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Des biothérapies efficaces et disponibles pour limiter le risque de formes sévères de la Covid-19

RÉSUMÉ : Dans l’arsenal des médicaments contre la Covid-19, les biothérapies se révèlent efficaces lors de la phase précoce de l’infection pour prévenir l’aggravation de l’état de santé des personnes vulnérables vers une forme grave de la maladie. D’où la nécessité pour les médecins – généralistes ou spécialistes – de repérer dans les 5 jours après le début des symptômes tout patient infecté par le SARS-CoV-2 et à risque de forme grave afin de l’adresser à un centre hospitalier pour qu’on lui administre ces thérapeutiques. Toute personne ayant un test de Covid-19 positif et se sachant vulnérable peut également en parler à son médecin pour éventuellement en bénéficier.
D’autres biothérapies en développement visent plutôt la phrase tardive de l’infection chez les personnes ayant une atteinte respiratoire grave, augmentant ainsi leurs chances de survie et d’amélioration de leur état respiratoire.

Pour lutter contre l’infection Covid-19, on ne compte plus le nombre de molécules dites « repositionnées » car issues d’autres pathologies où elles ont fait leurs preuves. Mais l’immense majorité ont déçu. En complément des vaccins, qui se sont imposés très rapidement comme un moyen de lutte essentiel face au virus SARS-CoV-2, mais qui peinent à convaincre l’ensemble de la population, de nombreuses inconnues demeurent et notamment sur la meilleure manière de protéger les personnes une fois qu’elles ont été infectées. En effet, certaines d’entre elles sont fragiles et peuvent développer une forme sévère de la maladie, être hospitalisées voire en décéder. Pour cette raison, de nouvelles thérapeutiques ont été mises au point et testées. C’est le cas des anticorps monoclonaux anti-Spike, qui se fixent sur la protéine « Spike » (S), la protéine de surface du virus qui lui permet de pénétrer à l’intérieur des cellules humaines. Une fois celle-ci « bloquée », le virus ne peut plus se fixer sur le récepteur de la cellule de l’hôte et ne peut donc pas l’infecter.

Précisions : La réponse immunitaire est un processus où sont impliquées notamment des protéines circulantes appelées anticorps. Ces anticorps, en se liant à un composant du virus, bloquent sa pénétration dans les cellules et empêchent donc l’infection virale. L’adjectif « monoclonal » signifie qu’il cible un seul composant du virus. Le premier anticorps monoclonal a été produit par une cellule cultivée en laboratoire en 1975. Quand l’infection est déjà enclenchée, les anticorps bloquent la propagation du virus contenu dans les cellules infectées vers les cellules voisines. Ils sont utilisés aujourd’hui contre le cancer, les infections virales, les maladies inflammatoires chroniques (maladie de Crohn, polyarthrite rhumatoïde…) et même les migraines.

Des anticorps monoclonaux en phase précoce de l’infection pour limiter l’aggravation de la Covid-19 chez des personnes à risque de formes graves

Pour concevoir les anticorps monoclonaux, les laboratoires pharmaceutiques ont isolé les anticorps les plus efficaces chez les patients convalescents (SARS-CoV1, etc.), l’objectif étant de les optimiser, puis de les reproduire en laboratoire et les industrialiser. Ensuite, une unique administration suffit, réalisée sous forme de perfusion intraveineuse et à l’hôpital. Le timing est crucial : ils doivent être utilisés le plus tôt possible, soit au plus tard cinq jours après l’apparition des premiers symptômes chez l’individu, afin de neutraliser le virus et de diminuer la charge virale chez les personnes les plus à risque de développer une forme sévère de la maladie (âgés, avec des comorbidités comme un diabète, une obésité, une hypertension, une insuffisance respiratoire, une immunodépression, etc.).

