter la dose inhalée arrivant au contact des bronches, sont associées à un risque doublé d’exacerbations graves de BPCO (6 % contre 3 % sur les trois derniers mois), c’est-à-dire conduisant à une hospitalisation. Une dose incomplète équivaut à un traitement partiel ou pas de traitement du tout. Pour le Pr Molimard, « montrer, vérifier, corriger et consolider le bon usage régulièrement est le meilleur moyen pour les soignants de s’assurer que leurs patients inhalent correctement leurs médicaments. »

Bientôt l’inhalateur connecté !

De nombreux travaux sont en cours avec des systèmes capables d’estimer l’observance de l’utilisateur. Par exemple, ils émettent des alertes (SMS ou notification sur application smartphone), en cas d’absence de prise ou de prise incomplète de la dose. Un premier inhalateur connecté devrait arriver sur le marché courant 2021. Il a reçu un avis positif de la commission de la transparence de la Haute autorité de santé en octobre 2020. Pour la première fois, un inhalateur est muni d’un capteur électronique (optionnel, à fixer sur sa base). Il est relié à une application, qui décrit le plan de traitement, notifie des rappels des doses à prendre, effectue un contrôle de la prise de la dose (complète ou partielle), de la qualité de l’observance en temps réel. Les données peuvent être envoyées au médecin.

Ce dispositif capteur/application est également utilisé avec plusieurs autres inhalateurs qui devraient progressivement être commercialisés en France. Une étude conduite (3) avec autre dispositif dans l’asthme a montré un moindre recours aux médicaments et un meilleur contrôle de la maladie, surtout lorsque celle-ci n’était pas contrôlée de façon optimale au début de l’étude. « Ces dispositifs connectés ne dispenseront pas d’une éducation thérapeutique du patient, en présentiel ou sous forme de vidéo », ajoute le Pr Molimard.

Hélène Joubert

Références :

(1) L’enquête « Formation des patients BPCO à l’utilisation des inhalateurs » a été conduite en ligne du 27 septembre au 31 octobre 2019, auprès de 1190 personnes souffrant de BPCO. En savoir plus.

(2) Molimard M, Raherison C, Lignot S, Balestra A, Lamarque S, Chartier A, et al. Chronic obstructive pulmonary disease exacerbation and inhaler device handling: real-life assessment of 2935 patients. The European respiratory journal. 2017;49(2)

(3) https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26778246/

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