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BPCO : « S’approprier la maladie pour entrer, serein, dans le soin »

Aurore Lamouroux-Delay, docteure en psychologie exerçant à l’Ecole de l’asthme de Marseille (Association Asthme & Allergie) et au sein de Assistance publique – Hôpitaux de Marseille.

Que signifie « accepter la maladie » ?

« L’acceptation de manière générale, dans la BPCO comme dans l’ensemble des maladies chroniques, est une forme d’appropriation de la maladie ; un terme plus adéquat. « Acceptation » est un vocabulaire plus ambivalent, dans la mesure où la pathologie ne se guérissant pas et dont l’issue est fatale, la situation n’est pas réellement acceptable. L’appropriation est le moment où la personne dépasse l’étape de la colère et celle du rejet de la maladie et qu’elle entre dans une phase où elle se sent en capacité de prendre en charge sa santé et ses traitements. A ce stade, le malade chronique peut s’auto-gérer, c’est-à-dire adapter la thérapeutique à sa symptomatologie et l’ensemble de sa vie – nutrition, activité physique, surveillance médicale etc. – aux contraintes liées à la pathologie. Le temps de l’appropriation est variable d’une personne à l’autre. Mais pour tous, sans acceptation-appropriation de la maladie, il n’y a pas d’entrée apaisée dans le soin avec, à la clé, une mal-observance et une dégradation inéluctable des capacités respiratoires.

 

Lier l’appropriation de la maladie au seul individu n’est-il pas réducteur ?

En effet, ce concept individuel est aussi soumis à l’influence de nombreux autres facteurs liés à l’environnement social (entourage, relation soignant-soigné) au sein duquel évoluent des personnes plus ou moins aidantes ou non-aidantes. C’est pourquoi il existe un effort sociétal à fournir pour favoriser l’accès à ce stade de l’appropriation par les malades chroniques (campagnes de prévention, consultations médicales ciblées, orientation systématique d’un fumeur vers un pneumologue ou un tabacologue…)

 

Existe-t-il des spécificités de la maladie BPCO vis-à-vis de la démarche d’appropriation ?

En effet, certaines particularités émergent. La question de la stigmatisation est peut-être plus forte dans la maladie BPCO, dès lors que l’insuffisance respiratoire ne peut être occultée. Le passage entre « j’arrive à respirer tout seul » et « j’ai besoin d’une assistance » peut rendre difficile l’appropriation : la maladie devient visible pour soi avec les stigmates thérapeutiques très présents. Elle devient aussi visible pour les autres et cela devient très problématique : « On m’identifie comme quelqu’un de malade : je suis malade ». Le regard des autres peut faire prendre conscience que l’on rentre dans la maladie.

L’autre particularité conduisant à un retard diagnostic et thérapeutique est le fait que les symptômes sont associés au tabagisme et à une certaine forme de normalité : « Je fume, je tousse mais cela ne signifie pas que je suis malade ». La prise de conscience d’être malade peut arriver plus tardivement que dans d’autres maladies chroniques respiratoires comme l’asthme, par exemple. Or, pour entrer dans le soin, il est indispensable, à un moment donné, de se sentir réellement malade. L’entrée dans la maladie se fait souvent de manière violente et brutale. Sur le plan psychologique, elle est alors vécue comme une rupture importante, expliquant pourquoi la dépression est plus fréquente dans la BPCO que dans d’autres maladies chroniques.

 

Que cette maladie devienne visible à partir d’un certain stade ne favorise-t-il pas à l’inverse l’appropriation de la maladie ?

C’est ambivalent en effet, car c’est bien souvent à ce moment-là que les personnes vont entrer dans le soin et réaliser qu’elles sont malades et doivent se soigner. Cette prise de conscience et l’appropriation de la maladie peuvent être facilitées par le regard des autres qui les considèrent enfin comme de « vrais » malades et reconnaissent leur maladie respiratoire, leurs difficultés de vie. Cela peut aider dans le cheminement de l’appropriation. Certains vivent néanmoins un anéantissement. Ils ne pourront jamais se concevoir comme un « malade », au risque de sombrer dans la dépression, l’anxiété ou d’adopter une attitude de totale inobservance (refus de l’oxygène etc.).

 

D’où l’importance de l’accompagnement, précoce…

Le cheminement d’appropriation de la maladie est très lié à l’histoire de chacun et à la manière d’entendre la maladie. Si ce déclic n’a pas lieu, l’accompagnement notamment psychologique peut faire partir des démarches qui aideront à passer ce cap et à entrer de manière plus favorable dans la prise en charge thérapeutique et le soin.

Je suis convaincue qu’il ne faut pas attendre pour recourir à un soutien psychologique. Un patient en dépression, qui ne parvient pas à gérer correctement ses soins, en échec ou en refus de sevrage tabagique etc. doit être orienté vers un psychologue.

L’idéal est d’y recourir en amont, dans l’objectif d’accompagner le processus d’appropriation. Et notamment parce que plus la situation est critique, plus le rejet de l’aide psychologique est fréquent.

 

Outre l’aide psychologique, qu’est-ce qui pourrait aider une personne BPCO dans le cheminement vers l’appropriation de la maladie ?

Le fait que la BPCO investisse de plus en plus l’espace public est important pour les malades. Ils se sentent moins seuls. On met un nom sur leur maladie, le plus souvent invisible et encore largement méconnue.

L’éducation thérapeutique est, dans cette optique, un atout important pour les patients BPCO. Au cours des séances, ils partagent leur expérience, apprennent à analyser leurs symptômes, à mieux gérer les thérapeutiques, à reprendre l’activité physique… tout ce processus de soin de soi est essentiel à l’appropriation de la maladie.

La réhabilitation respiratoire fait aussi beaucoup pour l’appropriation de la maladie. En limitant le déconditionnement à l’activité physique, elle permet de reprendre confiance en son corps, en soi, à construire une image plus positive de soi-même. Un effet motivationnel qui peut être insufflé ou renforcé par le psychologue. D’ailleurs, à l’instar de la réhabilitation respiratoire, l’aide psychologique est trop souvent prescrite ou recommandée dans les cas les plus sévères alors qu’elle serait très bénéfique si elle était proposée bien en amont. Favoriser l’appropriation de la maladie et du soi « malade », c’est mettre toutes les chances du côté du patient, à la fois vis-à-vis de sa qualité de vie physique et psychique mais aussi de son espérance de vie ».

Propos recueillis par Hélène Joubert, journaliste

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