Le tabagisme quotidien est reparti à la hausse chez les femmes et les personnes les moins diplômées entre 2019 et 2021. La crise sanitaire liée au Covid-19 a eu un impact sur ces deux populations. Santé respiratoire France y voit l’expression des inégalités sociales du tabagisme : ceux qui fument le plus sont les plus précaires, ceci malgré la hausse du prix du paquet de cigarettes. Le rôle anxiolytique du tabac en période de stress psychologique, social et économique est ici souligné. Il doit faire l’objet d’actions ciblées et de grande ampleur, et encore dirigées plus en direction de ces personnes plus vulnérables.
Après une baisse d’ampleur inédite et très encourageante du tabagisme en France entre 2014 et 2019 parmi les adultes (de 28,5 % à 24 %), la tendance semble s’inverser, en particulier chez les femmes et les personnes les moins diplômées, selon les derniers chiffres officiels (Baromètre de Santé publique France 2021 du 12/12/22) entre 2019 et 2021. Le tabagisme quotidien a augmenté parmi les moins diplômés (niveau de diplôme inférieur au baccalauréat), de 29 % à 32 %.
En 2021, les femmes et les personnes les moins diplômées ont augmenté leur consommation tabagique.
Les années 2020 et 2021 ont mis un coup d’arrêt aux espoirs d’une baisse du tabagisme qui semblait bien partie. Un impact de la crise sanitaire et sociale liée au COVID-19 pourrait expliquer ces nouveaux chiffres, avec une utilisation de la cigarette comme outil de gestion du stress, notamment liée à une augmentation de la charge mentale et à une dégradation des conditions de travail chez les femmes.
Le tabagisme chez les femmes |
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5,5 millions de fumeuses quotidiennes – quelque 7 millions, si l’on inclut les fumeuses occasionnelles. Après une forte diminution entre 2017 et 2019, le tabagisme féminin repart à la hausse dans toutes les tranches d’âge, à l’exception des 25-34 ans, un âge où la maternité est envisagée et l’incitation à ne pas commencer à fumer ou à arrêter est forte. Dans les chiffres, chez les femmes de 18-75 ans, le tabagisme quotidien a augmenté entre 2019 et 2021, passant de 20,7 % à 23 %. |
Repères
- En France métropolitaine plus de 3 adultes sur 10 (18-75 ans) ont déclaré fumer (31,9 %) en 2021. Cette prévalence est stable par rapport à 2020, mais est en hausse par rapport à 2019 (30,4 %). Un quart des 18-75 ans fument quotidiennement, une proportion stable par rapport à 2019.
- Au total, on estime à 15 millions le nombre de fumeurs en France, dont 12 millions de fumeurs quotidiens.
- Autre constat, les disparités territoriales restent marquées. En 2021, le tabagisme quotidien variait de 22 % à 29 % selon les régions de France métropolitaine. Deux régions avaient une prévalence moins élevée que le reste du territoire métropolitain : l’Île-de-France et les Pays de la Loire (22 %), alors que deux régions se distinguaient par une prévalence plus élevée : l’Occitanie (28 %) et la Provence-Alpes-Côte d’Azur (29 %).
- Dans chacun des départements et régions d’outre-mer, la prévalence est inférieure à celle observée en France métropolitaine et en baisse significative par rapport à 2014 à La Réunion, en Martinique, en Guyane et stable en Guadeloupe.
Dr Frédéric le Guillou, pneumologue, allergologue et tabacologue, président de Santé respiratoire France
“Après une baisse importante, le tabagisme en 2021 reste un problème de santé publique considérable et marqué par les inégalités sociales et territoriales. Les résultats encourageants observés chez les jeunes hommes (18-24 ans) – de 35,8% à 28,7% entre 2020 et 2021 – nous incitent à garder le cap. Mais le fait que le tabagisme remonte chez certaines populations comme les femmes et les personnes les moins diplômées nous alerte.
