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ToggleL’ERS International Congress 2023, communément appelé le congrès européen de pneumologie, vient de se terminer. Comme chaque année, il s’est tenu début septembre, cette fois-ci en Italie, à Milan, du 9 au 13 septembre 2023. Voici quelques aperçus de la recherche dans les domaines de la santé pulmonaire, de la prévention des maladies – avec un focus sur les bébés et la petite enfance – et des nouvelles approches de traitement.
🤱Les mères exposées à la pollution de l’air donnent naissance à des bébés plus petits, donc plus à risque d’asthme et de BPCO. Lueur d’espoir, vivre dans une zone plus « verte » peut atténuer ces risques.
Les femmes exposées à la pollution de l’air donnent naissance à des bébés plus petits, d’après une recherche exposée à l’ERS 2023. Elle montre également que les femmes vivant dans des zones plus vertes (moins polluées) donnent naissance à des bébés plus gros, ce qui pourrait contribuer à contrer les effets de la pollution.
En effet, il existe une relation étroite entre le poids à la naissance et la santé pulmonaire. Les enfants de faible poids à la naissance sont confrontés à un risque plus élevé d’asthme et à des taux plus élevés de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) à mesure qu’ils vieillissent. C’est un argument de plus pour réduire la pollution de l’air et de rendre les villes plus vertes pour aider à protéger les bébés et leurs poumons en développement contre d’éventuels dommages.
L’étude était basée sur les données de l’étude Respiratory Health in Northern Europe (RHINE). Elle comprenait 4286 enfants et leurs mères vivant dans cinq pays (Danemark, Norvège, Suède, Islande et Estonie). Les chercheurs ont mesuré la verdure des zones où vivaient les femmes pendant leur grossesse en mesurant la densité de la végétation sur des images satellites. Cette végétation comprend des forêts et des terres agricoles ainsi que des parcs en zone urbaine. Les chercheurs ont également utilisé des données sur cinq polluants : le dioxyde d’azote (NO2), l’ozone, le carbone noir et deux types de particules (PM2,5 et PM10). Les niveaux moyens de pollution atmosphérique étaient conformes aux normes de l’Union européenne. Pour le Pr Robin Mzati Sinsamala, « le moment où les bébés grandissent dans l’utérus de leur mère est critique pour le développement de leurs poumons. Nos résultats suggèrent que vivre dans une zone plus verte pourrait aider à contrer l’effet de la pollution. » Cette étude s’ajoute à un nombre croissant de preuves sur les dommages que la pollution de l’air produit sur notre santé, en particulier chez les bébés et les jeunes enfants vulnérables.
Référence : Abstract no: PA311 “Preconception air pollution/greenness exposure and pregnancy outcomes: The Life-GAP Project”, par Robin Mzati Sinsamala et al; Présenté lors de la session « Déterminants de la santé pulmonaire » à 08:00-09:30 CEST le dimanche 10 septembre 2023.
🦠 Le microbiote des bébés et des jeunes enfants, impliqué dans l’asthme allergique
Les bébés et les jeunes enfants dont les microbiotes sont plus matures – autrement dit plus diversifiés – sont moins susceptibles de développer une respiration sifflante ou de l’asthme liés à une allergie.
Ces communautés de bactéries, appelées microbiote, se développent dans le corps humain au cours des premières années de la vie et sont impliquées dans des processus utiles à l’organisme, tels que la synthèse de vitamines et le renforcement du système immunitaire. Les bébés possèdent déjà dans leurs intestins un certain microbiote provenant de leur mère à leur naissance. La diversité du microbiote augmente et mûrit à mesure qu’ils vieillissent et sont exposés à différents types provenant d’autres enfants, d’animaux et d’aliments variés. Le Dr Yuan Gao, chercheur à l’Université Deakin de Geelong, en Australie, qui a présenté l’étude, explique : « nos études sur la Barwon Infant Study (1 074 bébés inclus dans l’étude entre 2010 et 2013, suivis lors de leur croissance) ont montré qu’un microbiote intestinal plus mature chez le nourrisson à l’âge d’un an était associé à un risque plus faible de développer des allergies alimentaires et de l’asthme pendant l’enfance (à l’âge de 4 ans dans l’étude). Cela semble être dû à la composition globale du microbiote intestinal plutôt qu’à des bactéries spécifiques. » Les mécanismes par lesquels le microbiote intestinal mature contribue à prévenir les maladies liées aux allergies ne sont pas entièrement compris. Les chercheurs prévoient de recruter 2 000 enfants d’Australie et de Nouvelle-Zélande pour un nouvel essai clinique, appelé ARROW, pour voir si le fait de donner aux jeunes enfants un mélange précis de bactéries par voie orale peut les protéger des maladies respiratoires ou de l’asthme en renforçant un système immunitaire sain et donc la réponse aux infections virales. Les virus sont en effet les causes les plus courantes de maladies infantiles et peuvent entraîner des infections pulmonaires et une respiration sifflante.
