“Désormais, mon oxygène ne m’angoisse plus du tout. Au contraire, c’est mon sauveur”
Assez jeune, à l’âge de 37 ans, le diagnostic d’emphysème* est tombé. « A l’époque, il y a 17 ans, je suis célibataire, j’habite aux Baléares en Espagne, je fume depuis une quinzaine d’années et je n’envisage pas d’arrêter seule la cigarette. Je demande de l’aide à mon pneumologue qui me prescrit des substituts nicotiniques à cette intention. J’arrête en quelques jours : j’ai le cœur qui s’emballe et je ne me sens vraiment pas bien ».
Rentrée en France en 2007, Marie-Josée tombe amoureuse en 2010, et comme la vie sous oxygène est incompatible à son sens avec une relation forte et durable, elle se tourne vers un psychologue. Lequel la rassure et la renvoie vers son pneumologue qui insiste sur le fait que l’arrêt du tabac a déjà bien éloigné la menace des bouteilles d’oxygène – son angoisse de toujours, renforcée par le décès de son père qui vivait en permanence sous oxygène à cause d’une BPCO- mais qui l’enjoint fortement à se mettre à l’activité physique. Elle se décide, sous la supervision d’un coach à domicile, faute d’endroit sécurisé adapté aux différentes pathologies, comme c’est plus souvent le cas aujourd’hui. « L’idéal aurait été alors de suivre une réhabilitation respiratoire pendant un mois, sur les conseils de mon médecin. C’était malheureusement impensable car je cumulais deux travails, un poste salarié à mi-temps en tant que secrétaire et une société de loisirs qui m’occupait chaque fin de semaine ». Au final, entre opérations (acromioplastie des deux épaules à un an d’intervalle) et conséquences physiques du manque d’oxygène (suites post-opératoires complexes etc.), Marie-Josée doit abandonner sa société. La dyspnée est de plus en plus forte : « je m’étouffe depuis si longtemps que je m’y suis habituée, mais le quotidien s’annonce de plus en plus pénible. Mon compagnon porte mon sac à main si je dois marcher longtemps, s’il fait chaud ou froid ou si la côte est un peu pentue. En voyage, les visites sont limitées. Je renonce parfois à monter quelques marches, mais je continue à bouger car je suis encore jeune et j’ai un sacré caractère ! ».
En fin d’année 2016, Marie-Josée est contrainte d’arrêter de travailler. Deux mois après, elle fait une exacerbation de sa BPCO. Le 25 mars 2017, son inquiétude de toujours, la mise sous oxygène, devient réalité. Elle se trouve alors dans une clinique en altitude dans les Pyrénées pour une rééducation à l’effort et l’apport en oxygène est indispensable. Elle panique, ne cesse de pleurer, désespérée car le spectre de l’oxygène s’est concrétisé. En pleine détresse, une infirmière sait enfin trouver les mots pour la réconforter et amorcer l’acceptation d’une vie sous oxygène : « c’est pour votre bien, c’est un médicament comme un autre. Vous irez mieux car votre corps souffre à cause du manque d’oxygène ». En effet, elle s’essouffle toujours autant mais sa qualité de vie s’est améliorée. C’est aussi lors du séjour dans cette clinique qu’elle apprendra enfin le maniement des inhalateurs, de nombreuses astuces pour respirer correctement, la manière dont gérer son stress et se protéger des infections, comment éviter les polluants ménagers, faire attention aux produits d’entretien, effectuer sa toilette nasale et bronchique mais également à mieux connaître ses droits, en particulier l’accès à une kinésithérapie respiratoire. C’est aussi dans cette clinique que l’on découvre qu’elle souffre du syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS). A son domicile, une machine de pression positive continue (PPC) côtoie alors celle qui lui délivre son oxygène. « Tout un appareillage difficile à encaisser, reconnaît-elle. Mais la PPC est rapidement abandonnée, car je m’enrhume. Je conserve donc mon oxygène la nuit et mon pneumologue m’oriente vers d’autres techniques comme la kinésithérapie linguale, le « night balance » pour le traitement de l’apnée positionnelle, et l’orthèse mandibulaire que je ne supporte pas non plus. Fort heureusement, j’ai la chance d’être aimée d’un compagnon aux petits soins et compréhensif. Pour surmonter la baisse de moral et probablement un épisode dépressif, je me suis tournée vers l’hypnose et l’EMDR pour « eye movement desensitization and reprocessing » [la désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires dont la finalité est de retraiter des vécus traumatiques non digérés à l’origine de divers symptômes, parfois très invalidants, ndlr].
En parallèle, comme Marie-Josée a trop souffert du manque d’information pendant de nombreuses années, elle s’est formée en éducation thérapeutique du patient pour aider les autres. Elle s’implique de façon croissante dans la vie associative et collabore avec l’Association BPCO. « J’ai participé à la création d’une heure d’activité physique adaptée à Cenon à côté de Bordeaux subventionnée par Gironde Département et portée par l’US Cenon. J’ai aussi créé une liste des lieux bordelais où réaliser son activité physique adaptée (APA) qui est distribuée pour le moment par le Centre d’Education Thérapeutique de Bordeaux Aquitaine (CETBA) et en ligne sur le site de l’Association BPCO**. Les situations compliquées où les patients doivent se battre sont fréquentes. Pour apporter ma contribution, j’espère intégrer le cursus 2018-2019 de Patient-expert à l’Université des patients ».
Propos recueillis par Hélène Joubert.
*Un emphysème est une distension anormale du poumon qui ne revient pas à sa position de départ près l’inspiration, réduisant considérablement l’air expiré, limitant le moindre effort lorsqu’il est important.