Ces anticorps monoclonaux confèrent une immunité très rapidement, en quelques heures à quelques jours. L’un d’entre eux est le sotrovimab (identifié comme la molécule VIR-7831, par le laboratoire GSK et la biotech Vir Biotechnology), une molécule « double effet » : contrairement aux autres anticorps monoclonaux disponibles qui n’ont qu’une seule cible, celui-ci est doté d’un double mécanisme d’action qui lui confère la capacité d’empêcher le virus d’infecter les cellules saines, mais aussi d’éliminer les cellules infectées par le virus.

Le plus : une grande résistance aux variants

Le bon point est que le sotrovimab est particulièrement résistant aux variants du virus actuels et émergents, car il cible un fragment (épitope) de la protéine Spike hautement conservé, c’est-à-dire qui mute peu. Ceci a été testé de manière indépendante et comparative entre les divers anticorps monoclonaux préconisés en phase précoce dans la Covid-19 (1).

Les résultats des publications scientifiques avec le sotrovimab sont très positifs : au 29e jour (étude de phase III COMET-ICE) (2) les hospitalisations ou les décès après traitement précoce des adultes atteints de la Covid-19 et à haut risque d’hospitalisation sont réduits de 79 %. Des résultats si favorables que les autorités sanitaires américaines et européennes ont accepté une demande d’autorisation d’utilisation en urgence pour VIR-7831, une procédure particulière qui permet de prescrire un médicament dans des situations graves comme celle de la crise sanitaire actuelle. De son côté, la procédure classique de demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) suit son cours.

Par ailleurs, des études combinant divers anticorps monoclonaux sont en cours, toujours en perfusion à la phase précoce de la maladie, chez des patients infectés mais cette fois-ci dénués de risque d’aggravation de leur état. C’est le cas de l’étude BLAZE-4 qui évalue le sotrovimab en combinaison avec un autre anticorps monoclonal, le bamlanivimab (laboratoire Eli Lilly).

Pour un accès facilité aux biothérapies !

Depuis le 15 mars 2021, pour traiter les patients adultes à risque élevé de développer une forme grave de la Covid-19, l’Agence nationale des médicaments et des produits de santé (ANSM) a permis l’accès à deux combinaisons de biothérapies dans le cadre d’autorisations temporaires d’utilisation de cohorte (ATUc) : le cocktail casirivimab et imdevimab, du laboratoire suisse Roche et de la biotech américaine Regeneron – qui avait été médiatisé à l’automne 2020 lorsque le président des États-Unis Donald Trump en avait bénéficié, et le cocktail bamlanivimab et etesevimab, de la firme Lilly France.

Mais voilà, au 31 mai 2021, seuls un peu plus de 1 000 patients avaient bénéficié d’un traitement par bithérapie d’anticorps monoclonaux dans le cadre d’ATUc, ce qui a motivé la décision de l’ANSM d’élargir l’accès aux bithérapies d’anticorps monoclonaux contre la Covid-19 aux enfants âgés de 12 ans et plus, à risque élevé de développer une forme grave de la COVID-19, notamment en raison d’une immunodépression sévère ; aux patients présentant une pathologie chronique, quel que soit leur âge à partir de 12 ans, tels qu’une obésité, une hypertension artérielle compliquée, un diabète ou une insuffisance rénale/respiratoire chronique ; ainsi qu’aux patients ayant une infection par le VIH non contrôlée ou au stade SIDA. Jusqu’alors, ces traitements étaient réservés aux patients adultes ayant un déficit de l’immunité, aux plus de 80 ans et à ceux à partir de 70 ans présentant certaines comorbidités (obésité, insuffisance respiratoire ou cardiaque, diabète…).

A ce jour, les données de pharmacovigilance n’ont pas mis en évidence de signal de sécurité, au-delà de certains effets indésirables déjà observés dans les essais cliniques, tels que des réactions allergiques. Si aucun anticorps monoclonal ne dispose d’autorisation de mise sur le marché (AMM) en Europe pour le traitement de la Covid-19, ils font tous l’objet d’un accès précoce au niveau international.

