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Tabac et santé cardiovasculaire, les jeunes ne sont pas à l’abri

Tabac et santé cardiovasculaire, les jeunes ne sont pas à l’abri

Entretien avec le Pr Daniel Thomas, cardiologue, ancien chef de service de cardiologie à l’Institut de cardiologie (GH Pitié-Salpêtrière, Paris), vice-président du Comité national contre le tabagisme.

Pr Daniel Thomas
Pr Daniel Thomas

« L’impact cardiovasculaire du tabac est très précoce : les lésions des artères coronaires n’ont pas besoin d’être sévères pour qu’une complication thrombotique survienne. »

 

SRF : Comment peut-on apprécier les dégâts infligés par le tabac au système cardiovasculaire ?

Pr D. Thomas : « 21 % des séjours hospitaliers pour une pathologie cardiovasculaire sont liés au tabagisme, et ceci est principalement retrouvé parmi les tranches d’âge relativement jeunes, entre 35-50 ans. Le tabac ne tue pas et ne rend pas malade uniquement les plus anciens fumeurs, passé 60 ans. On constate malheureusement l’absence de prise de conscience que le tabac peut frapper tôt dans la vie. Contrairement au cancer du poumon ou à la BPCO qui ont plutôt tendance à survenir dans la durée, l’impact cardiovasculaire du tabac apparaît très tôt. Ainsi, entre 15 et 35 ans, la part des pathologies cardiovasculaires attribuable au tabac est supérieure à celle qui est observée chez les 65-80 ans. Nous savons depuis longtemps que les infarctus du myocarde chez les sujets de moins de 50 ans sont en grande majorité dus au tabac.

Comment cela se traduit-il ?

Si l’impact du tabac peut survenir tôt, il se manifeste également de façon brutale. En effet, le tabac n’impacte pas les artères comme les autres facteurs de risque classiques (cholestérol, HTA, diabète). La pathologie vasculaire due au tabac est une pathologie thrombotique avec constitution de caillots sanguins qui bouchent les artères) plutôt qu’athéroscléreuse (dépôts lipidiques et autres sur la paroi des vaisseaux pour rétrécir leur diamètre intérieur et limiter le flux sanguin), en raison de l’effet de l’exposition au tabac sur l’agrégation plaquettaire, expliquant que cela se traduise souvent de façon inaugurale par un infarctus du myocarde (ou crise cardiaque, qui est la destruction partielle du muscle cardiaque, due à l’obstruction d’une artère qui alimente le cœur en sang, et donc en oxygène) et non pas un angor (angine de poitrine, douleur thoracique qui apparaît généralement pendant un effort ou un stress et survient le plus souvent chez des patients qui présentent une insuffisance coronarienne). Cet effet sur l’agrégation plaquettaire, et donc le risque de thrombose, est un effet de l’exposition aux composants de la fumée du tabac via le stress oxydatif, de même que les deux autres actions déterminantes du tabac dans les accidents aigus précoces (inflammation favorisant la rupture de plaque (dépôt de graisse sur la face interne des vaisseaux) et dysfonction endothéliale (de la paroi des vaisseaux), favorisant le spasme (contraction) artériel. 

En résumé, un fumeur débute généralement dans la maladie (des artères) coronaire(s) par un infarctus du myocarde ?

Contrairement à l’angine de poitrine qui témoigne d’un rétrécissement de la lumière (l’espace à l’intérieur de l’artère) des artères coronaires, le fumeur possède des coronaires initialement presque saines avec quelques plaques d’athérome (dépôt et graisses et autres à l’intérieur des artères) de dimension réduite qui ne se seraient pas manifestées sans tabagisme. Mais en dépit de lésions coronaires peu sévères, le tabac va favoriser une thrombose aiguë (caillot de sang qui occlut partiellement ou complètement l’artère) conduisant à l’infarctus du myocarde. D’où la brutalité et la précocité de l’évènement. 

Le stéréotype de la victime du tabac comme un homme âgé ne tient pas lorsque l’on regarde les données : sur les 250 000 séjours hospitaliers liés à une pathologie cardiovasculaire en lien avec le tabac en France en 2015, plus d’un quart (27%) concerne des femmes, très souvent jeunes de surcroît.

Le sevrage tabagique peut très rapidement apporter une protection efficace et importante, et présente le meilleur rapport coût/efficacité parmi les mesures de prévention cardiovasculaire.

Quelle que soit la pathologie cardiovasculaire liée au tabac, le bénéfice sera d’autant plus important que le sevrage sera intervenu tôt, évitant ainsi les accidents les plus précoces et limitant l’hypothèque résiduelle liée aux lésions artérielles déjà constituées.

Propos recueillis par Hélène Joubert

Les bénéfices du sevrage
Un an après la dernière cigarette, le risque d’infarctus du myocarde diminue de moitié. Le risque d’accident vasculaire cérébral rejoint celui d’un non-fumeur et, au bout de cinq ans, le risque de cancer du poumon diminue presque de moitié.A noter, une seule cigarette quotidienne suffit à augmenter le risque de survenue d’hémorragies méningées, la plus rare mais également la plus mortelle forme d’accident vasculaire cérébral (AVC).

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