La prise en charge de la dyspnée – difficulté à inspirer et/ou à expirer – chez les personnes BPCO n’est pas optimale en France. Une étude présentée au dernier Congrès de Pneumologie de Langue Française (26-28 janvier 2018, Lyon) le confirme. Promouvoir la réhabilitation respiratoire, les traitements pharmacologiques symptomatiques et la prise en charge des maladies associées fréquemment à la BPCO (comorbidités) tels les syndromes anxiodépressifs, sont trois enjeux actuels dans la BPCO.
La dyspnée est un symptôme majeur de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), et même un facteur pronostique essentiel de la maladie, c’est à dire qui conditionne son évolution. Elle est définie comme une expérience subjective d’inconfort respiratoire, constituée de sensations qualitativement distinctes et d’intensité variable. Source de souffrance, physique comme psychologique, elle doit être soulagée, indépendamment de sa cause, à titre de symptôme.
Une étude descriptive (1) conduite à partir de la cohorte appelée iBPCO en région Lorraine (regroupant les départements de pneumologie de différents hôpitaux universitaires dont le CHU de Nancy), a observé le niveau de prise en charge de la dyspnée en « vraie vie » c’est-à-dire au quotidien, en dehors des essais cliniques. Dans le détail, 123 premiers patients BPCO éligibles au CHU de Nancy (01/05/15-25/02/16) ont été inclus dans l’étude. Les chercheurs ont constaté que 53 % avaient une dyspnée sévère, dont 64 % d’entre eux une dyspnée réfractaire. La dyspnée « sévère » est définie par un stade mMRC (échelle modifiée du Médical Research Council) supérieur ou égal à 3. Une dyspnée sévère qui persiste plus de trois mois, malgré un traitement optimal de la maladie BPCO sous-jacente, avec une intensité importante, est considérée « réfractaire ».
Le profil de ces dyspnéiques sévères a été analysé : une majorité d’hommes, 40% de personnes obèses, la moitié ayant des exacerbations fréquentes. Plus l’intensité de la dyspnée était élevée, plus le niveau d’obstruction bronchique l’était aussi. Ces personnes étaient aussi en moyenne plus anxieuses et dépressives que celles sans dyspnée sévère. L’anxiété et la dépression sont des troubles habituels chez les personnes atteintes d’une maladie pulmonaire obstructive chronique, estimées aux alentours de 30% (2). Dans l’étude, un quart des malades dyspnéiques sévères et réfractaires souffrant d’un syndrome anxiodépressif à prédominance d’anxiété ont reçu un traitement anxiolytique et seulement 15 % un traitement antidépresseur lorsque la dépression prédominait.
Trop peu de réhabilitation respiratoire
Toujours dans l’étude, 34 % des patients ont bénéficié d’une réhabilitation respiratoire et 41% des dyspnéiques sévères ou réfractaires. Si ce taux est supérieur à la moyenne nationale, il reste néanmoins insuffisant. Au regard de ces résultats, globalement, la prise en charge de ces dyspnées sévères est insuffisante. Pour autant, 94 % d’entre eux ont reçu un traitement pharmacologique étiologique par bronchodilatateur considéré optimal selon les recommandations de la Société de Pneumologie de Langue Française.
De plus, en cas de dyspnée réfractaire, un traitement symptomatique par morphiniques à faible dose (mais ici à visée dite « eupnéisante » pour soulager la dyspnée et non à visée antalgique) pourrait être proposé. Plusieurs études retrouvent une efficacité à faible dose (3). L’étude iBPCO constate qu’en réalité, ils sont en général peu prescrits dans cette intention, probablement du fait de l’absence d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) et de recommandations précises mais aussi de la crainte – injustifiée – des effets secondaires notamment respiratoires. Aucun des patients de la cohorte iBPCO n’en recevait. Un essai de phase 3 avec des morphiniques pour soulager la dyspnée est en cours.
Hélène Joubert, journaliste, d’après l’intervention du Dr H Carette, département de pneumologie CHRU Nancy Hôpitaux de Brabois au CPLF (26-28 janvier, Lyon).
Références :
(1) Prise en charge de la dyspnée chez les patients atteints de BPCO, étude en vraie vie en région Lorraine. Revue des Maladies Respiratoires Vol 35, Sup, January 2018, Pages A12-A13
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0761842517303157#!
(2) K Bock et al. Eur Clin Respir J 4 (1), 1332931. 2017 Jun 12
(3) Currow DC et al. J Pain Symptom Manage. 2011 Sep;42(3):388-99