De violents orages ont éclaté un peu partout ces derniers jours dans l’Hexagone. Plusieurs pics d’admission aux urgences ont ainsi été constatés pour des crises d’asthme sévères. Ce phénomène d’«asthme d’orage» est bien connu et peut être prévenu par un plan d’action chez les personnes asthmatiques.
Un alignement des planètes
Quoi qu’exceptionnel, l’asthme d’orage est bien documenté et son mécanisme connu : du fait d’orages violents et particulièrement chargés en électricité, les grains de pollens gorgés d’eau éclatent en de multiples particules de très petite taille (“submicroniques”) et particulièrement allergisantes. Ces pollens ainsi fragmentés franchissent alors sans encombre le filtre que constitue le nez et pénètrent encore plus profondément dans l’arbre bronchique. On l’aura compris : pour que le risque de violentes crises d’asthme soit majoré, plusieurs conditions doivent donc être réunies : une saison pollinique qui bat son plein, ce qui est le cas ces derniers jours avec un niveau record de pollens de graminées combiné à la floraison des pollens d’herbacés (données issues du Réseau national de surveillance aérobiologique), et un phénomène orageux très violent, ce qui est le cas au printemps et en début d’été.
Quand la pollution s’en mêle
De manière systématique, lors de ces phénomènes orageux estivaux, une augmentation du nombre de passages aux urgences est constatée, pour des crises d’asthme chez les personnes allergiques aux pollens et asthmatiques, pour bronchospasmes (contraction brusque et intense des muscles des bronches entraînant une asphyxie par réduction de leur calibre) et augmentation de la sévérité des symptômes de la maladie respiratoire. De plus, la pollution aggrave le tableau. En effet, la pollution environnementale, atmosphérique mais aussi celle à l’intérieur des logements, accroît ce risque de crises d’asthme d’orage ; la double toxicité – chimique due aux particules fines notamment, et mécanique due à la fragmentation des particules de pollens – favorisant la pénétration de ces minuscules allergènes très loin dans le système respiratoire.
Les crises d’asthme aux urgences, la partie émergée de l’iceberg
« Ces crises d’asthme reçues aux urgences ne sont pourtant que la partie émergée de l’iceberg, note le Dr Mathieu Larrousse, pneumologue (Toulon) et secrétaire général de la FMC (formation médicale continue) de la Société de pneumologie de langue française (SPLF), car sans pour autant se rendre dans les services d’urgence, une partie des personnes asthmatiques constateront à cette occasion une majoration de leurs symptômes et consommeront plus de bronchodilatateurs de secours et d’antihistaminiques. Par chance, toutes les crises ne sont pas sévères. Néanmoins, lors de ces périodes, la consommation médicale augmente (consultations, traitements de secours anti-allergiques) témoignant de l’impact potentiel sur toutes les personnes asthmatiques de la dégradation environnementale dans ces conditions spécifiques. La plupart du temps, ces crises d’asthme d’orage sont assez violentes et répondent assez mal aux bronchodilatateurs de courte durée d’action. Si la consommation atteint 8 bouffées dans l’heure, il ne faut pas hésiter à appeler les services d’urgence. »
Prévoir un plan d’action avec son pneumologue/allergologue
Afin de prévenir toute crise d’asthme d’orage et, de manière générale, tout au long de l’année, les personnes asthmatiques allergiques devraient connaître leurs facteurs déclenchants (carte allergique*, périodes à risque vis-à-vis des allergies…) et les indications à majorer leurs traitements. « Tout patient asthmatique allergique devrait connaître son plan d’action personnalisé à appliquer en cas de risque accru de crise d’asthme, précise Mathieu Larrousse. Cela pourrait probablement éviter une majorité des recours aux services d’urgence pour crises d’asthme en général, et d’orage en particulier. »
En anticipation de ces phénomènes allergiques, le pneumologue conseille une majoration du traitement de fond en période « à risque », ainsi que la détermination d’un seuil d’alerte individualisé à partir duquel la personne souffrant d’asthme pourra doubler voire tripler les doses du traitement de secours et devra consulter. Et lorsqu’une violente crise d’asthme survient malgré tout, il recommande au médecin qui suit le patient de donner des bronchodilatateurs de courte durée d’action à forte dose (quitte à les délivrer à haute dose en chambre d’inhalation), d’augmenter sur plusieurs semaines le traitement de fond inhalé de manière à récupérer le contrôle sur l’inflammation des bronches et, selon les critères de sévérité définis par le médecin, de recourir à cure courte et exceptionnelle de corticoïdes.
Quant aux violentes crises d’asthme d’orage survenant chez des personnes non officiellement asthmatiques, le pneumologue reste sceptique : « pour une grande part d’entre elles, il s’agit très probablement d’asthmatiques qui s’ignorent, chez qui la recherche du diagnostic n’est pas allée plus loin qu’une allergie aux pollens, par exemple. Il faut saisir l’occasion de cette crise pour mener un bilan respiratoire et, le cas échéant, mettre au point un plan d’action pour éviter de se retrouver dans le même cas de figure ! »
Dr Frédéric le Guillou, président de Santé respiratoire France « En cas d’orage, les conditions météorologiques changent, avec une augmentation de la concentration des pollens dans l’air et beaucoup de vent. Les éclairs ont tendance à fragmenter les pollens et à libérer davantage d’allergènes. Par conséquent, une personne asthmatique peut aggraver son asthme, surtout s’il n’est pas contrôlé ou si c’est un asthme allergique. Quant aux personnes avec des maladies respiratoires comme une BPCO, leurs symptômes peuvent s’aggraver. » |
Par Hélène Joubert, journaliste.