Prévention dès les premières années de vie ou diagnostic précoce chez les jeunes et les femmes … aux Journées Pratiques Respiration Sommeil 2017 (JPRS, 5-8 octobre, Bordeaux), le Pr Chantal Raherison-Semjen du service des maladies respiratoires au CHU de Bordeaux et INSERM U1219 a passé en revue les nouveaux enjeux de la prise en charge de la BPCO.
Parmi les enjeux dans la BPCO figurent ceux de découvrir d’autres prédispositions génétiques que le déficit en alpha-1-antitrypsine mais aussi de mieux promouvoir l’arrêt du tabac. En effet, d’après la cohorte américaine de Framingham, 33% des fumeurs persistants développeront une BPCO et 24% des femmes fumeuses (1). Mais quel est selon vous l’enjeu le plus nouveau dans la BPCO ?
Pr C.R-S : L’idée récemment apparue est de considérer que la BPCO est une maladie qui débute dans les premières années de vie et d’agir en conséquence. Certains auteurs parlent même de traumatisme bronchique in utero du fait d’un tabagisme passif. Mais déjà, dès la naissance, certains individus souffrent d’un ralentissement de la croissance pulmonaire. Parmi eux, certains accuseront un déclin accéléré de la fonction ventilatoire, d’autres une dégradation plus progressive (2). C’est parmi ces deux profils que l’on retrouvera plus tard des BPCO si, en plus, ils sont exposés à un tabagisme actif ou à des aéro-contaminants sur le plan professionnel. D’où une prévention primaire vis-à-vis de l’environnement chez ces personnes depuis les premières années de vie voire in-utero.
Par ailleurs, le consortium européen de recherche « European care of chronic obstructive pulmonary disease » (3) incluant dix mille personnes suivies pendant 20 ans a mis en lumière que les facteurs de la petite enfance pèsent aussi lourd que le tabagisme actif dans la survenue de la BPCO à l’âge adulte. Parmi eux, des antécédents personnels d’asthme, une atopie familiale, une infection respiratoire basse sévère contractée avant l’âge de 5 ans et l’exposition au tabagisme passif.
Les femmes et les jeunes sont de plus en plus touchés par la BPCO. Peut-on affirmer qu’ils constituent l’enjeu actuel en matière de dépistage et de diagnostic précoces ?
On sait maintenant depuis 2013, année de la publication d’une étude américaine regroupant près de 500 000 personnes (4), que la prévalence de la BPCO continue de progresser, avec une modification épidémiologique substantielle puisque les femmes sont de plus en plus concernées et les malades de plus en plus jeunes. Une notion à conserver en mémoire, d’autant que cette étude a aussi entériné le bénéfice à l’arrêt du tabac surtout si la décision est prise avant l’âge de 40 ans. Le risque de décéder d’une BPCO rejoint alors celui d’un non-fumeur.
En Europe, l’évolution de la mortalité liée à la BPCO entre 1994 et 2010 met en évidence une diminution de celle-ci chez les hommes, clairement liée à modification de leurs habitudes tabagiques (5). En revanche, la stabilité de cette mortalité liée à la BPCO chez les femmes est plutôt inquiétante ; elle masque une grande hétérogénéité en fonction des pays concernant la prévalence du tabagisme où elle dépasse parfois celle des hommes.
L’autre enjeu majeur est la réduction des exacerbations. Pour quelles raisons ?
Chez certaines personnes BPCO, l’enjeu crucial est d’infléchir la fréquence des exacerbations, qui accentuent le déclin de la fonction ventilatoire. En effet, parmi les facteurs incriminés dans ces exacerbations il y a, à côté des facteurs infectieux, la pollution atmosphérique. Etre exposé à des pics de pollution accroît le risque d’exacerbations (6).
De plus, les patients ayant un phénotype d’exacerbations sévères et répétées nous inquiètent particulièrement. Une étude a montré que l’intervalle entre chaque exacerbation se raccourcissait à chaque nouvelle exacerbation, pouvant conduire dans un certain nombre de cas au décès (7).
Enfin, les femmes sont encore plus concernées par ce danger que constituent les exacerbations : l’augmentation des hospitalisations pour exacerbation est encore plus marquée chez elles : +5,4% par an chez les femmes âgées de 25 ans ou plus contre +2,4%/an chez les hommes entre 1998 et 2012 en France (8).
L’expression de « décroissance thérapeutique » revient aussi de plus en plus fréquemment. Que signifie-t-elle ?
La nouveauté des recommandations thérapeutiques en vigueur en France, édictées en 2016 par la Société de Pneumologie de Langue Française, en dehors d’être fondées uniquement sur la symptomatologie et non plus selon une catégorisation en fonction du niveau de VEMS, est d’alléger le traitement au maximum en réévaluant régulièrement les symptômes.
Les prescriptions reposent désormais sur les symptômes : un patient peu symptomatique recevra exclusivement des broncho-dilatateurs de courte durée d’action à la demande. Une dyspnée ou difficulté respiratoire permanente, avec ou sans exacerbation, indique un traitement de fond avec un bronchodilatateur de longue durée d’action (bêta-2-mimétiques ou anticholinergiques). Si la dyspnée persiste, l’ajout d’un second bronchodilatateur sera indispensable. Des exacerbations fréquentes nécessitent, au choix, l’association de plusieurs bronchodilatateurs ou la combinaison fixe de corticoïdes inhalés et de bêta-2-mimétiques, voire une trithérapie (corticostéroïdes et deux bronchodilatateurs de longue durée d’action). A noter, la double bronchodilatation a démontré sa supériorité sur l’association fixe dans l’étude FLAME en 2016 (9).
Finalement, le plus délicat dans la prise en charge n’est-il pas le volet non médicamenteux ?
Je le crois, la prise en charge étant une approche composite avec, en premier lieu, le sevrage tabagique. La tâche n’est pas si simple : 10 à 30% des patients PBCO pourtant inclus dans la cohorte de recherche française Palomb conservent un tabagisme persistant ! Pourtant, la prise en charge multidisciplinaire associant une consultation de tabacologie et le traitement de substitution nicotinique permet 35% d’arrêt à un an.
La prévention passe aussi par la vaccination. Prévention des exacerbations avec la vaccination antigrippale annuelle, laquelle réduit la fréquence des infections virales à l’origine des surinfections bronchiques, et la vaccination antipneumococcique vis-à-vis de la prévention des pneumonies à pneumocoques, des hospitalisations pour pneumopathie et de la mortalité chez les plus de 65 ans.
Quant à la réhabilitation respiratoire, en dépit d’avoir prouvé son intérêt primordial, sa place reste insuffisante et trop souvent restreinte aux patients les plus sévères. L’enjeu des années à venir est d’en développer l’accès à un maximum de patients, à tous les stades de la maladie.
Propos recueillis par Hélène Joubert, journaliste.
(1) Kohansal, AJMCCR 2009 ; (2) N Eng J MED 2016; 374: 1843-52; (3) Thorax 2010; (4) N Eng J MED 2013 ; 24, 368 (4) : 351-64 ; (5) Lancet Respir Med 2014 ; 2 : 54-62 ; (6) Wedzicha Lancet 2007 ; (7) Suissa Thorax 2012 ; (8) invs-sante.fr ; (9) N Engl J MED 2016 ; 374 : 2222-34