Référence : Abstract no: OA1434 “Late breaking abstract – Gut microbiota maturity in infancy and atopic wheeze in childhood”, par Yuan Gao et al; Présenté lors de la session « Dernières recherches sur l’asthme pédiatrique » à 14:15-15:30 CEST le dimanche 10 septembre 2023.
😴 Le traitement des apnées obstructives du sommeil prévient les décès dus aux maladies cardiaques
Les personnes souffrant du syndrome des apnées obstructives du sommeil (SAOS), surtout celles qualifiées de sévères, peuvent réduire leur risque de mourir d’une maladie cardiovasculaire si elles utilisent un appareil à pression positive continue (PPC) la nuit.
Ca n’est pas nouveau, les apnées du sommeil augmentent le risque d’hypertension artérielle, d’accident vasculaire cérébral, de maladie cardiaque et de diabète de type 2. L’étude sur les maladies cardiaques a été présentée à l’ERS 2023 par le Dr Jordi de Batlle de l’Institut de Recerca Biomèdica de Lleida (IRBLleida), en Espagne. Lui et ses collègues ont suivi l’ensemble des 3 638 patients atteints d’apnées du sommeil vivant en Catalogne (Espagne) qui avaient choisi d’arrêter d’utiliser la PPC en 2011. Ils les ont comparés à un groupe similaire de 3 638 patients atteints d’apnées du sommeil qui ont continué à utiliser la PPC jusqu’en 2015 au moins ou même jusqu’à leur décès. Lorsqu’ils ont comparé les deux groupes, ils se sont aperçus que ceux qui continuaient à utiliser la PPC avaient un risque 40 % inférieur de mourir, quelle qu’en soit la cause, un risque réduit de 36 % de mourir d’une maladie cardiovasculaire et un risque 18 % inférieur d’être hospitalisé pour une maladie cardiovasculaire. De l’avis du Dr de Batlle, « nos résultats suggèrent que le traitement par PPC peut aider la plupart des patients atteints d’apnées du sommeil en prévenant les problèmes cardiovasculaires tels que les maladies cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux. La pression positive continue des voies respiratoires fonctionne en gardant ces voies de circulation de l’air ouvertes pendant le sommeil. Cela stoppe les fluctuations des niveaux d’oxygène dans le sang qui peuvent exacerber les maladies cardiovasculaires. C’est un avantage supplémentaire du traitement PPC, qui aide déjà la plupart des patients en réduisant la somnolence et en améliorant leur qualité de vie. Sur la base de ces résultats, nous devrions encourager les personnes atteintes d’apnées à continuer à utiliser leurs appareils PPC. »
Il s’agit d’une étude pilote, et ces résultats devront être évalués plus en détail dans des études plus vastes. Le Pr Sophia Schiza, membre du groupe sur les troubles respiratoires du sommeil de l’ERS commentait : « Nous savons que les personnes souffrant d’apnées obstructive du sommeil courent un risque plus élevé de problèmes cardiovasculaires, mais il existe des données contradictoires sur les effets de la PPC sur la réduction de ce risque. Néanmoins, des recherches utilisant des données réelles montrent bien que l’observance de la PPC est l’un des principaux indicateurs de la réduction du risque cardiovasculaire et de l’amélioration des résultats en général. »
Référence : Abstract no: OA3290 “Impact of CPAP treatment on cardiovascular outcomes: a Catalan nationwide database analysis”, par Jordi de Batlle et al; Présenté lors de la session, “Pression positive des voies respiratoires pour les troubles respiratoires du sommeil : adhésion et résultats” à 15:45-17:00 CEST le lundi 11 septembre 2023.
🏢 Vivre en ville augmente le risque d’infections respiratoires chez les bébés et les jeunes enfants
Les jeunes enfants qui grandissent dans les villes souffrent davantage d’infections respiratoires que ceux qui grandissent à la campagne, d’après une étude présentée à l’ERS 2023. Une seconde étude précise que les garderies, l’humidité dans les maisons et la pollution routière augmentent le risque d’infections pulmonaires chez les jeunes enfants.
