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Le vrai du faux concernant le tabagisme

Une visio-conférence de Santé respiratoire France avec Alliance contre le tabac, pour démêler le vrai du faux concernant le tabagisme (26 octobre 2023/Replay disponible).

Qui fait plus de bénéfices, Coca-Cola ou les industriels du tabac ?

Réponse : les géants de l’industrie du tabac ! Marion Catellin, directrice de l’Alliance contre le Tabac, s’explique : « Les géants de l’industrie du tabac, au nombre de quatre dans le monde, à savoir Philip Morris International (producteur notamment de Marlboro), British American Tobacco (connu pour les Lucky Strike), Imperial Brands et Japan Tobacco International (JTI), génèrent chaque année des bénéfices colossaux. Ceux-ci sont souvent supérieurs, voire légèrement plus élevés, que ceux de grandes entreprises telles que Walt Disney, Starbucks, Coca-Cola, Google et McDonald’s réunis. En 2015, ces géants du tabac ont réalisé un bénéfice net annuel de 66 milliards de dollars. Ces profits pharamineux sont générés par une industrie qui vend des produits responsables de la mort d’un consommateur sur deux ! De plus, ces bénéfices échappent souvent à une imposition significative, et en particulier dans les pays où le tabagisme a un impact majeur. »

Moins de 5 cigarettes par jour, aucun danger pour la santé ?

C’est faux ! Fumer moins de 5 cigarettes par jour présente un danger pour la santé.

Ellen de Guiran, responsable d’études et d’évaluation à l’Alliance contre le Tabac explique pourquoi il s’agit d’une idée fausse, largement répandue dans la société : « le Baromètre Tabac et Cancer 2015, élaboré par Santé Publique France et l’Institut national du cancer (INCa), a révélé que les petits fumeurs, c’est-à-dire ceux qui consomment moins de 10 cigarettes par jour, ont tendance à penser que leur faible consommation de tabac ne présente pas de réels risques pour leur santé. Ils sous-estiment ainsi les risques de développer des maladies liées au tabagisme, notamment le cancer. Cependant, il n’existe pas de seuil de consommation en dessous duquel les risques pour la santé sont inexistants. Le risque persiste même en cas d’exposition au tabagisme passif ! La relation entre l’exposition au tabac et le risque de maladies n’est pas linéaire. Par exemple, pour une personne fumant une cigarette par jour, le risque d’infarctus du myocarde n’est que la moitié de celui d’un fumeur de 20 cigarettes par jour. Par conséquent, pour réduire véritablement le risque, il ne suffit pas de simplement réduire sa consommation mais il faut arrêter complètement de fumer. »

Nous ne sommes pas égaux face à l’addiction au tabac.

C’est vrai. « Il existe des facteurs et des influences variés qui peuvent jouer un rôle dans le développement de cette dépendance, fait remarquer Christiane Pochulu, patiente experte et atteinte de BPCO, vice-présidente de Santé respiratoire France et d’Alliance contre le tabac. Par exemple, au sein d’une même famille, certains enfants de fumeurs deviendront des fumeurs eux-mêmes, tandis que d’autres ne goûteront jamais à la cigarette et la rejetteront. Des études américaines ont montré que le tabagisme peut être perçu comme un moyen de réconfort ou de gestion du stress. Nous sommes tous différents dans la manière dont nous faisons face aux difficultés. L’adolescence est aussi une période clé pour le développement des addictions. C’est une période où l’on est curieux, où l’on veut essayer de nouvelles choses, parfois des choses interdites. Le tabac peut être l’un des pièges dans lesquels les jeunes peuvent tomber. De plus, il est essentiel de reconnaître le rôle sournois de l’industrie du tabac, qui a présenté la cigarette comme un rite de passage vers la masculinité pour les hommes, et comme un symbole de liberté et d’émancipation pour les femmes, en particulier dans les années 1970-80. Ces stratégies d’influence ont contribué à piéger de nombreuses personnes dans la dépendance au tabac. Il est important de comprendre que tout le monde peut être aidé pour se libérer de cette addiction, et qu’il existe des moyens d’accompagner, d’aider, d’écouter et d’entourer les personnes. Les facteurs personnels jouent un rôle, mais l’influence de l’industrie du tabac et l’atmosphère sociale ont également un impact significatif sur la manière dont les individus abordent le tabagisme et l’arrêt du tabac. »

Fumer est un choix ? FAUX !

Le tabagisme est tout sauf une liberté.

