La campagne antigrippale 2025-2026 débutera le 14 octobre avec une nouveauté importante : deux vaccins « renforcés » seront proposés aux personnes âgées de 65 ans et plus. Leur objectif est d’accroître la protection contre la grippe chez les personnes particulièrement vulnérables en raison de l’immunosénescence (diminution progressive de l’efficacité du système immunitaire avec l’âge). Le principe de ces vaccins reste le même que celui des vaccins classiques, mais l’un contient une dose d’antigène quatre fois plus élevée, tandis que l’autre associe un composé (« adjuvant ») destiné à stimuler la réponse immunitaire. La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande, lorsque cela est possible, de privilégier l’un de ces deux vaccins chez toute personne âgée de 65 ans et plus.
Chaque hiver, la grippe entraîne un nombre important d’hospitalisations et de décès chez les personnes âgées. L’épidémie 2024-2025 l’a rappelé avec force : entre le 2 décembre 2024 et le 17 février 2025, plus de 29 100 hospitalisations après passage aux urgences pour grippe /syndrome grippal ont été ainsi enregistrées, dont 60% concernaient des personnes de 65 ans ou plus. Selon les données préliminaires de Santé publique France recueillies dans le cadre du projet européen EUROMOMO, les plus de 75 ans sont les plus touchés (sur 14 717 décès supplémentaires chez les personnes de 65 ans et plus, 85 % concernaient les plus de 75 ans). Ces données illustrent la nécessité de renforcer la prévention dans cette tranche d’âge.
Une validation officielle et un remboursement acté
Au printemps dernier, la HAS a recommandé, pour les personnes âgées de 65 ans et plus, l’utilisation préférentielle, par rapport aux vaccins standards, des vaccins haute dose et adjuvanté, respectivement Efluelda (Laboratoire Sanofi) et Fluad (Laboratoire Seqirus).
- La Commission de la Transparence de la HAS – chargée d’analyser les données cliniques, la sécurité, les bénéfices par rapport aux traitements existants et l’impact sur la santé publique – a validé leur remboursement avec un Service Médical Rendu jugé important et une Amélioration du Service Médical Rendu de niveau IV, signe d’un progrès tangible.
- Un autre comité (Commission d’Évaluation Économique et de Santé Publique) a confirmé que le vaccin haute dose présentait un bon rapport coût-efficacité et qu’il permettait de réduire les hospitalisations. Le prix a été fixé et publié au Journal officiel le 24 juillet, ouvrant la voie à leur disponibilité dès le lancement de la campagne antigrippale hivernale.
Les personnes âgées de 65 ans et plus vont recevoir, comme chaque année, un bon de vaccination, garantissant une prise en charge à 100 % par l’Assurance maladie. Si la demande dépasse les stocks disponibles, une règle de priorisation est prévue : les vaccins seront réservés en priorité aux plus de 75 ans. |
Comment fonctionnent ces vaccins ?
- Efluelda (qui avait fait son apparition sur le marché français lors de la saison 2021/2022, avant d’être retiré pour la campagne antigrippale 2024-2025 faute d’accord sur le prix avec les autorités françaises) reprend le mode de fabrication d’un vaccin antigrippal classique, mais la quantité d’hémagglutinine (l’antigène clé), est multipliée par quatre pour chacune des trois souches de grippe du vaccin. Cette augmentation permet de déclencher une réponse immunitaire plus robuste.
- Fluad, de son côté, repose sur un dosage identique à celui d’un vaccin standard, mais il contient un adjuvant, une substance qui amplifie la réaction immunitaire.
Leur plus-value réside dans le fait que l’efficacité du vaccin antigrippal classique est réduite chez les seniors, en raison de l’immunosénescence : elle était plus élevée chez les personnes de moins de 65 ans avec facteurs de risque ciblés par la vaccination (59 % [IC95 % :28-76]) que chez les 65 ans ou plus (38 % [IC95 % :3-60]) (données Santé publique France 2024-2025).
