Madame N, 45 ans
À la suite de notre appel à témoignages concernant l’allègement des mesures de protection contre la Covid-19, nous avons choisi d’en publier quelques-uns in extenso. Voici celui de Madame N, personne souffrant d’une insuffisance respiratoire chronique et qui vit en “mode confiné” depuis le début de la pandémie, redoutant l’allègement du port du masque et la suspension du passe vaccinal ce 14 mars 2022.
« J’ai 45 ans et, depuis mon adolescence, je vis avec une insuffisance respiratoire restrictive sévère. Pour moi, la Covid-19 constitue une menace sur le plan vital. Je vis donc en “mode confiné” depuis le début de la pandémie. D’autant plus que je n’arrive pas à supporter le port d’un masque. Depuis début 2020, mes contacts “en chair et en os” se limitent à ma mère, avec laquelle je vis, ainsi que mon kinésithérapeute et mon médecin, qui me rendent visite dûment masqués. Ce n’est qu’exceptionnellement que j’ai rencontré d’autres personnes, y compris mon petit ami. À la joie des retrouvailles s’est chaque fois mêlée la peur au ventre…
Et pour cause : j’ai constaté, avec surprise, que beaucoup de personnes, bien que me sachant fragile, ne réalisent pas vraiment le danger et la nécessité d’adopter un comportement réellement protecteur. Même si j’avais exprimé mes craintes, je me suis retrouvée confrontée à des failles vis-à-vis de la protection face au virus : masque non porté, mis sous le nez ou sous le menton, absence de lavage des mains après mouchage, mains qui touchent les narines puis saisissent des objets ou surfaces communes… Ces personnes n’ont-elles pas compris les voies de transmission de ce virus et les gestes appropriés pour l’éviter ?
Je me suis par ailleurs plusieurs fois sentie culpabilisée par des paroles minimisant la légitimité de mes peurs ou sous-entendant que je m’empêche – et les empêche de vivre – pleinement. C’est peut-être vrai. Quoi qu’il en soit, c’est une réelle souffrance que d’être tiraillée entre instinct de survie et envie d’ouverture !
Je sais que c’est plus par inconscience que par malveillance que ces personnes ont agi ou parlé. Elles n’ont jamais vécu dans leur être la difficulté à respirer au quotidien et le traumatisme d’une réelle détresse respiratoire. Quant à moi, je ne pourrai jamais me libérer de la peur si celle-ci n’est pas reconnue, accueillie et si mon besoin de conditions sécurisantes n’est pas respecté.
Je l’avoue honnêtement, j’ai presque ressenti chaque période de confinement généralisé comme un temps heureux ! Tout le monde était alors confronté à une même situation de restriction (avec, certes, des disparités de conditions). De belles initiatives ont émergé pour rester en contact les uns avec les autres. Je me suis sentie bien plus à égalité et plus intégrée. Revers de la médaille, chaque étape de déconfinement fut difficile à vivre. Difficile d’accepter que les autres renouent avec une vie sociale, se rencontrent, participent à des fêtes… Et moi non.
Alors je le reconnais, l’allègement des mesures sanitaires en ce 14 mars ne me réjouit guère. Au vu des taux d’incidence du virus, je trouve cette décision tout à fait prématurée et incohérente. Je ressens beaucoup d’inquiétude et un sentiment d’abandon. La frustration de ne pouvoir accéder à des lieux de vie sociale va perdurer. Mais il y a pire : ma santé et ma vie vont être mises en danger de façon accrue. Ma mère devra inévitablement se rendre dans des lieux à nouveau fréquentés par des personnes sans masque, ne serait-ce que pour notre alimentation. Or, si elle se trouve contaminée, je le serai aussi !
Je relève ici que, si la pandémie et sa gestion touchent fortement les personnes affaiblies par une maladie ou par l’âge, elles impactent également leurs proches. Cela fait beaucoup de personnes concernées !
Je comprends l’envie de s’affranchir des masques et de toutes ces mesures pénibles. Comme je l’aimerais, moi aussi ! Alors, faut-il continuer de restreindre toute la société pour préserver les plus fragiles ? Le sujet est complexe. De mon point de vue, les plus fragiles ont autant le droit de vivre que les plus résistants. Sinon, cela signifie que nous acceptons “la loi du plus fort” comme modèle de société.
Je souhaite que les personnes dont la santé est vulnérable soient entendues, prises en compte. Que des solutions soient trouvées pour répondre aux besoins de tous. Que nous fassions société ensemble dans le respect des uns et des autres. Pour cela, il est nécessaire que ceux qui se sentent “invulnérables” réalisent ce que nous expérimentons en étant malades. Notre survie repose sur le comportement de tous.
Il est indéniable que le risque et la mort sont inhérents à toute vie humaine. Cependant, je ne peux accepter d’endurer la souffrance et la mort en raison des agissements des autres. J’ai encore envie de vivre, de chanter, d’aimer ! »
Merci, Madame, pour votre témoignage.
Santé respiratoire France.