Avec Anne Smetana, attachée Santé à l’Ambassade du Danemark en France.
Quelle est l’importance donnée à l’activité physique au Danemark ?
Le Danemark a conduit une vaste réforme de santé en 2007, déléguant aux municipalités le rôle central dans la prévention et la mise en place d’offres de prévention. Pour ce faire, le Danemark a rationalisé ses municipalités, passant de 278 à 98, soit environ 50 000 habitants par municipalité ; une mesure prise pour assurer un nombre adéquat de professionnels de la santé et de la prévention dans un pays qui compte environ 5 800 000 habitants. Les municipalités ont reçu la responsabilité de développer une politique de prévention, mettant particulièrement l’accent sur l’activité physique. Cette politique de prévention est transversale, impliquant tous les secteurs municipaux tels que les écoles et les transports. Ces initiatives relèvent de ce que l’on appelle la prévention primaire, englobant l’organisation de nos villes, la création de pistes cyclables, l’exigence d’un minimum de 45 minutes d’activité physique dans les écoles publiques, etc.
Notre Agence nationale de santé a formulé des recommandations solides en matière d’activité physique en tant que prévention primaire. Celles-ci reposent sur des données probantes issues de la littérature scientifique et des expériences concluantes. L’accent est mis sur l’implémentation de ces recommandations à l’échelle des municipalités. Nous avons mis en place une organisation dédiée pour garantir la mise en œuvre effective de ces recommandations, justement fondée sur le regroupement en 98 municipalités. L’objectif est également de ne pas seulement se contenter de recommandations théoriques, mais d’offrir une formation approfondie aux professionnels de la santé, les impliquant activement dans la promotion de l’activité physique.
Qu’a mis en place le Danemark concernant l’activité physique adaptée pour les patients atteints de maladies chroniques ?
Nous avons également des programmes de rééducation pour les patients atteints de maladies chroniques, dans lesquels l’activité physique est intégrée. Ces programmes de rééducation sont administrés soit par des kinésithérapeutes en milieu hospitalier, soit par des médecins généralistes. En l’an 2000, le Danemark a mis en place une politique de santé publique fondée notamment sur l’activité physique sur ordonnance destinée aux personnes atteintes de maladies chroniques, mais cette approche a été stoppée en 2010. Les médecins généralistes prescrivaient spécifiquement des activités physiques aux patients, donc les programmes d’APA étaient entièrement financés. Notre Agence nationale de santé a en effet mené une évaluation scientifique qui a mis en lumière des incertitudes concernant les effets à long terme de cette pratique, avec notamment des défis liés aux inégalités sociales en matière de santé. Cela a conduit certaines municipalités à interrompre leurs offres concrètes en matière d’activité physique sur ordonnance.
Ce qui signifie que le modèle d’activité physique sur ordonnance n’est plus en vigueur aujourd’hui au Danemark ?
En effet, l’expérience au Danemark aura duré environ 10 ans, débutant en l’an 2000 et se terminant en 2010. Cette approche visait à encourager les individus (les patients malades chroniques) à s’engager dans une activité physique grâce à des prescriptions issues des médecins généralistes. Cependant, il est apparu que malgré son efficacité initiale pour inciter les gens à commencer une activité physique, elle n’a pas été suffisamment durable dans le temps. Ces prescriptions étaient financées, mais malgré cela, les effets à long terme n’étaient pas suffisamment significatifs. Nous avons alors choisi de revoir notre approche et de nous focaliser davantage sur la prévention primaire, notamment par l’intégration de l’activité physique dans les offres de prévention des municipalités, et de confier le rôle de la prévention primaire aux territoires ; ainsi que de travailler de manière plus structurelle et en collaboration avec la société civile, les associations bénévoles. Cette orientation était possible grâce à la forte collaboration entre les municipalités et la société civile au Danemark.
En effet, la population danoise est très volontaire en matière d’activité physique, avec 40 % de la population jugée active physiquement. Ainsi, l’activité physique est profondément intégrée dans notre quotidien au Danemark, avec une organisation des transports favorisant le déplacement à vélo pour se rendre au travail ou à l’école. Le temps scolaire est organisé de telle manière que les enfants ont l’opportunité de participer à des activités physiques l’après-midi, les journées d’école se terminant plus tôt, vers 15 heures. Cela reflète notre engagement en faveur d’une vie quotidienne qui intègre l’activité physique pour tous.
Tous les 4 ans, toutes les municipalités élaborent des politiques municipales de prévention en matière de santé dans toutes les administrations municipales, où l’activité physique est incluse comme un élément important. Par ailleurs, nous avons développé le télésoin, c’est-à-dire la réalisation d’exercices de kinésithérapie à distance. Depuis 2010, nous avons conçu une plateforme numérique qui permet aux médecins généralistes de visualiser l’ensemble des offres en matière d’activité physique à proximité. Au Danemark, nous travaillons de manière globale, avec une stratégie à plusieurs volets ; et structurellement, avec l’aménagement de notre société et de nos villes, conçues de manière à soutenir l’activité physique.
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