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ToggleUn tour d’horizon des nouvelles scientifiques et sanitaires en ce mois de novembre 2020, garanti sans Covid-19… Ou presque.
Tabac, vapotage… Les chiffres donnent le tournis
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a procédé à une analyse inédite de la composition de plus de 3 000 produits du tabac et plus de 33 000 produits du vapotage (1). Elle a relevé des incohérences et des non-conformités, concernant des émissions supérieures au seuil réglementaire pour certaines cigarettes, ainsi qu’une concentration trop élevée en nicotine dans certains produits de vapotage. Au total, 850 additifs pour les produits du tabac et près de 1 200 substances utilisées dans les ingrédients pour les produits de vapotage ont été référencés. Des additifs interdits ont été repérés, notamment des substances aux propriétés cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour l’appareil reproducteur. L’affaire ne devrait pas en rester là.
(1) Produits du tabac et du vapotage : l’Anses publie un panorama inédit des produits vendus en France : Lire
MICI et BPCO, des liens étroits ?
Les relations entre deux types de maladies intriguent : alors que le risque de maladies respiratoires est majoré dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (ou MICI, comprenant la rectocolite hémorragique /RCH et la maladie de Crohn/MC), de manière réciproque il existe une incidence accrue de MICI au cours de l’asthme, de la dilatation des bronches et de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Encore faut-il en comprendre les mécanismes physiopathologiques. Les unes comme les autres répondent d’une prédisposition génétique et de facteurs environnementaux. Une déficience immunitaire serait le lien entre les deux, renforcé par le fait que les tissus intestinaux et bronchiques ont la même origine embryologique. Le mécanisme sous-tendant l’association serait une interférence poumon-intestin, révèlent les auteurs d’une étude (2). Mécanismes biologiques communs (implication d’une cytokine, l’interleukine 13, avec stress oxydatif – oxydation de par des radicaux libres), réponse immunitaire excessive, matériel génétique commun à la MC et à l’asthme, rôle délétère du tabac dans la MC et la BPCO avec une augmentation de la perméabilité de l’intestin par la fumée de cigarette… Quoi qu’il en soit, en pratique courante, le médecin devrait prescrire une épreuve fonctionnelle respiratoire en cas de MICI et rechercher des signes de MICI en cas de BPCO, concluent les chercheurs.
(2) Zergham AS et coll. : Inflammatory bowel disease and obstructive pulmonary disease : a two-way association ? Cureus 2020;12(1):e6836.DOI 10.7759/cureus.6836.
Activité physique et maladies chroniques, de mal en pis !
Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) est l’organe de diffusion des études/synthèses de notre agence nationale de santé, Santé publique France. Le Hors-Série du 3 novembre 2020 (3) tourne autour de l’activité physique des Français et s’appuie sur une enquête itérative nationale Inca. Inca3 rend compte du faible niveau d’activité physique en population générale (45 % des hommes et 55 % des femmes sont inactifs) et d’une sédentarité élevée, ainsi que d’une dégradation quasi-générale de ces indicateurs depuis 2006. Chez les personnes ayant une maladie chronique, le niveau d’activité physique est encore inférieur, avec en moyenne 61 minutes/semaine en moins d’activité physique d’intensité modérée par rapport aux sujets en bonne santé. Or inactivité physique et sédentarité sont des facteurs de risque de morbidité et de mortalité prématurée mais aussi d’aggravation de ces maladies. Dès 2008, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) concluait que « l’activité physique est un traitement à part entière au cours d’affections chroniques invalidantes pour trois pathologies : BPCO, maladies cardiovasculaires ischémiques et diabète de type 2 et qu’elle contribue au traitement (comme adjuvant) de nombreuses autres pathologies ». Douze ans plus tard, et une succession d’études, d’expertises (Anses 2016, Inca 2018) et de recommandations (Académie de médecine, Haute Autorité de santé), les preuves scientifiques de l’efficacité de l’activité physique adaptée (APA) et la compréhension des mécanismes qu’elle met en jeu ne laissent plus de doute sur l’intérêt de l’APA en prévention primaire (avant que la maladie ne se déclare), en prévention secondaire (une fois la maladie installée) et tertiaire, c’est-à-dire après un événement grave lié à cette maladie (Inserm/ 2019).
