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Emphysème pulmonaire. Arrivée imminente des traitements endoscopiques innovants. Que peut-on en attendre ?

Deux techniques de traitement endoscopique de l’emphysème – les valves et les spirales endobronchiques- pourraient arriver prochainement en France en soins courants. Alors que les premières modifient localement le flux ventilatoire, les secondes remanient la conformation du poumon. Ces alternatives mini-invasives à la chirurgie de réduction du volume pulmonaire seront réservées aux personnes BPCO souffrant d’un emphysème sévère. Technique plus avancée, les valves endobronchiques sont même attendues pour 2019. Le détail de ces technologies, par l’un des chercheurs ayant contribué à leur développement, le Pr Gaëtan Deslée, chef du service de pneumologie au CHU de Reims.*

 

Pr Gaëtan Deslée, chef du service de pneumologie au CHU de Reims

Quel est le profil des personnes BPCO emphysémateuses ?

Pr G.D : L’emphysème pulmonaire est une dilatation des espaces aériens au-delà des petites bronches (appelées bronchioles terminales), secondaire à une destruction progressive et insidieuse du tissu pulmonaire et en particulier alvéolaire. Le parenchyme pulmonaire, c’est-à-dire l’architecture fine des alvéoles, est partiellement détruit et remplacé par des espaces vides. Plus de la moitié des patients BPCO a un emphysème associé. Le symptôme principal est l’essoufflement (dyspnée), présent au début seulement à l’effort puis, lorsque l’emphysème s’aggrave, pour des efforts minimes et même au repos. Le principal facteur de risque est le tabagisme. Certaines expositions professionnelles peuvent également être impliquées, ainsi qu’une maladie génétique, le déficit en alpha-1 antitrypsine. Certaines formes d’emphysème peuvent survenir précocement après une dizaine d’années ou moins de tabagisme. Parfois, le stade d’emphysème sévère est atteint après plusieurs décennies. Le retentissement de l’emphysème sur les capacités respiratoires est évalué par la mesure du souffle, qui permet de constater la sévérité de l’obstruction bronchique et de la distension thoracique, notamment via les mesures du VEMS (volume expiré maximal à la première seconde) et du volume résiduel (quantité d’air restant au niveau des poumons en fin d’expiration maximale). Les mesures du taux d’oxygène sanguin au repos et à l’effort permettent d’apprécier le degré d’insuffisance respiratoire. Sur le plan morphologique, l’imagerie thoracique, en particulier le scanner thoracique, précise la sévérité et la topographie de l’emphysème.

 

Quelles sont les conséquences de l’emphysème ?

Primo, la destruction du tissu alvéolaire engendre une diminution des capacités à capter l’oxygène, c’est-à-dire que l’oxygène passe difficilement des alvéoles pulmonaires aux capillaires sanguins. Segundo, la destruction des alvéoles est à l’origine d’une hyper-inflation car trop d’air est piégé dans les poumons en fin d’expiration. La quantité de ces gaz résiduels peut être alors multipliée par deux voire trois ou quatre. Cette sur-pression intrapulmonaire constante du fait de ce gaz piégé conduit à une « distension thoracique » d’où une altération des capacités à ventiler, c’est-à-dire à inspirer et à expirer. La perte d’élasticité du poumon à cause de la destruction pulmonaire engendre de plus une difficulté majeure à expirer. Tercio, le phénomène de distension thoracique créé une pression sur le diaphragme. Aplati, celui-ci ne joue pas pleinement son rôle lors de l’inspiration, compromettant la mécanique ventilatoire.

 

Quel est l’objectif du traitement de l’emphysème ?

En cas d’emphysème, le traitement de base reste identique à celui de la BPCO, à savoir le sevrage tabagique, les vaccinations antigrippale et antipneumococcique, les traitements bronchodilatateurs (beta2agonistes et/ou anticholinergiques), la réhabilitation respiratoire, éventuellement l’oxygénothérapie en cas d’insuffisance respiratoire grave et la ventilation non invasive dans les cas très sévères.

Les traitements interventionnels chirurgicaux – transplantation pulmonaire et chirurgie de réduction du volume pulmonaire- restent une option d’exception réservée à des formes très sévères et symptomatiques non soulagées par le traitement standard sus-cité.

