Les actus

« Il n’est jamais trop tard pour instaurer une routine de santé. »

Propos du Pr François Carré, cardiologue, spécialiste de l’activité physique adaptée (service de médecine du sport au CHU de Rennes)

Le danger, au-delà du manque d’activité physique, c’est la sédentarité ?

Bouger ne suffit pas, il est impératif de passer moins de temps assis ! Au-delà du domaine des pathologies chroniques et du remboursement de l’activité physique adaptée (APA), il est urgent de remettre les Français à l’activité physique, alors que l’obésité et le surpoids continuent de progresser. Selon les dernières données de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (ONAPS), 47 % des femmes et 29 % des hommes demeurent physiquement inactifs. Cela vaut pour la population générale ainsi que pour les personnes souffrant de maladies chroniques. L’industrialisation, l’usage croissant d’Internet et des réseaux sociaux, la multiplication des modes de transports sans effort tels que la trottinette électrique, la conception de tondeuses ou d’aspirateurs autonomes, le travail devant l’écran, le développement du télétravail, etc., ont conduit à une perte du goût pour l’effort physique, comme le fait de monter les escaliers ou de simplement marcher. Je constate cela même chez les enfants. Il est primordial d’inculquer tôt à un enfant le goût de l’effort pour qu’il en prenne l’habitude. En effet, un enfant qui ne bouge pas sera un adulte qui ne bougera pas. Un tsunami de personnes atteintes de maladies chroniques se profile, non pas à 50-60 ans, mais dès la trentaine. Cependant, il n’est jamais trop tard pour instaurer une routine de santé, même à 70 ans, y compris en cas de limitations physiques, qui peuvent être prises en compte dans un programme d’activité physique adaptée, d’abord encadré par un spécialiste du sport santé, puis en autonomie.

Le manque de financement de l’activité physique adaptée est-il un frein à la pratique ?

C’est vrai, le manque de financement est un frein majeur, mais pas essentiel d’après notre expérience*. Dans notre service de médecine du sport au CHU de Rennes, nous avons mis en place des séances d’activité physique adaptée pour les patients atteints de maladies chroniques. En 4 semaines, nous prenons en charge 8 séances d’APA, soit 2 séances par semaine. Au terme de celles-ci, environ 50 à 60 % des patients se disent prêts à payer pour continuer ces séances et améliorer leur santé. Cette approche a montré des résultats positifs, transformant réellement la vie de certains patients en seulement 8 séances. Il est essentiel d’étendre cette prescription d’activité physique adaptée, et idéalement, d’offrir un minimum de 12 séances pour maximiser les bénéfices. Dans la région Grand Est, l’activité physique peut être prise en charge sous certaines conditions dans le cadre du dispositif « Sport santé sur ordonnance », initialement réservé aux adultes souffrant de maladies chroniques. Parti de la ville de Strasbourg en 2012, il a depuis été étendu à la Région. Des Maisons Sport-Santé et d’autres initiatives existent, en partenariat avec les collectivités territoriales, l’ARS, etc. Mais il faut absolument que les médecins prescrivent plus l’activité physique, même si elle n’est actuellement pas financée. Dans les nouvelles formations médicales, les étudiants reçoivent encore une trop brève formation sur la manière de la prescrire.

Quels peuvent être les leviers motivationnels pour pérenniser l’activité physique adaptée ?

Les leviers pour qu’une personne pratique de l’activité physique sur la durée jouent pour une part sur le rationnel, par exemple en expliquant en quoi une activité physique bien adaptée produira un effet bénéfique sur la santé, limitera la sévérité d’un infarctus du myocarde, stabilisera ou améliorera une limitation respiratoire, etc. Mais il faut aussi jouer sur des habitudes simples et réalistes ; ainsi il m’est arrivé deux fois dans ma carrière de prescrire un chien à un patient pour inciter aux promenades. Enfin, miser sur le plaisir est indispensable, comme faire renaître l’envie de pratiquer certains sports appréciés plus jeune, mais bien entendu adaptés à la condition physique actuelle, comme le football en marchant, le rugby ou le tennis « santé » en limitant la surface du terrain, etc.

Que faire lorsque le manque d’activité physique quotidien relève d’un emploi du temps surchargé ?

Cet argument du manque de temps revient le plus souvent. Des études ont donc évalué de possibles solutions. Ainsi, il a été montré récemment que pour récolter les bénéfices santé de l’activité physique, répéter plusieurs fois au cours de la journée des sessions intenses de 2-3 minutes (monter un escalier à toute vitesse) pour un total de 8-12 minutes par jour compensait les 30 minutes d’activité physique conseillées, mais souvent non réalisées. Bien entendu, tous les individus n’en sont pas capables. La prochaine étape sera de « bouger en étant sédentaire », par exemple avec un pédalier sous son bureau pour pédaler 2-3 minutes toutes les 30 minutes, afin de remettre en route la pompe cardiaque pour mieux perfuser tous les organes qui souffrent lors des périodes assises prolongées (soit plus de 90-120 minutes).

* Une expérimentation article 51 « Inspir’Action » pour valider le financement « au forfait » de l’APA.

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