Selon Marion Catellin, directrice de l’Alliance contre le Tabac, « il est essentiel de prendre en considération le fait que le tabagisme est principalement une dépendance, de surcroît extrêmement difficile à surmonter individuellement. Il faut savoir aussi que le tabagisme est le résultat d’une construction sociale promue par l’industrie du tabac. Cette industrie s’efforce depuis plus d’un siècle de pousser les jeunes vers le tabagisme, utilisant des campagnes de marketing direct, mais aussi des influences plus subtiles, notamment à travers des personnalités du cinéma, de l’audiovisuel, et de la mode. Elle continue d’exercer une forte influence en présentant les produits du tabac comme désirables. C’est illustré par des exemples très récents, comme le portrait de l’acteur Gaspard Ulliel avec une cigarette à la bouche, en Une de plusieurs journaux suite à son décès accidentel. De plus, on observe encore des publicités pour des marques de mode telles qu’Yves Saint-Laurent montrant des jeunes femmes suggérant la consommation de cigarettes. Les clichés du fumeur français, un symbole de bon vivant, sont également perpétués dans des séries telles qu’Emily in Paris, Peaky Blinders, et bien d’autres. »

C’est aujourd’hui, dans la rue et dans les magazines.

Il est essentiel de comprendre que derrière l’apparence d’un choix personnel, le tabagisme est fortement influencé par des stratégies de marketing qui en ont fait un comportement désirable, en particulier pour les femmes dans les années 1980, en les associant à la liberté. Une idée fausse encore répandue en France.

Puis-je fumer si j’ai mis un patch ?

Il est courant d’entendre l’idée fausse que les patchs contenant de la nicotine sont potentiellement dangereux. Dr Laurent N’Guyen, pneumologue et membre de Santé respiratoire France, explique pourquoi : « Ce qui est dangereux, c’est le tabac lui-même, car il contient plus de 5 000 substances différentes, dont de nombreuses sont nocives. La nicotine est effectivement présente dans le tabac, et elle est l’un des éléments qui peuvent favoriser la dépendance et l’addiction. Cependant, l’objectif de la substitution nicotinique, telle que les patchs, est de fournir de la nicotine d’une manière contrôlée pour aider les fumeurs à arrêter de fumer. »

La substitution nicotinique prend différentes formes, notamment les patchs que l’on colle sur la peau, les inhalateurs, les gommes à mâcher, les pastilles à sucer, et même des sprays buccaux. L’objectif principal est de substituer la nicotine du tabac par une source plus sûre, permettant ainsi de réduire progressivement la consommation de tabac. « Si, pendant la substitution nicotinique, une personne craque et fume, ce n’est pas nécessairement un problème grave, rassure le Dr N’Guyen, car elle reçoit quand même de la nicotine tout en essayant de réduire la quantité de tabac. Le but ultime est d’atteindre un sevrage tabagique complet, et l’utilisation de la nicotine sous forme de substitution peut grandement aider dans ce processus. Dans certaines situations à risque, comme chez les femmes enceintes ou les personnes ayant récemment subi un infarctus du myocarde, l’utilisation de patchs à la nicotine peut être recommandée. »

L’essentiel est de faire tous les efforts pour arrêter de fumer, et tous les moyens, y compris la substitution nicotinique, peuvent être utiles dans cette démarche. L’objectif final demeure l’arrêt total du tabac.

L’héroïne, une substance qui rend plus addict que la cigarette ?

C’est faux ! « Le tabac présente le pouvoir addictif le plus élevé par rapport à d’autres substances telles que l’héroïne, la cocaïne ou l’alcool, assure Ellen De Guiran, responsable d’études et d’évaluation pour l’Alliance contre le Tabac. Cette conclusion découle de la proportion de consommateurs qui deviennent dépendants du tabac, ainsi que de la probabilité plus élevée, comparée à d’autres drogues, de passer d’un usage occasionnel à une dépendance. Cette situation s’explique en grande partie par la nicotine contenue dans le tabac, qui atteint le cerveau de manière extrêmement rapide : en inhalant une bouffée de cigarette, la nicotine atteint le cerveau en moins de 10 secondes, ce qui est plus rapide qu’une injection d’héroïne, qui prend de 1 à 2 minutes pour atteindre le cerveau. »

De plus, comme toutes les drogues, la nicotine altère rapidement le fonctionnement du cerveau, en quelques secondes seulement. Elle stimule ce que l’on appelle le « circuit de récompense », ce qui conduit à l’addiction. « Le potentiel addictif du tabac dépend donc à la fois de la nature ainsi que de l’intensité de son interaction avec les neurotransmetteurs. En conséquence, le tabac est la substance la plus addictive, avec une fréquence de consommation problématique plus élevée que la cocaïne ou l’héroïne. »

C’est d’ailleurs pourquoi les rechutes lors d’une tentative d’arrêt sont courantes, et il peut être nécessaire de mener plusieurs tentatives avant de réussir à arrêter définitivement de fumer.

Le Dr Laurent N’Guyen, pneumologue et membre de Santé respiratoire France, ajoute : « Garder un lien avec la nicotine, en s’accordant une cigarette de temps en temps, stimule constamment le cerveau qui réclame alors sa dose. Même de petites quantités de tabac peuvent entraîner une rechute, souvent en réponse à des facteurs émotionnels ou de stress. Ainsi, la libération complète du tabac est une étape essentielle pour réussir à arrêter de fumer. »

L’État s’enrichit-il avec les taxes sur le tabac ?

