Sur le site de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont recensés les candidats vaccins en développement, avec plus d’une quarantaine à ce jour. Une grande majorité est en phase préclinique, c’est-à-dire testés chez l’animal et l’un d’entre eux (ARNm-1273) vient d’amorcer la phase clinique donc testé chez l’homme. Il est développé par la biotech américaine Moderna Therapeutics à Cambridge, dans le Massachusetts (Etats-Unis), en collaboration avec le National Institute of Allergy and Infectious Diseases. Un second vaccin parmi les plus avancés serait celui d’une équipe chinoise *. Il a déjà été étudié sur des singes. Un essai clinique de phase I devrait déjà avoir commencé chez 108 volontaires sains, âgés de 18 à 60 ans. L’objectif est de s’assurer des possibles effets secondaires (sécurité du vaccin) et de déterminer quelle dose induit la plus forte réponse en termes de production d’anticorps.
Quelles sont les pistes suivies par les chercheurs ?
——- Un vaccin utilisant le virus de la rougeole comme vecteur (« transporteur ») est en développement par l’Institut Pasteur, Themis Bioscience et l’Université de Pittsburgh. Le Pr Frédéric Tangy de l’Institut Pasteur coordonne les études, qui sont en cours chez la souris. L’Institut Pasteur développe plusieurs pistes de recherche dont celle, probablement la plus prometteuse, qui repose sur cette technologie du virus vaccinal de la rougeole. On insère, dans le génome d’une souche de virus vaccinal de la rougeole atténuée, des gènes qui codent pour la protéine S du coronavirus, lui permettant ainsi de la présenter à sa surface afin que le virus en entier soit repéré et maîtrisé par le système immunitaire de l’homme.
Cette stratégie est intéressante sur plusieurs plans. D’une part parce que le vaccin de la rougeole est très facile à produire en grande quantité et qu’il a démontré sa grande efficacité et sa sécurité d’emploi. D’autre part, cette technologie vaccinale dite de « vaccin recombinant » a fait ses preuves de sécurité et d’immunogénicité au cours d’essais cliniques conduits chez l’homme dans d’autres circonstances : le vaccin contre le Zika virus, le chikungunya et la fièvre de Lassa. Pour l’instant, aucun vaccin n’a abouti grâce à cette technologie mais les réponses immunitaires conférées par ces candidats vaccins et leur sécurité sont tout à fait intéressantes. Ce vaccin recombinant contre le coronavirus est d’abord testé chez l’animal pour sa capacité à provoquer une réponse immunitaire dirigée contre le virus. Les données recueillies à ce jour sont encourageantes.
Un autre vaccin recombinant basé sur le virus de la grippe est développé par l’Université de Hong Kong. Les chercheurs ont retiré un gène de virulence pour le rendre non virulent et ont ajouté un gène du virus SARS-Cov-2.
———En Europe et dans le reste du monde, d’autres technologies sont exploitées pour concevoir un vaccin. Par exemple, le vaccin développé par Moderna Therapeutics (ARNm-1273), ainsi que deux laboratoires allemands dont l’un est associé à un laboratoire américain, est un vaccin utilisant l’ARN messager. L’information génétique du virus qui sert de « mode d’emploi » à la synthèse de toutes les protéines se présente sous forme d’ARN messager. Ce petit fragment d’ARN messager contient les instructions nécessaires pour synthétiser une partie de la protéine S du SARS-Cov-2. Une fois introduit dans les cellules humaines, ces ARNm permettent de fabriquer la protéine virale qui apparaît alors à la surface du virus. Cet antigène (protéine d’un virus reconnu par le système immunitaire de l’organisme hôte) stimulera la production d’anticorps par l’organisme.
Cette stratégie a été développée récemment dans des essais vaccinaux contre le coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient ou Mers-CoV, ce qui leur a permis de débuter rapidement les essais cliniques.
——–Parmi les autres approches expérimentales on trouve les vaccins à ADN (vaccins synthétiques basés sur l’ADN du gène de la protéine S de surface du coronavirus) et les vaccins exploitant les protéines recombinantes (la protéine est fabriquée par la bactérie E. coli ou une levure), une technologie déjà utilisée dans les vaccins contre l’hépatite B ou le papillomavirus.
Des candidats vaccins utilisent d’autres vecteurs (« transporteurs ») viraux, en particulier sur le modèle des vaccins disponibles contre Ebola : dans le génome d’un virus non pathogène pour l’homme (un adénovirus par exemple) on insère le gène codant pour la protéine S. La boucle d’ADN de l’adénovirus sert de transporteur au gène codant pour la protéine S, mais contient aussi des sous-unités protéiques du SARS-CoV-2 génétiquement modifiées. Injectés au patient, ils stimulent le système immunitaire et lui apprennent à reconnaître le virus. Un vaccin recombinant employant comme vecteur l’adénovirus du chimpanzé Oxford, ChAdOx1, est développé par le Jenner Institute (Université d’Oxford).
——Par ailleurs, d’autres pistes sont explorées dont celles de vaccin à base de protéines recombinantes obtenu par nanotechnologie ou encore la création de « molécules chimériques » (résultant de l’association de plusieurs molécules) capables de ressembler à la structure originale en trois dimensions de l’antigène du virus, ainsi que l’élaboration d’un vaccin vivant atténué. Dans ce dernier cas, il s’agit de fabriquer une copie modifiée du virus, incapable de produire la maladie, mais en mesure d’activer nos défenses immunitaires.
—— En outre, plusieurs pays ont lancé des essais cliniques pour déterminer si la vaccination par le BCG (vaccin actuel contre la tuberculose) pourrait fonctionner, au moins de manière partielle, contre le COVID-19 en stimulant l’immunité innée.
Quoi qu’il en soit, il est à craindre que les gouvernements des pays riches, sans parler des pays défavorisés, déjà confrontés à des dettes colossales, éprouveront des difficultés à subvenir au financement d’une politique vaccinale à l’échelle de la planète.
Hélène Joubert, article réalisé en collaboration avec le Pr Odile Launay.
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