Comme tous les vaccins disponibles, ces vaccins ciblent les trois principales souches du virus de la grippe – Influenza – actuellement en circulation (nous parlons de vaccins inactivés trivalents).[1]
Un gain d’efficacité, chez les seniors
Les études disponibles mettent en évidence un gain d’efficacité en faveur des vaccins haute dose et adjuvanté par rapport aux vaccins standards de 15 à 25 %. « Ces deux nouveaux vaccins reposent sur le même principe que les vaccins antigrippaux classiques, explique la Dre Anne Mosnier, médecin généraliste, épidémiologiste (OpenRome) et membre de la coalition A-Grippe-Toi, mais ils ont été développés pour mieux protéger les personnes âgées. Il ne s’agit pas de dévaloriser les vaccins standards, qui restent utilisés à tout âge, mais de proposer une alternative plus adaptée aux seniors. »
Pour Efluelda, un essai randomisé en double aveugle publié dans le New England Journal of Medicine s’est intéressé au nombre de cas de grippe confirmés évités et a montré une efficacité relative par rapport au vaccin classique supérieure de 24,2 % chez les plus de 65 ans. L’étude a également mis en évidence une réduction des hospitalisations pour grippe, pneumonie et maladies cardiorespiratoires, avec des baisses allant de 8 % à 27 % selon les critères. Concernant les passages aux urgences suivis d’une hospitalisation, l’efficacité relative était de 11,2 %, soit un gain d’efficacité de plus de 11 % par rapport au vaccin antigrippal classique. Une étude française (Driven) retrouve des chiffres comparables avec une réduction du nombre d’hospitalisations pour grippe de 23 % par rapport aux vaccins standards. Pour Fluad, moins d’études randomisées sont disponibles mais les données observationnelles semblent montrer une efficacité comparable. Le gain d’efficacité par rapport au vaccin antigrippal standard concernant les cas de grippe (non confirmés en laboratoire) est de 25 % chez les 65 ans et plus, et de 8 à 13 % concernant la prévention des hospitalisations pour grippe dans cette population. Des données récentes en « vraie » vie. Deux vastes essais cliniques randomisés « en vie réelle » (DANFLU-2, GALFLU), présentés fin août 2025 au congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC 2025), portaient sur le vaccin antigrippal à haute dose. « Les résultats de la combinaison de ces deux études, l’étude FLUNITY-HD (en cours de publication), concernent 3 saisons grippales et plus de 400 000 personnes de 65 ans et plus ; ils montrent qu’une quantité d’antigène plus importante assure une meilleure protection que le vaccin classique, tout en réduisant de façon significative le risque d’hospitalisations liées à la grippe ou à une pneumonie, mais aussi à des problèmes cardiorespiratoires. « Chez les personnes encore plus âgées, en particulier celles de plus de 70 ans, l’efficacité relative des vaccins antigrippaux haute dose ou adjuvantés est encore plus marquée », souligne Anne Mosnier. |
« Il faut bien insister sur le fait que l’objectif principal de la vaccination contre la grippe, en particulier pour les personnes fragiles et celles âgées de 65 ans et plus, est de prévenir les formes graves et les décès liés à l’infection grippale », rappelle le Dr Anne Mosnier.
La HAS n’a pas tranché sur la supériorité de l’un des vaccins par rapport à l’autre. Leur efficacité est jugée équivalente. Le choix se fera donc en fonction de la disponibilité dans les pharmacies, selon les contrats conclus avec les laboratoires.
Pourquoi réserver ces vaccins aux seniors ?

« À noter, précise le Dr Mosnier, ces vaccins ont avant tout été développés pour améliorer la protection des seniors. Il faut aussi savoir que les bénéfices supplémentaires d’efficacité par rapport au vaccin antigrippal classique n’ont été à ce jour évalués que chez les personnes de 65 ans et plus. En dessous, on ne sait pas. »
Les vaccins standards restent fortement utiles et recommandés aux personnes de moins de 65 ans ciblées par les recommandations, et même chez les seniors si les nouveaux vaccins ne sont pas disponibles. Avec une efficacité moyenne de 50 %, le vaccin classique permet déjà, si la couverture vaccinale atteint les objectifs de l’OMS (plus de 75 % du public cible), de prévenir la majorité des complications graves : hospitalisations, passages aux urgences et décès.
Il y a-t-il des effets secondaires ?
En termes de tolérance des nouveaux vaccins, « ils déclenchent une réponse immunitaire plus forte, ce qui peut entraîner un peu plus d’effets secondaires, fait remarquer Anne Mosnier, c’est-à-dire que les effets secondaires légers, comme la douleur au point d’injection ou la fatigue, peuvent être plus fréquents. »
La vaccination, aussi pour protéger le cœur

La France fait partie des derniers pays à proposer ces vaccins adaptés aux seniors. L’hiver dernier, ils n’étaient pas disponibles, dans un contexte de grippe sévère. Leur mise à disposition dès octobre 2025 représente donc une avancée importante et doit permettre de réduire non seulement les hospitalisations et les décès, mais aussi les conséquences indirectes de la grippe, telles que la perte d’autonomie ou l’augmentation des événements cardiovasculaires (infarctus, AVC).
À ce sujet, en juin dernier, la Société européenne de cardiologie a mis en avant un message fort dans un texte consensus intitulé « La vaccination comme nouvelle forme de prévention cardiovasculaire » : « Chez les personnes vulnérables comme chez les personnes âgées, la vaccination doit être considérée comme un outil essentiel pour protéger le cœur », confirme le Dr Anne Mosnier. Les cardiologues européens proposent désormais de l’ajouter aux trois grands axes classiques de prévention cardiovasculaire : la maîtrise de la pression artérielle, la réduction du cholestérol et le traitement du diabète.
