Claudette Beauhaire, 65 ans (Ile-de-France), patiente BPCO-emphysémateuse et transplantée pulmonaire
L’appel téléphonique pour fixer le rendez-vous de cette interview, qui aura lieu quinze jours plus tard, est pris en quelques secondes. Claudette Beauhaire raccroche vite, elle est en train de régler ses courses à la caisse d’un supermarché. Cela est de très bon augure, chez une femme greffée des poumons onze mois auparavant.
Et en effet, Claudette a encore du mal à croire qu’elle peut vivre une vie aussi normale que toute personne en bonne santé : « je m’émerveille chaque jour du souffle que j’ai, raconte-t-elle. Avant la greffe, un VEMS (volume de gaz rejeté pendant la première seconde d’une expiration forcée) à seulement 16% transformait ma vie en calvaire ». La faute à un emphysème-BPCO* très sévère – un diagnostic porté très tôt dès l’âge de 35 ans – et à des années de tabagisme, entrecoupées de périodes de sevrage.
Malgré de pénibles heures quotidiennes de bicyclette d’appartement et de marche effectuées avec une assiduité sans faille, lorsque se déplacer, parler ou même déboucher une bouteille d’eau épuise, lorsque les hospitalisations pour exacerbations et une période de coma à 59 ans succèdent aux stages de réhabilitation respiratoire sans pour autant apporter la moindre amélioration ni espoir vis-à-vis d’un essoufflement ou des sensations d’étouffement insupportables, la greffe pulmonaire est souvent la seule issue, en attendant l’arrivée prochaine des traitements endoscopiques de l’emphysème**, aux indications médicales très restreintes.
Bien malgré elle, Claudette est devenue une habituée du centre hospitalier de Bligny (Essonne). La voyant lutter en vain au quotidien, les pneumologues finissent par lui proposer l’option de la greffe. N’ayant aucune comorbidité*** en plus de son emphysème, son cas est idéal. A noter, l’emphysème-BPCO représente 30% des indications de greffe pulmonaire actuellement. Loin de s’enthousiasmer, Claudette hésite ; cette infirmière en psychiatrie est particulièrement angoissée par l’anesthésie générale. « La peur de la mort qui ne me quitte plus et le discours trop anxiogène à mon goût des pneumologues et des chirurgiens thoraciques sur les risques de cette chirurgie n’arrangent rien, explique-t-elle. C’est la rencontre avec une femme récemment greffée qui me convainc ». Le temps presse : elle a 64 ans. Dans un an, elle aura franchi la limite d’âge supérieure des candidats à la transplantation pulmonaire fixée à l’hôpital Foch (Suresnes, Hauts-de-Seine) où elle doit être opérée.
Lorsque l’appel fatidique survient, le 22 mai 2017, ses angoisses ne sont pas totalement levées mais l’empathie des soignants la décident à sauter le pas. L’opération est une réussite. La suite ressemble à la convalescence de toute intervention chirurgicale lourde. Délires, douleurs soulagées par la morphine auto-administrée, alimentation par sonde, réapprentissages, musculation… un mois et demi à peine après l’opération, elle reprend pied et le cours de sa vie avec deux nouveaux poumons et un traitement antirejet à prendre au long cours.
Aujourd’hui, Claudette a une VEMS à faire pâlir d’envie toute personne bien portante (174% de VEMS), une performance exceptionnelle qui étonne tous les spécialistes qui la croisent ; l’emphysème ayant dilaté sa cage thoracique, celle-ci était alors apte à accueillir un greffon plus volumineux que ses propres poumons.
Claudette ne cesse de penser au donneur, qu’elle se représente depuis le début comme un jeune motard. Elle réalise sa chance mais n’oublie pas une seconde qu’une épée de Damoclès est suspendue au-dessus de sa tête : les statistiques de l’Agence de la biomédecine font état d’une survie autour de 77%, un an après une greffe pulmonaire.
Propos recueillis par Hélène Joubert, journaliste.
* L’emphysème est une destruction irréversible des voies aériennes distales.
** valves et les spirales endobronchiques. Lire l’article
***maladie associée comme un diabète ou une maladie cardiovasculaire