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Communiqué Santé respiratoire France

Primo-prescription par le médecin pneumologue de la triple association fixe inhalée dans la BPCO, le non-sens d’une décision aux lourdes conséquences pour les patients

Santé respiratoire France demande la révision des conditions de l’initiation de la triple thérapie fixe dont son élargissement au médecin généraliste

Dans la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) sévère, l’initiation de la prescription (primo-prescription) de la triple thérapie est actuellement réservée aux pneumologues, quel que soit leur mode d’exercice, libéral ou hospitalier.

La triple thérapie inhalée contient trois principes actifs : un corticostéroïde inhalé (CSI), un bronchodilatateur bêta-2 agoniste de longue durée d’action (LABA) et un bronchodilatateur anticholinergique de longue durée d’action (LAMA). Au sein d’une association fixe, ces trois médicaments sont administrés en une seule prise, au moyen d’un dispositif unique (1).

Cette triple thérapie est indiquée dans le traitement continu de la BPCO modérée à sévère chez les adultes traités de façon non satisfaisante par l’association d’un corticostéroïde inhalé et d’un bêta-2 agoniste de longue durée d’action.

Une entrave à l’accès aux soins chez les malades sévères

L’évaluation par le pneumologue est essentielle ; cette triple thérapie étant réservée aux formes sévères de BPCO. Cependant, la restreindre à la prescription par le spécialiste sous le prétexte d’un risque de mésusage nous semble constituer une restriction à l’accès aux soins, a fortiori dans les zones de moindre densité médicale spécialisée, alors même que les délais de rendez-vous pour consulter un spécialiste s’allongent. Pour rappel, la densité médicale est de 122,7/100 000 habitants et de 3,6/100 000 pour les médecins généralistes et les médecins pneumologues, respectivement (chiffres CNOM 2021).

81 % des patients sous bithérapies CSI/LABA ou LABA/LAMA sont pris en charge par le médecin généraliste (2). Les patients susceptibles d’être éligibles à une escalade thérapeutique vers une triple thérapie sont donc, pour la majorité, suivis en médecine générale. Une étude (à paraître) (3) conduite sur la période juin 2021 – juillet 2022 (à partir de la base de données IQVIA) a montré que 13 % des sujets traités pour BPCO ont consulté un pneumologue, 63 % un médecin généraliste et 24 % un pneumologue et un généraliste.

Un non-sens médico-économique

Argument supplémentaire, cette restriction de prescription au seul spécialiste est incompréhensible du point de vue médico-économique : la prescription individuelle de trois voire deux produits (association fixe corticoïdes-bêta 2 mimétique à laquelle s’ajoute un anticholinergique de longue durée d’action) affiche un coût supérieur à la prise unique. Le contournement de cette décision est donc très aisé par le médecin généraliste. C’est d’ailleurs ce qui est réalisé en pratique, le plus souvent.

Santé respiratoire dénonce cette aberration, d’autant que ces thérapeutiques sont abordables. En effet, leur coût est bien éloigné de celui des biothérapies, par exemple, qui justifie leur prescription spécialisée.

Tout est bon pour renforcer l’observance

Enfin, la prescription de la triple thérapie fixe réservée au spécialiste limite l’accès au traitement unique, qui nous semble pourtant un atout du point de vue de la qualité de vie des malades et de l’observance médicamenteuse lorsqu’il s’agit d’un traitement au long cours. C’est ainsi se priver délibérément d’un moyen pour renforcer l’observance thérapeutique, déjà problématique. Une enquête menée par Santé respiratoire France en 2020 l’avait souligné (4) : 35 % des patients BPCO n’adhèrent pas ou peu à leur traitement (ils l’oublient et/ou ne font pas attention aux jours auxquels ils doivent le prendre et/ou cessent de le prendre quand ils se sentent mieux ou moins bien). 

Comme elle l’avait déjà signalé au début de l’année 2021, l’association Santé respiratoire France s’interroge sur le bien-fondé d’une telle décision. Celle-ci ne repose ni sur des arguments économiques, ni sur des considérations médicales. Pire, elle va à l’encontre d’une équité de traitement entre les patients, et les prive d’un moyen supplémentaire pour renforcer l’observance thérapeutique.
 
Par conséquent, Santé respiratoire France réitère sa demande, c’est-à-dire la levée de la prescription initiale de la thérapie trois-en-un par le pneumologue, et donc une ouverture de la prescription initiale au médecin généraliste, en concertation avec le spécialiste. La primo-prescription par le médecin généraliste pourrait être conditionnée par une visite dans les trois à six mois chez le pneumologue, pour une évaluation globale et experte de la pathologie du patient, chez ceux n’ayant pas de suivi pneumologique, comme cela est précisé dans le Guide du parcours de soins BPCO de la HAS (2020) (5) qui mentionne une évaluation fonctionnelle respiratoire dans les six mois. Ce guide positionne d’ailleurs le médecin généraliste au cœur de la prise en charge du patient souffrant de BPCO.

👉 Santé respiratoire France a adressé cette demande par courrier au Ministère de la santé.

👉 Tribune publiée dans le Quotidien du Médecin

Références

(1) Selon les recommandations de la SPLF, les bronchodilatateurs inhalés bêta-2-agonistes de longue durée d’action (LABA) et anticholinergiques de longue durée d’action (LAMA) sont le principal traitement symptomatique de la BPCO chez les patients ayant une dyspnée quotidienne et/ou des exacerbations. En cas de symptômes persistants malgré un traitement de fond bien conduit par un bronchodilatateur en monothérapie et après avoir éliminé une autre cause d’insuffisance d’efficacité thérapeutique, une bithérapie avec soit deux bronchodilatateurs (LABA + LAMA), soit un LABA et un corticostéroïde inhalé (CSI) peut être proposée. Une triple thérapie associant un LABA, un LAMA et un CSI ne doit s’envisager qu’en cas de réponse non satisfaisante à la bithérapie. Les recommandations GOLD 2022 et Société de pneumologie de langue française 2021 reconnaissent également l’intérêt suggéré des triples thérapies fixes inhalées, dans les études ETHOS et IMPACT, quant à la réduction du risque de décès versus une association fixe de deux bronchodilatateurs (LABA + LAMA).

(2) Données issues du suivi longitudinal des délivrances en pharmacies de ville – LTD IQVIA (septembre 2022)

(3) Fardeau et prise en charge des patients traités pour BPCO en France. Roche N et al. CPLF 2023, 27-29 janvier, Marseille.

(4) Enquête Respilab « Formation des patients BPCO à l’utilisation des inhalateurs », conduite en ligne du 27 septembre au 31 octobre 2019, auprès de 1190 personnes souffrant de BPCO (RespiLab)

(5) Guide du parcours de soins de la BPCO (HAS)

A propos de Santé respiratoire France

L’association Santé respiratoire France rassemble plus de 5000 adhérents, patients, aidants et professionnels de santé. Elle contribue à améliorer la prise en soins mais également la qualité de vie des 10 millions de personnes touchées par les maladies respiratoires chroniques en France et celle de leurs proches. Ses missions sont d’Alerter l’opinion et les pouvoirs publics, d’Innover en favorisant l’émergence de solutions et de Rassembler.

Site internet : https://sante-respiratoire.com/