La transplantation pulmonaire s’adresse à des patients jeunes (en général âgés de moins de 65 ans) et sans autre pathologie extra-respiratoire, avec une limitation liée au nombre de greffons disponibles. Quant à la chirurgie de réduction de volume sur les zones d’emphysème, elle est actuellement peu pratiquée en France en raison de complications potentielles et de suites opératoires pouvant entraîner une longue durée d’hospitalisation. D’où l’idée de développer des techniques opératoires mini-invasives, par endoscopie, c’est à dire en empruntant les voies naturelles, de la bouche aux bronches en passant par la trachée.

 

En quoi consistent ces techniques endoscopiques innovantes ?

Au moyen d’un bronchoscope, le pneumologue interventionnel positionne au niveau des voies aériennes des dispositifs capables de réduire le volume de l’emphysème. Les deux principales techniques sont les valves et les spirales endobronchiques.

La seconde solution est celle des spirales endobronchiques. Ce sont des dispositifs implantables métalliques d’un alliage de nickel et de titane (nitinol) à mémoire de forme. Ces spirales réalisent une compression loco-régionale du tissu pulmonaire, de façon irréversible, redonnant de l’élasticité au poumon et réduisant la distension pulmonaire. En plus de réduire le volume pulmonaire, elles augmentent mécaniquement le retour élastique dans le poumon atteint. Jusqu’à douze spirales sont posées dans un lobe pulmonaire cible, en 30 à 45 minutes. Là, pas de contre-indication en cas de ventilation collatérale mais cette technique ne peut pas être réalisée en cas de destruction trop importante du tissu pulmonaire. Une hospitalisation de 24h post-opératoire est nécessaire. Les complications principales sont à type de pneumonie, pneumothorax et plus rarement d’hémorragie.

Le principe des valves endobronchiques est de placer à l’intérieur des bronches d’un lobe pulmonaire plusieurs valves unidirectionnelles qui se ferment lors de l’inspiration et s’ouvrent lors de l’expiration ; l’objectif étant de réduire le volume du lobe afin d’obtenir une rétractation du lobe traité. Cette technique réversible a démontré son efficacité chez des patients emphysémateux très sélectionnés notamment sur les caractéristiques morphologiques et fonctionnelles du lobe pulmonaire cible, et notamment sur l’absence de communication entre les lobes (ventilation collatérale).

Les résultats récents dans le cadre d’une sélection très rigoureuse ont démontré une efficacité significative, notamment sur les capacités à l’effort, sur la diminution de la distension thoracique et sur l’amélioration de la qualité de vie. Le patient doit être rigoureusement surveillé après le geste afin de repérer l’apparition d’un pneumothorax (introduction d’air ou de gaz dans la cavité pleurale). Les principales autres complications sont les infections dans le territoire pulmonaire valvé et les migrations des valves, qui peuvent nécessiter une réintervention pour repositionnement ou ablation.

 

Valves et spirales se concurrencent-elles ?

Non. L’élément le plus important est celui d’une évaluation très rigoureuse des caractéristiques de l’emphysème sur le plan morphologique et fonctionnel respiratoire. Avant d’envisager ce type de traitements interventionnel, il faut vérifier que le traitement sur le plan respiratoire est optimal, incluant notamment la réhabilitation respiratoire. Enfin, il est primordial de s’assurer du diagnostic précis et de la prise en charge adaptée d’autres pathologies non respiratoires appelées comorbidités par exemple cardio-vasculaires, qui peuvent compromettre non seulement la sécurité de la réalisation de ces traitements qui nécessitent une anesthésie générale mais également l’efficacité.

 

Les valves endobronchiques, attendues pour 2019 !

Valves Zéphyr, laboratoire Pulmonix

Parmi l’ensemble des dispositifs endobronchiques de réduction de l’emphysème, les valves endobronchiques sont la technique la plus aboutie. 2018 a été l’année où tout s’est joué et elles devraient être prochainement proposées en France. En effet, le dossier est à l’étude par la Haute Autorité en Santé et le dispositif a d’ores et déjà été approuvé par les autorités sanitaires américaines (FDA) et anglaises (NICE). Ce feu vert a été déclenché suite à la publication en 2018 de l’une des études pivot (LIBERATE)* concluant une série de quatre essais publiés entre 2015 et 2018 de haut niveau scientifique (études dites “multicentriques randomisées et contrôlées”) conduites avec les valves Zephyr ®, seul dispositif du genre existant et dont l’évaluation soit aussi avancée. LIBERATE a montré, de façon jugée incontestable par les experts indépendants, une amélioration considérable sur la fonction pulmonaire, la tolérance à l’activité physique, la dyspnée et la qualité de vie. Ceci avec un recul d’au moins 12 mois.