Non, l’État français ne s’enrichit pas avec les taxes prélevées sur la vente des produits du tabac. Marion Catellin, directrice de l’Alliance contre le Tabac, détaille le vrai coût du tabac : « Une idée largement répandue est que la vente de tabac génère plus de revenus pour la collectivité qu’elle n’engendre de dépenses en matière de santé. Pourtant, le coût réel des soins liés aux conséquences du tabagisme dépasse largement les recettes fiscales issues de la vente de tabac (13 milliards d’euros en 2019). Le coût global englobe les vies humaines perdues, la perte de qualité de vie, la perte de production, ainsi que les coûts directs supportés par les finances publiques, tels que les dépenses de prévention, les dépenses de soins, etc. Pour l’année 2019, ce coût social a été estimé à 156 milliards d’euros. Cela représente environ 2 300 euros par habitant en France, qu’il s’agisse de fumeurs, de non-fumeurs, ou même d’enfants. » Pour que le tabac ne coûte rien à la société, un paquet de cigarettes devrait être vendu entre 40 et 50 euros. On est loin du compte, le prix actuel d’un paquet de cigarettes étant actuellement d’environ 11 euros.

Sevrage tabagique. Rechuter est-il un échec ?

C’est FAUX, et Christiane Pochulu, patiente-experte atteinte de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) et vice-présidente de l’association Santé respiratoire France de d’Alliance contre le tabac, en témoigne. Selon elle, il est nécessaire d’apprendre de ses rechutes, car elles constituent le chemin vers l’arrêt définitif du tabac.

Voici son témoignage : « J’ai rechuté à de nombreuses reprises avant d’atteindre mon objectif d’arrêter de fumer », reconnaît-elle. « S’il est indéniable que l’échec fait partie de ce processus, on ne doit pas se voiler la face, cela demeure un échec. Cependant, de l’expérience que j’ai acquise à travers ces rechutes, je peux tirer plusieurs leçons. Tout d’abord, lors de mes tentatives pour arrêter de fumer, je me suis familiarisée avec les symptômes du sevrage, les sensations physiques et émotionnelles, positives comme négatives. En outre, j’ai réussi à repérer les déclencheurs, ces éléments souvent liés à des émotions puissantes qui suscitent l’envie de fumer et qui ont conduit à mes rechutes. Je suis ainsi devenue beaucoup plus consciente de mes fragilités face à la cigarette et des pièges qu’elle tend devant moi. De plus, j’ai pu réfléchir sur le plan d’action que j’avais choisi lors de mes rechutes. Ai-je pleinement respecté ce plan d’action, notamment s’il avait été élaboré en collaboration avec mon médecin traitant ou un tabacologue ? Était-ce le plan d’action approprié à ma situation ? Ai-je reçu un soutien adéquat, ou au contraire celui-ci s’est révélé inefficace ? Répondre à ces questions m’a permis d’être plus avertie face aux pièges du tabac. Un fumeur qui souhaite arrêter de fumer peut se dire que lorsqu’il prendra la décision définitive d’arrêter de fumer, il pourra mettre à profit ces enseignements acquis à travers ses échecs précédents. Bien que l’on puisse citer des cas exceptionnels de personnes ayant réussi à arrêter du jour au lendemain sans rechuter, la réalité montre que la grande majorité des fumeurs connaissent une ou plusieurs rechutes. »

Arrêter de fumer, est-ce une question de volonté ?

C’est faux. Il y a 70 % de chances supplémentaires de réussir à arrêter de fumer en étant accompagné par un professionnel de santé. Sans aide pour le sevrage tabagique, seulement 4% des tentatives de sevrage aboutissent. L’explication est la suivante : la dépendance à la nicotine comporte plusieurs facettes, dont une dépendance physique, qui peut être traitée avec des substituts nicotiniques tels que les patchs ou les gommes, et une dépendance psychologique et comportementale. C’est la combinaison complexe de ces différentes formes de dépendance qui rend le processus d’arrêt si difficile. Il ne s’agit donc pas uniquement d’une question de volonté.

Pour Christiane Pochulu, patiente-experte atteinte de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) et vice-présidente de l’association Santé respiratoire France de d’Alliance contre le tabac, « la volonté ne suffit pas toujours. Il est important de se poser la question « pourquoi je veux arrêter » et d’explorer ses motivations personnelles. Chacun a ses propres raisons, et il peut y avoir des raisons à la fois pour arrêter et pour continuer à fumer. Il est donc nécessaire de mener une réflexion approfondie et de choisir deux ou peut-être trois motivations personnelles qui serviront de base solide pour résister aux moments de craving (envie compulsive de fumer). Il est crucial de se créer des « mantras » mentaux liés à ces motivations profondes pour rester fort dans les moments difficiles. »

Cet article n’a pas répondu à ma question, pourquoi ?

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