Depuis le 11 juin, des patients présentant un risque élevé de forme grave du Covid-19 peuvent donc se les voir prescrire. Toute personne à risque devrait donc en bénéficier, dans les heures voire jours (5 jours au maximum) suivant l’infection et les premiers symptômes. Les hôpitaux en disposent en quantité suffisante. 

Des anticorps expérimentés chez les patients atteints d’une insuffisance respiratoire grave liée au SARS-CoV-2
 
Une autre piste avec les anticorps monoclonaux est suivie, qui était en cours de développement dans la polyarthrite rhumatoïde avant la pandémie de Covid-19. Là aussi, il s’agit d’une biothérapie, précisément un anticorps monoclonal dont le rôle attendu est de freiner le « tsunami inflammatoire » observé en phase plus tardive de la maladie Covid-19.
En effet, si l’inflammation est un processus habituellement bénéfique de défense de l’organisme, cet « orage cytokinique » constitue un véritable danger car il est responsable à la fois d’un pronostic défavorable chez les patients hospitalisés, mais aussi du passage en réanimation avec besoin de ventilation et, éventuellement, du décès par défaillance multiviscérale.
Dans l’optique de contrer cette hyper-inflammation observée dans les cas sévères, des approches ciblées qui modulent l’immunité sont recherchées. D’où l’idée de tester un anticorps monoclonal : un anti GM-CSF baptisé otilimab qui se fixe sur le GM-CSF, un médiateur clé de l’inflammation. Il s’agit d’un facteur de stimulation des colonies de cellules pro-inflammatoires (granulocytes et acrophages) et de cytokines (protéines signal) qui favorisent l’inflammation. L’otilimab s’administre lui aussi en une seule perfusion intraveineuse d’une heure chez les patients hospitalisés atteints de Covid-19 et présentant une atteinte pulmonaire sévère (pneumonie due à la Covid-19 et apport nécessaire d’oxygène). L’objectif est de diminuer l’inflammation au niveau des poumons des personnes infectées et hospitalisées et d’améliorer leur situation clinique en ciblant l’emballement de la réaction immunologique. D’après les études, 10 à 15 % des patients ont une hyper-inflammation au niveau pulmonaire et ne peuvent s’en débarrasser sans aide (3).
Bien que les résultats de l’étude OSCAR (4) – conduite dans plusieurs pays et randomisée contre placebo (phase IIa-III) – ne soient pas statistiquement significatifs sur l’ensemble des patients, un effet a été montré chez les personnes de 70 ans et plus : 65,1 % d’entre elles étaient vivantes et sans insuffisance respiratoire 28 jours après avoir reçu le traitement par otilimab en plus des soins standards, contre 45,9 % des patients ayant reçu uniquement les soins standards. L’étude OSCAR 2 portera spécifiquement chez les plus de 70 ans pour vérifier ces résultats. Elle vient de débuter.

Article rédigé par Hélène Joubert, journaliste.

REFERENCES :

(1) Chen, R.E., Winkler, E.S., Case, J.B. et al. In vivo monoclonal antibody efficacy against SARS-CoV-2 variant strains. Nature (2021). https://doi.org/10.1038/s41586-021-03720-y

(2) Gupta A et al. Early Covid-19 Treatment With SARS-CoV-2 Neutralizing Antibody Sotrovimab. MedRxiv doi: https://doi.org/10.1101/2021.05.27.21257096

(3) Siddiqi HK et al., COVID-19 illness in native and immunosuppressed states: A clinical−therapeutic staging proposal, J Heart Lung Transplant. 2020 May; 39(5): 405–407.

(4) Patel J et al. A Randomized Trial of Otilimab in Severe COVID-19 Pneumonia (OSCAR). medRxiv preprint doi: https://doi.org/10.1101/2021.04.14.21255475

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