Le Pr Martine Duclos (Service de médecine du sport et des explorations fonctionnelles au CHU de Clermont-Ferrand et Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité), rédactrice d’un éditorial dans ce dernier BEH, dénonce le paradoxe entre « progrès des connaissances » et « faible pratique d’activité physique » : « en 2019, ce ne sont plus trois, mais dix pathologies chroniques pour lesquelles l’activité physique est reconnue comme étant un traitement à part entière : le diabète de type 2, l’obésité, la bronchopneumopathie chronique obstructive, l’asthme, les cancers, les syndromes coronaires aigus, l’insuffisance cardiaque, les accidents vasculaires cérébraux, les maladies ostéo-articulaires, la dépression et la schizophrénie. » De ce fait, l’enjeu n’est plus de savoir s’il faut recommander ou prescrire une pratique régulière d’APA aux personnes atteintes d’une maladie chronique, mais d’améliorer son observance au long cours par le patient. Un challenge.
(3) Activité physique en prévention et traitement des maladies chroniques (BEH 3 novembre 2020, Santé publique France) : Lire
A lire :
- Indications d’un programme d’activité physique, en complément au traitement médical : ici
- Barrières à l’activité physique : constats et stratégies motivationnelles : ici
Double greffe des poumons chez un malade de la Covid-19
C’est une première en France, réalisée le 1er novembre à l’hôpital Foch de Suresnes (Hauts-de-Seine) : un patient dans un état critique lié à la Covid-19 a été transplanté des deux poumons (4). Le malade présentait une insuffisance respiratoire aiguë. Il avait développé une « forme gravissime » de l’atteinte respiratoire. Quelques interventions de ce type ont déjà été réalisées aux États-Unis et en Chine. Pour le Pr Édouard Sage, du service de chirurgie thoracique et de transplantation pulmonaire de l’hôpital Foch, « pour certains patients, leur état ne s’améliore pas, mais ne s’aggrave pas non plus: ils sont dans une sorte de zone grise, qui ne laisse pas de chance de guérison. Dans cet état, la complication peut arriver à tout moment, mais elle laisse aussi place à la transplantation ». Celle-ci n’est envisageable cependant que pour les personnes qui ne souffrent pas de maladies associées (comorbidités), prévient le spécialiste.
(4) 1ère greffe pulmonaire française sur un patient Covid-19, à Foch ! (Hôpital Foch) : Lire
Masque chirurgical et manque d’air, la fin de la polémique ?
Le port du masque et les autres mesures de prévention que sont le lavage des mains et la distanciation physique doivent être encouragés pour limiter la transmission du virus SARS-CoV2. La polémique a enflé sur les réseaux sociaux au sujet d’un risque d’hypoxémie (ou faible taux d’oxygène dans le sang) dû au port du masque chirurgical. Une étude nord-vient démentir ce risque d’hypoxémie (5). Elle a comparé la concentration télé-expiratoire de CO2 et la saturation en oxygène chez quinze médecins en bonne santé (âge moyen : 32 ans) et chez quinze hommes âgés (71 ans en moyenne) souffrant de BPCO sévère. Aucune différence dans les paramètres mesurés n’a été rapportée après cinq et trente minutes de port du masque. Sans surprise, un test de marche de six minutes et une baisse de la saturation en oxygène a été observée chez les patients atteints de BPCO, mais pas de façon plus marquée en cas de port du masque. Selon les auteurs, l’augmentation de la température de l’air inspiré ou la stimulation de récepteurs sensibles à la température localisés au visage entraînant des réactions neurologiques, voire des réactions psychologiques (anxiété), seraient à l’origine d’un certain inconfort. En revanche, les données sont à creuser pour les masques FFP2 où certains travaux chez des volontaires sains ont montré une augmentation de la capnie ou PaCo2 (pression partielle en dioxyde de carbone dans le sang artériel).
Une autre étude canadienne va dans le même sens (6). 25 participants, âgés de 65 ans ou plus (sans comorbidités cardiaques ou respiratoires s’accompagnant d’une dyspnée de repos), ont mesuré leur saturation en oxygène (SpO2) avant, pendant et après le port d’un masque durant leurs activités quotidiennes. Leur conclusion est que le port du masque chirurgical ne s’accompagne pas de baisse de la SpO2.
(5) Effect of Face Masks on Gas Exchange in Healthy Persons and Patients with COPD ici
(6) Chan NC et coll. : Peripheral Oxygen Saturation in Older Persons Wearing Nonmedical Face Masks in Community Settings. JAMA, 2020 ; Publication avancée en ligne le 30 octobre. doi:10.1001/jama.2020.21905
Revue de presse par Hélène Joubert, journaliste