Les années Covid portent un coup aux efforts en matière de lutte contre le tabagisme, mais cela s’inscrit dans un mouvement global qui affecte la santé mentale de nos concitoyens (mouvement des gilets jaunes, baisse du pouvoir d’achat, augmentation des coûts liés à l’alimentation et à l’énergie, etc.). Par ailleurs, on ne peut que déplorer l’absence d’actions de terrain en période pandémique. Il n’y a pas eu par exemple de Mois sans tabac en 2020, ni d’augmentation du prix du paquet de cigarettes en 2021.
De plus, le télétravail, généralisé autant que possible en période pandémique, s’est peu à peu installé dans les habitudes, alors que la contrainte de fumer à l’extérieur des lieux collectifs de travail peut dissuader certains salariés de fumer. L’on prévient un risque sanitaire infectieux mais quelles en seront les conséquences sur le tabagisme ? Il faut toucher, par des actions de prévention et d’encouragement au sevrage tabagique, ces télétravailleurs, isolés, et susceptibles d’augmenter leur consommation de cigarettes. Un ministère de la prévention aurait ici toute sa place, comme le souligne ce Baromètre tabac de Santé publique France, reflet de la santé mentale de la population. Alerte ! ”
A noter, l’enquête Coviprev (vague de fin 2021) a montré qu’un tiers de la population souffrait d’un état anxieux ou dépressif. L’enquête Epicov (Épidémiologie et conditions de vie sous le Covid-19) lors de la vague de juillet 2021, a constaté que les symptômes dépressifs pendant la crise avaient atteint plus fréquemment les femmes, les jeunes et les personnes en difficulté sur le plan économique.
Une enquête du RespiLab de Santé respiratoire France, conduite du 29 avril 2020 au 31 mai 2020 auprès de ses adhérents et des personnes insuffisantes respiratoires plus largement, avait également pointé du doigt ce risque vis-à-vis du tabagisme : « le confinement a produit un impact important chez les personnes insuffisantes respiratoires chroniques avec des modifications de comportement particulièrement délétères (activité physique, tabagisme). Le confinement a limité la pratique d’une activité physique pour 67 % des répondants. 71 % des fumeurs affirment avoir modifié leur consommation de tabac pendant le confinement, dans la grande majorité à la hausse. » A voir sur ce lien |
Lorsqu’ils prennent conscience des dangers du tabac, la plupart des fumeurs veulent arrêter de fumer. Cependant, la nicotine contenue dans les produits du tabac crée une forte dépendance et, sans un soutien pour arrêter, seuls 4 % des consommateurs qui tentent un sevrage tabagique y parviendront, d’après l’Organisation mondiale de la Santé. L’aide professionnelle et la prise de médicaments à l’efficacité avérée pour arrêter de fumer peuvent plus que doubler les chances de succès d’un fumeur qui essaie d’arrêter. « Déconstruire les peurs liées à l’arrêt du tabac, débanaliser le tabagisme, encourager les personnes fumeuses à se faire aider pour arrêter de fumer sont nos missions, indique Frédéric le Guillou. L’usage de la cigarette électronique de manière transitoire et exclusive (sans continuer de fumer de manière concomitante) peut être un moyen qu’il ne faut pas éluder. »
Quels sont les chiffres officiels sur le vapotage ?
En 2021, 38,7% des adultes ont déclaré avoir déjà expérimenté la cigarette électronique, proportion stable par rapport à 2020 (37,4 %). L’usage actuel d’une vapoteuse a été déclaré par 6,7 % des 18-75 ans, et la prévalence du vapotage quotidien s’élevait à 5 %, proportions en hausse par rapport à 2020 (respectivement 5,4 % et 4,3 %).
Visionner le webinaire « La cigarette électronique a-telle une place dans le sevrage tabagique ? »
Références :
Prévalence nationale et régionale du tabagisme en France en 2021 parmi les 18-75 ans, d’après le Baromètre de Santé publique France. Pasquereau Anne, etal. Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2022, n°. 26, p. 470-480 LIRE
Observatoire français des drogues et des tendances addictives. Drogues et addictions, chiffres clés. Paris : OFDT; 2022. 8 p. LIRE