Dans le détail, la première étude [1] a été présentée par le Dr Nicklas Brustad de l’hôpital de Gentofte et à l’université de Copenhague, au Danemark. Elle révélait que les enfants vivant dans les zones urbaines avaient en moyenne 17 infections respiratoires, telles que la toux et le rhume, avant l’âge de trois ans, contre une moyenne de 15 infections chez les enfants vivant dans les zones rurales. Au vu de ces résultats, le chercheur estime que « l’environnement dans lequel vivent les enfants peut produire un effet sur le développement de leur système immunitaire avant qu’ils ne soient exposés à la toux et au rhume. »
La deuxième étude [2] a été présentée par le Dr Tom Ruffles de la faculté de médecine de Brighton (Royaume-Uni) :
- L’analyse des questionnaires remplis par les mères a révélé que l’allaitement pendant plus de six mois contribuait à protéger les bébés et les enfants contre les infections, tandis que la fréquentation d’une garderie augmentait le risque.
- Les jeunes enfants vivant dans des maisons où l’humidité est visible étaient deux fois plus susceptibles de requérir un traitement par inhalateur pour soulager les symptômes respiratoires et deux fois plus susceptibles d’avoir besoin d’un traitement par corticoïdes.
- Vivre dans une zone à circulation dense augmente le risque d’infections pulmonaires, et l’exposition à la fumée de tabac augmente le risque de toux et de respiration sifflante.
Références: [1] Abstract no: PA2721, “An urbanized metabolic and airway immune profile increases the risk of infections in early childhood”, par Nick Brustad et al; Présenté lors de la session, “Infections pulmonaires virales et bactériennes pédiatriques” à 12:30-14:00 CEST le lundi 11 septembre 2023. [2] Abstract no: PA2722, “Facteurs de risque environnementaux pour les infections respiratoires et la respiration sifflante chez les jeunes enfants : une étude de cohorte multicentrique”, par Tom Ruffles et al; Présenté lors de la session, “Infections pulmonaires virales et bactériennes pédiatriques” à 12:30-14:00 CEST le lundi 11 septembre 2023.
👶 Une étude sur les bactéries dans les garderies parisiennes révèle des liens avec la santé pulmonaire des enfants
Des combinaisons particulières de bactéries trouvées dans la poussière des garderies ont été associées à une respiration sifflante (souvent un signe précoce d’asthme) chez les jeunes enfants dans une étude française [1]. L’étude a été présentée par le Dr Annabelle Bédard, chercheuse à l’Inserm (Institut national français de la santé et de la recherche médicale) (Paris). Les chercheurs ont utilisé un aspirateur adapté pour prélever des échantillons de poussières sur le sol de 103 crèches différentes en région parisienne. En parallèle, ils ont demandé aux parents de 515 enfants fréquentant les garderies si leurs enfants (âgés de 2 ans en moyenne) présentaient des symptômes respiratoires, tels qu’une respiration sifflante [2]. Sur la base des types de bactéries trouvées dans les échantillons, les chercheurs ont pu regrouper les mélanges de microbiote provenant des garderies en quatre grandes catégories. L’une de ces catégories, dans laquelle dominent deux bactéries différentes appelées Streptococcus et Lactococcus, était associée à une augmentation du risque de respiration sifflante, par rapport à la catégorie la plus courante (un mélange de bactéries Streptococcus, Neisseria et Haemophilus).
Références : [1] Abstract no: PA5017, “Profils microbiotiques de la poussière dans les garderies et risque de respiration sifflante dans la petite enfance”, par Annabelle Bédard et al; Présenté lors de la session, “Asthme, atopie et issues respiratoires de l’enfance à l’âge adulte” à 16:00-17:30 CEST le mardi 12 septembre 2023 ; [2] Les chercheurs ont inclus des données supplémentaires depuis la soumission de leur résumé. Voir leur affiche pour des informations mises à jour. (Contacter Kerry Noble pour une copie sous embargo de l’affiche.)
⚕ Les coûts directs de santé liés à la BPCO atteindront 2 400 milliards de dollars en cumulé en Europe d’ici 2050
Les coûts économiques et humains causés par l’augmentation de la prévalence de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) en Europe de l’Ouest devraient considérablement augmenter au cours des prochaines années, révèle une étude présentée par l’industriel ResMed lors du congrès européen de pneumologie. Avec 64 millions de malades actuellement en Europe de l’Ouest, la BPCO est l’une des principales causes de décès et d’invalidité.
Ces données appuient l’urgente nécessité de mettre en place un dépistage et un diagnostic précoces, suivis d’un traitement dès les premiers symptômes, mais aussi des mesures visant à réduire les facteurs de risque de la BPCO, tels que le tabagisme et la pollution atmosphérique.
Référence : E. Boers et al. Le fardeau économique et sanitaire de la BPCO en Europe de l’Ouest : prévisions jusqu’en 2050. PA1029. Congrès de l’ERS 2023
🫁 La transplantation des propres cellules pulmonaires des patients fait naître l’espoir d’un « remède » contre la BPCO
Pour la première fois, des chercheurs ont montré qu’il est possible de réparer les tissus pulmonaires endommagés de personnes atteintes de maladie pulmonaire obstructive chronique (BPCO) en utilisant leurs propres cellules pulmonaires. Les 17 patients ayant participé à un essai clinique de phase I étaient capables de mieux respirer, de marcher plus loin et avaient une meilleure qualité de vie après avoir reçu le traitement expérimental. Explications.