Dans le détail, un an après la pose de ces valves, 47,7% des patients présentaient une augmentation du VEMS (Volume expiratoire maximal par seconde) au moins supérieur à 15 %, contre 16% des malades dans le groupe témoin. A savoir, l’objectif d’une amélioration de 15% ou plus du VEMS est un objectif ambitieux Un succès clinique, estimé au moyen du minimal clinically important difference (MCID), se situe selon les références entre 6% et 12% d’amélioration du VEMS. Un traitement médical optimal permet en moyenne 5% d’amélioration du VEMS. Par ailleurs, les valves endobronchiques ont amélioré le test de la distance de marche de 6 minutes et le questionnaire respiratoire de St. George.

Comme attendu, ces résultats ont été constatés chez les personnes atteintes d’emphysème sévère ou très sévère (selon la classification GOLD stade 3 ou 4) présentent des complications importantes hétérogènes et une ventilation collatérale faible ou inexistante au niveau du lobe ciblé.

Afin de sélectionner en amont de l’intervention et de la façon la plus juste possible les patients qui tireront un réel bénéfice de la pose de ces valves, les experts ont développé des outils physiologiques et radiologiques (appelée StratX et Chartis) de sélection des candidats. Ces outils permettent une identification optimale des patients répondeurs à la technologie, évitant par ailleurs des traitement inefficaces et onéreux chez des patients non-éligibles.

Quant au profil de sécurité de ce dispositif, il a été jugé acceptable malgré un risque plus important de pneumothorax justifiant une surveillance méticuleuse post-opératoire.  Enfin, il semblerait dans les études plus anciennes que les personnes ayant eu les valves et qui ont bien répondu au traitement, ont, au-delà de l’amélioration de leur qualité de vie, une augmentation de leur espérance de vie.

Les quatre études avec les valves endobronchiques Zephyr ® qui ont inclus un millier de patients ont été reprises par des groupements scientifiques publiant des recommandations à un niveau national ou international, dont deux recommandations de pratique clinique (GOLD 2017**, et Herth et al. 2016***), trois évaluations positives de technologie de santé (NICE 2017-Grande-Bretagne, HAS 2018-France, FDA 2018-USA) et une synthèse des études publiés réalisée par le groupe Cochrane (van Agteren et al. 2017)****.

Aujourd’hui, le National Insitute of Health (NICE) anglais recommande les valves Zephyr ® comme étant une thérapie standard à envisager en pratique clinique chez les patients souffrant d’un emphysème sévère. Une thérapeutique reconnue, recommandée et remboursée dans la majorité des pays européens et en Grande Bretagne. En France, la prise en charge par l’Assurance maladie devrait suivre sous peu, courant 2019. 1000 à 1500 patients français pourraient alors en bénéficier et retrouver grâce à ce dispositif de valves endobronchiques une qualité de vie.

* Gerard J. Criner, Richard Sue, Shawn Wright et al. A Multicenter Randomized Controlled Trial of Zephyr Endobronchial Valve Treatment in Heterogeneous Emphysema (LIBERATE)

** GOLD 2017 : https://goldcopd.org/wp-content/uploads/2016/04/wms-GOLD-2017-Pocket-Guide-Final-French.pdf

*** Herth FJ1, Slebos DJRabe KF et al. Endoscopic Lung Volume Reduction: An Expert Panel Recommendation. Respiration. 2016;91(3):241-50.

**** Van Agteren et al. Bronchoscopic lung volume reduction procedures for moderate to severe chronic obstructive pulmonary disease. 23 February 2017.

 

Propos recueillis par Hélène Joubert, journaliste.

 

Conflits d’intérêts : Le Pr Gaëtan Deslée déclare avoir été investigateur dans le cadre d’études ayant évalué les valves et les spirales endobronchiques, avoir participé à des actions de présentations en congrès, formations et publications sur ces thématiques.

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