Les actus

Dr Albert Scemama, chef de projet scientifique – Service des bonnes pratiques – Direction de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins à la Haute autorité de santé (HAS)

Quelle est votre conviction à propos de la prescription de l’APA ?

En 2018, la Haute autorité de santé (HAS) a lancé un vaste travail pour accompagner la prescription de l’activité physique à des fins de santé. Nous avons élaboré un guide des connaissances sur l’activité physique et la sédentarité et 16 référentiels d’aide à la prescription d’activité physique avec leur fiche de synthèse et leur fiche patient. Elles ont trait à de nombreuses pathologies chroniques ou états de santé pour lesquels l’activité physique adaptée a démontré son efficacité. Ces référentiels traitent des maladies respiratoires, de la bronchopneumopathie chronique obstructive et de l’asthme, ainsi que des maladies cardiovasculaires, métaboliques, rhumatologiques, neurologiques, psychiatriques, et du cancer ; sans oublier les personnes âgées fragiles ou à risque de chute, et les femmes enceintes et en post-partum. Pour la fin de l’année, nous prévoyons de publier quatre autres référentiels sur la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite ankylosante, les lombalgies chroniques et la sclérose en plaques. Nous allons aussi rédiger un guide spécifique de consultation et de prescription médicale d’activité physique pour les enfants et les adolescents.

Par la loi de modernisation du système de santé de 2016, la prescription de l’activité physique adaptée a été ouverte aux médecins généralistes pour les personnes en situation d’affection de longue durée (ALD). La loi de 2022 visant à démocratiser le sport en France a étendu cette possibilité à tous les médecins, et élargi les indications aux maladies chroniques, facteurs de risque et situations de perte d’autonomie.

Les politiques de promotion de l’activité physique sur ordonnance se sont développées dans les années 2000, en particulier dans les pays du nord de l’Europe, et en Suède depuis 2001 avec le programme « Suède en mouvement » et son dispositif d’activité physique sur prescription. Cette approche permet d’exploiter deux leviers essentiels : d’une part, la relation de confiance qui unit le patient et son médecin, et qui permet d’atteindre les personnes les plus éloignées de l’activité physique, en particulier celles souffrant de maladies chroniques, les personnes âgées, et les personnes en situation de handicap ; et d’autre part, le fait que l’ordonnance soit en elle-même un facteur de motivation et d’engagement à l’activité physique prescrite.

Vous concevez donc l’activité physique adaptée comme une véritable thérapeutique ?

L’APA est une véritable thérapeutique non médicamenteuse validée dans de nombreuses maladies chroniques, facteurs de risque et situations de perte d’autonomie, seule ou en association avec d’autres thérapeutiques médicamenteuses ou non médicamenteuses. Elle peut parfois être prescrite en première intention, par exemple pour le diabète de type 2, l’hypertension artérielle non compliquée, le surpoids et l’obésité, la dépression légère à modérée, ainsi que chez les personnes âgées à faible risque de chute.

Pour cela, la HAS donne une définition précise de l’activité physique adaptée (APA) en se basant sur les travaux scientifiques qui ont démontré son efficacité en tant que thérapeutique non médicamenteuse. Pour la HAS, l’APA est un programme d’exercices physiques de 3 mois, renouvelable, supervisé par un professionnel de l’APA, adapté à la pathologie ciblée, individualisé à la condition physique, aux comorbidités, risques et besoins de la personne, et toujours avec un accompagnement de la personne vers une vie plus active et la pratique d’activités physiques ordinaires de loisir ou du quotidien. Ce dernier point est important, car pour garder ses effets bénéfiques sur la santé, une activité physique doit être poursuivie sur le long terme.

L’activité physique adaptée se conçoit ainsi selon une gradation des possibilités et des besoins de chacun ?

Dans son guide, la HAS utilise une classification d’intervention par l’activité physique en 4 niveaux. A chaque niveau correspond un métier de l’activité physique ou de la rééducation. Le niveau 1, la rééducation, autre thérapeutique par le mouvement (non traitée dans le guide), est dispensée par les masseurs-kinésithérapeutes. Le niveau 2 correspond à l’APA, supervisée par les professionnels de l’APA (enseignant APA santé ou professionnels de santé de la rééducation). Le niveau 3 regroupe les activités physiques et sportives de loisirs supervisées par des éducateurs sportifs, ainsi que le sport-santé (programmes développés par la commission médicale du Comité national olympique et sportif français). Le niveau 4 correspond aux activités physiques et sportives de loisirs ou du quotidien réalisées en autonomie, seul ou avec l’aide d’un appui social (famille ou amis).

Il est important de souligner que tous les patients n’ont pas besoin d’un programme d’APA (niveau 2) pour augmenter leur niveau d’activité physique dans un but de santé. Dans son guide, la HAS a défini des critères pour la prescription initiale d’APA par le médecin, pour son renouvellement et pour son arrêt. Ces critères visent à garantir l’efficacité de la prescription d’APA à court et long terme et sa sécurité, ainsi que sa justification vis-à-vis des autres formes d’activité physique (niveau 3 ou 4). Elle s’appuie sur les effets démontrés de l’APA pour la pathologie ciblée, le niveau habituel d’activité physique du patient, et ses capacités à réaliser des activités physiques en autonomie et en sécurité.

De même, toutes les personnes n’ont pas besoin d’un avis médical avant de commencer une activité physique et bénéficier ainsi de ses effets bénéfiques sur la santé. Le guide propose l’utilisation de l’auto-questionnaire d’Aptitude à l’Activité Physique, le Q-AAP+. Il permet à la personne de déterminer par elle-même si un avis médical est nécessaire avant de débuter ou d’augmenter son niveau d’activité physique. Si la personne a besoin d’un avis médical avant de commencer une activité physique (elle a répondu oui à une des questions du Q-AAP+) ou si le médecin estime que son patient peut bénéficier d’une APA dans le cadre de sa prise en charge, le médecin peut effectuer une « évaluation médicale minimale », sous forme d’une consultation courte d’un quart d’heure ou, selon les cas, une « consultation médicale d’activité physique » dédiée et plus approfondie d’environ une demi-heure, avec si nécessaire la prescription d’examens complémentaires (leurs indications sont en réalité très limitées). Par exemple, la prescription d’une épreuve d’effort n’est en général recommandée que pour les patients à risque cardiovasculaire élevé et pour des activités physiques d’intensité élevée.

Dans tous les cas, l’objectif à terme pour le médecin, et plus largement les soignants, est d’accompagner la personne vers un mode de vie plus actif et moins sédentaire, en sécurité, dans la mesure du possible en toute autonomie, et sur le long terme.

La lutte contre la sédentarité et l’inactivité physique est une priorité de santé publique. L’activité physique et la réduction du temps passé à des activités sédentaires doivent être largement promus, en particulier par les professionnels de santé. L’APA, thérapeutique non médicamenteuse validée, doit entrer pleinement dans les habitudes de prescription de tous les médecins.

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