Pour trouver de nouveaux traitements contre la BPCO, les chercheurs ont étudié les cellules souches, en particulier celles que l’on appelle « progénitrices », qui descendent de cellules souches et ne peuvent se différencier qu’en cellules appartenant au même tissu ou organes. Elles sont normalement utilisées par le corps pour réparer et remplacer les tissus endommagés. Dans ce premier essai clinique de phase I, les chercheurs ont entrepris d’étudier l’efficacité et la sécurité du prélèvement de cellules progénitrices P63+ provenant des poumons de 20 patients atteints de BPCO, en les utilisant pour en cultiver des millions d’autres en laboratoire, avant de les transplanter à nouveau dans les poumons des patients. « Nous avons utilisé un petit cathéter contenant une brosse pour collecter les cellules progénitrices des voies respiratoires des patients, raconte le Pr Ernst Eber de l’hôpital universitaire de Zurich, Suisse, qui a mené l’étude. Nous avons cloné les cellules pour en créer jusqu’à un milliard de plus, puis nous les avons transplantées dans les poumons des patients par bronchoscopie afin de réparer le tissu pulmonaire endommagé. Sur les 20 patients, 17 ont été traités de cette manière et trois ne l’ont pas été et ont constitué le groupe témoin. Ils ont été évalués dans les 24 semaines suivantes en utilisant des tests de marche, des tests de capacité pulmonaire, des tests sanguins, des imageries médicales et des questionnaires d’évaluation de la qualité de vie. Les résultats ont montré que les 17 patients traités avaient une capacité pulmonaire significativement améliorée, ainsi qu’une augmentation de leur capacité à marcher plus loin et plus longtemps. Ils ont également signalé une amélioration de leur qualité de vie. Aucun effet secondaire grave n’a été observé chez les patients traités.
« Ces résultats sont extrêmement encourageants, bien que nous devions rester prudents, car il s’agit d’une étude de phase I à petite échelle, a déclaré le Pr Ernst Eber. C’est la première fois que nous avons montré que les cellules pulmonaires des patients pouvaient être utilisées pour réparer leur propre tissu pulmonaire, ce qui ouvre des perspectives de traitement totalement nouvelles pour cette terrible maladie. Cependant, nous devons maintenant étendre et améliorer nos recherches pour montrer que cette approche est sûre et efficace à l’aide d’un plus grand nombre de patients. »
Référence : Abstract no: OA4751, “Personalized epithelial cell therapy for COPD: A first-in-human phase I trial”, par Ernst Eber et al; Présenté lors de la session, “Thérapies innovantes pour les maladies pulmonaires obstructives” à 08:30-10:30 CEST le mercredi 13 septembre 2023.
🚭 Fumer accélère le processus de vieillissement. C’est la génétique qui le dit !
Une étude portant sur près de 500 000 personnes (472 174 participants à la biobanque britannique, exactement) a démontré que le tabagisme provoquait un raccourcissement des fragments terminaux des chromosomes des globules blancs de notre système immunitaire (leucocytes). Or, la longueur de ces fragments terminaux, appelés télomères, est un indicateur de la rapidité avec laquelle nous vieillissons et de la capacité de nos cellules à s’auto-réparer et à se régénérer. Pour prendre une image, les télomères sont comparables aux gaines en plastique ou en métal au bout des lacets, qui empêchent ces derniers de s’effilocher. Ce sont des séquences d’ADN répétitives qui protègent les extrémités des chromosomes. À chaque division cellulaire, les télomères deviennent légèrement plus courts, puis si courts que la cellule ne peut plus se diviser correctement ; elle meurt. Cela fait partie intégrante du processus de vieillissement. La longueur des télomères dans les globules blancs (appelés leucocytes) a déjà été associée au tabagisme, mais jusqu’à présent, peu de recherches ont été menées pour déterminer si le fait de fumer et la quantité de cigarettes fumées provoquaient effectivement le raccourcissement de la longueur des télomères. Cette étude le démontre. Si fumer peut accélérer le processus de vieillissement -et plus on fume de cigarettes, plus l’effet de raccourcissement est prononcé -, arrêter de fumer peut considérablement réduire le risque associé.
Référence : Abstract no: OA4230. “The causal relationship between smoking conditions and telomere length: a mendelian randomization study in UK biobank”, par le Dr Siyu Dai et al; Présenté lors de la session “Selected Tobacco and Nicotine Research” à 09.30-10.45 hrs CEST le mardi 12 septembre 2023.
Hélène Joubert, journaliste.
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