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Covid-19 : Que sait-on sur les troubles de l’odorat ?

Une publication scientifique sortie le 18 novembre dernier concluait à un chiffre de 700 000 à 1,6 millions d’américains touchés par les troubles de l’olfaction après avoir été infectés par la Covid-19. Rapportée à la population française infectée, la prévalence semble globalement similaire dans l’Hexagone. Sans nier le fait que cette séquelle de la Covid-19 détériore la qualité de vie et peut s’avérer parfois sévère et durable, ces estimations considérables sont à relativiser : dans cette étude américaine, le nombre de personnes infectées déclarant un trouble de l’odorat se situerait aux alentours 2 et 3 % après six mois, une donnée conforme à la littérature scientifique. Et seules 5 % d’entre elles s’en plaindraient encore à un an. C’est en soi une bonne nouvelle.

 

L’anosmie, le symptôme le plus persistant du Covid-long

Les troubles de l’olfaction font partie des séquelles à long terme de l’infection Covid-19, le « Covid long » ou plus exactement « les symptômes prolongés à la suite d’une Covid-19 », selon la Haute autorité de Santé (HAS) (1). « L’anosmie est même le symptôme le plus persistant du Covid-long, souligne le Pr Dominique Salmon-Ceron, infectiologue et professeur de maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu (Paris). La particularité de ces troubles de l’odorat après l’infection par le SARS-CoV-2 est qu’ils surviennent sans obstruction ni lésion nasale. »

Ces troubles peuvent durer de manière très prolongée, et être responsables d’une altération de la qualité de vie, d’une réduction des prises alimentaires, de l’impossibilité de détecter les fumées et les gaz toxiques, et de l’apparition de troubles dépressifs, énumèrent en préambule les auteurs d’une étude menée à Saint Louis (Missouri, États-Unis) dont l’objectif était d’évaluer l’évolution à long terme des troubles de l’olfaction induits par l’infection Covid-19 (2).

Cette étude a exploité des données nationales américaines des cas d’infection à Covid-19 confirmés ou probables de janvier 2020 à mars 2021. A partir d’autres publications chiffrant une incidence des troubles olfactifs de 53 % en cas de Covid-19 et un taux de guérison de 95 %, les auteurs ont déterminé trois estimations : basse, intermédiaire et haute. Les cas de troubles olfactifs ont émergé en août 2020, six mois après le début de la pandémie, et ont connu une croissance progressive puis exponentielle. Ainsi, en août 2021, les estimations basses, intermédiaires et hautes du nombre d’américains présentant des troubles olfactifs étaient de 170 238, 712 268, et 1 160 0241 respectivement. A noter, le nombre de cas Covid-19 utilisé dans cette étude est très probablement sous-estimé, de nombreux patients n’ayant pas consulté et/ou n’ayant pas été testés. De plus, les troubles de l’olfaction induits par la pandémie touchent des populations plus jeunes que celles habituellement atteintes par ce type de trouble. Il en résulte potentiellement un impact plus prolongé sur la qualité de vie de ces personnes plus jeunes, estiment les chercheurs.

2 à 3 % des personnes ont encore des troubles six mois après l’infection

« Rapporté au nombre de personnes infectées aux États-Unis, près de 48 millions, le nombre de personnes déclarant un trouble de l’odorat se situe aux alentours de 2 % après six mois, relativise le Dr Charlotte Hautefort (ORL, Hôpital Lariboisière, AP-HP, Paris), ce qui conforte les données de la littérature. Par ailleurs, seulement 5 % des individus ayant perdu l’odorat après une infection au SARS-COV2 signalent une persistance des troubles un an post-Covid-19. » 

 

Un phénomène post-infectieux bien connu

Pour la spécialiste, « ce phénomène n’a rien de nouveau car il est similaire aux pertes d’odorat post-virales que nous connaissons bien. Simplement, l’ampleur de la pandémie de Covid-19 nous a enfin permis de chiffrer la prévalence de cette séquelle sensorielle, en suivant d’importantes cohortes de patients du début jusqu’à la disparition complète des troubles. Nous constatons que cette évolution ressemble à celle déjà décrite pour les autres virus où les personnes récupèrent habituellement leur olfaction dans les deux ans en moyenne. »

A ce propos, ce ne sont que très rarement des pertes complètes de l’odorat qui persistent mais plutôt des troubles de l’olfaction, en particulier de l’identification de l’odeur, et accessibles à la rééducation de l’odorat.  