« L’infection aiguë, y compris la grippe, constitue un facteur de risque cardiovasculaire, martèle Anne Mosnier. De nombreuses études montrent que, dans les semaines qui suivent une grippe, le risque d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral augmente de manière significative, lié aux phénomènes inflammatoires vasculaires induits par l’infection. La grippe ne provoque pas seulement des symptômes respiratoires ou des pneumonies : elle peut aussi déclencher des décompensations cardiaques et aggraver des pathologies existantes. Ces recommandations concernent surtout les personnes déjà à risque, en particulier les seniors, qui cumulent souvent des antécédents cardiovasculaires. C’est dans cette population que les vaccins antigrippaux à dose élevée ou adjuvantés montrent le plus d’intérêt. »
Cela fait longtemps que les vaccinations (pas seulement contre la grippe et la covid) sont recommandées chez les patients atteints de maladies respiratoires chroniques. Dans ces circonstances, les aggravations brutales de la maladie (décompensations aiguës) liées à la grippe et à la covid se présentent le plus souvent sous forme de détresse respiratoire.
Se vacciner, on a tout à y gagner
Pour cela, le Pr Bertrand Fougère, gériatre au CHU de Tours, a un argument : « Il faut toujours se rappeler qu’une des raisons majeures de l’augmentation de l’espérance de vie au cours des cinquante dernières années est la diminution de la mortalité liée aux maladies infectieuses, grâce aux antibiotiques et aux vaccins. La vaccination contre la grippe est aussi mise en avant pour soigner le cœur et gérer les pathologies chroniques comme l’insuffisance cardiaque, très courante chez les seniors, insiste-t-il, il est indispensable de protéger les patients contre les maladies infectieuses comme la grippe. »
Références :
Infections respiratoires aiguës (grippe, bronchiolite, COVID-19). Bilan de la saison 2024-2025. (Santé publique France, 16 avril 2025)
HAS « Vaccination contre la grippe saisonnière des personnes de 65 ans et plus
Place des vaccins Efluelda et Fluad » (avril 2025) ; Avis n°2025.0037/AC/SESPEV du 17 juillet 2025 du collège de la Haute Autorité de santé portant sur les sous-populations cibles à vacciner prioritairement parmi les personnes âgées de 65 ans et plus avec les vaccins EFLUELDA et FLUAD dans le cadre de la grippe saisonnière Avis n°2025.0037/AC/SESPEV du 17 juillet 2025 ; Lee JK, Lam GK, Shin T, et al. Efficacy and effectiveness of high-dose influenza vaccine in older adults by circulating strain and antigenic match: an updated systematic review and meta-analysis. Vaccine 2021;39(Suppl 1):A24- A35 ; Pott H, Andrew MK, Shaffelburg Z, et al. Vaccine effectiveness of non-adjuvanted and adjuvanted trivalent inactivated influenza vaccines in the prevention of influenza-related hospitalization in older adults: a pooled analysis from the Serious Outcomes Surveillance (SOS) Network of the Canadian Immunization Research Network (CIRN). Vaccine
2023;41(42):6359-65 ; Johansen ND, Modin D, Loiacono MM, et al. High-Dose Influenza Vaccine Effectiveness against Hospitalization in Older Adults. N Engl J Med. 2025 Aug 30 ; Bettina Heidecker, Peter Libby, Vassilios S Vassiliou, et al, Vaccination as a new form of cardiovascular prevention: a European Society of Cardiology clinical consensus statement: With the contribution of the European Association of Preventive Cardiology (EAPC), the Association for Acute CardioVascular Care (ACVC), and the Heart Failure Association (HFA) of the ESC, European Heart Journal, 2025; ehaf384 ; A Heidenreich P, Bhatt A, Nazir NT, et al. 2025 Concise Clinical Guidance: An ACC Expert Consensus Statement on Adult Immunizations as Part of Cardiovascular Care: A Report of the American College of Cardiology Solution Set Oversight Committee. J Am Coll Cardiol. 2025 Aug 21:S0735-1097(25)07089-5 ; Bricout H, Levant MC, Assi N, et al. The relative effectiveness of a high-dose quadrivalent influenza vaccine versus standard-dose quadrivalent influenza vaccines in older adults in France: a retrospective cohort study during the 2021-2022 influenza season. Clin Microbiol Infect. 2024 Dec;30(12):1592-1598.
Par Hélène Joubert
[1] A/Victoria/4897/2022 ; A/Croatia/10136RV/2023 ; B/Austria/1359417/2021