 

Ne pas oublier les cas sévères

« Au sein de notre service, du fait du biais de recrutement des cas préférentiellement sévères, ce chiffre peut aller jusqu’à 30 %, plusieurs mois post-Covid, estime le Pr Dominique Salmon-Ceron. Si l’anosmie (perte de l’odorat) s’améliore spontanément après quelques semaines et mois dans 90 à 95 % des cas, avec parfois une période de parosmie (distorsion des odeurs vers d’autres, généralement désagréables) et/ou d’hyposmie (diminution de l’odorat) avant de disparaître, environ 5 % des personnes infectées suivies dans notre service conservent une anosmie résiduelle, avec à ce jour au moins 18 mois de recul. »

 

Quelle place pour les corticoïdes ?

Avant la Covid-19, les médecins avaient l’habitude de prescrire des corticoïdes (anti-inflammatoires stéroïdiens prescrits dans différentes situations pathologiques associées à un phénomène inflammatoire) aux personnes consultant pour une perte brutale de l’odorat en cas d’infection virale. Or, face à l’infection par le SARS-CoV-2, la Société française d’ORL et de chirurgie de la face et du cou (SFORL) a déconseillé l’utilisation de corticoïdes du fait d’une balance bénéfice/risque défavorable si l’on compare le symptôme de la perte d’odorat au risque de décès induit par le virus. 

« Dans le cadre d’une étude que nous avons mené en partenariat avec la Fondation Rothschild (Paris), nous avons eu l’autorisation de traiter les patients ayant une anosmie persistante une fois la RT-PCR négative, et au moins un mois après les premiers symptômes, indique le Dr Hautefort*. Dans les deux groupes, l’étude a permis de tester l’intérêt d’un lavage de nez au sérum physiologique avec ou sans corticoïdes locaux. Il n’y a eu aucune différence concernant la qualité et le délai de récupération entre les deux groupes. La bonne nouvelle est que les patients de l’étude suivis sur huit mois ont récupéré et amélioré leurs performances olfactives. Tous avaient bénéficié d’une rééducation olfactive. »

 

La rééducation olfactive, seul traitement reconnu

A distance de l’infection, en cas de persistance de troubles olfactifs, la rééducation de l’odorat est le seul traitement reconnu efficace pour améliorer récupérer de troubles de l’odorat post-infectieux. Elle se pratique deux fois cinq minutes par jour, où la personne doit s’entraîner à percevoir des odeurs en étant pleinement consciente. Ceci afin de les reconnaître en faisant intervenir la plasticité neuronale, c’est-à-dire reconnecter les informations sensorielles provenant des nouvelles cellules de l’intérieur du nez avec la mémoire olfactive. 

« Cette rééducation olfactive, autrement dit le travail sur la cohérence entre l’olfaction et l’identification visuelle de l’odeur respirée, permet au moins 30 % d’amélioration olfactive, évalue le Pr Salmon-Céron. Depuis l’arrivée de la Covid-19, une méthode à l’origine développée pour les personnes en post-chimiothérapie a été adaptée : le OSTMR ou thérapie par stimulation olfactive et reconstruction de la mémoire. Celle-ci consiste en une stimulation olfactive pour réveiller une réponse émotionnelle (souvenir olfactif agréable, etc.). » Mais les protocoles de rééducation sont nombreux et votre ORL saura vous expliquer une méthode adaptée à votre cas et/ou vous orienter vers un kinésithérapeute spécialisé.

* Ce qui manque de pertinence car à un mois, l’inflammation a disparu et ne restent que les séquelles sensorielles.

Hélène Joubert

Merci au Dr Charlotte Hautefort (ORL, Hôpital Lariboisière, AP-HP, Paris) et au Pr Dominique Salmon-Ceron, infectiologue et professeur de maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu (Paris).

(1)  Fiche. Les troubles du goût et de l’odorat au cours des symptômes prolongés de la Covid-19/ HAS 10 février 2021

(2) Khan A.M, Kallogjeri D, Piccirillo J.F.  JAMA Otolaryngology–Head & Neck Surgery. Published online November 18, 2021

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