C’est le chiffre choc du Baromètre santé 2017 paru le 29 mai 2018*. Un million de fumeurs quotidiens a écrasé sa dernière cigarette sur une période d’un an. 26,9% des Français fumaient quotidiennement en 2017 contre 29,4% en 2016. Avec des différences notables selon les régions mais aussi les classes d’âge et le sexe : le tabagisme a reculé de 44% à 35% chez les hommes de 18 à 24 ans. Il stage à 28,8% chez les femmes du même âge alors que cette habitude régresse chez les plus âgées (de 55 à 64 ans), passant de 21% à 18%.
La baisse du tabagisme s’observe surtout chez les personnes ayant les niveaux de diplômes et de revenus les moins élevés et parmi les demandeurs d’emplois. Ceci est d’autant plus intéressant qu’il s’agit des populations qui fument le plus. Pour donner un exemple, les ouvriers (36,4%) fument beaucoup plus que les cadres (15,9%).
Ces chiffres prometteurs sont à mettre en parallèle avec l’impressionnante progression des ventes de traitements d’aide au sevrage tabagique (+28,5% entre 2016 et 2017) et la chute des ventes de tabac en France métropolitaine de 1,4% par rapport à 2016. Si je suis totalement d’accord avec notre ministre de la Santé, Agnès Buzyn, pour qui ces résultats sont « encourageants » parce qu’ils marquent « une rupture », ces avancées ne sont pas homogènes dans la population et il faut faire attention à l’augmentation des ventes de tabac à rouler. Moins cher, sa consommation ne cesse d’augmenter depuis 2010 et concernait 18,7% des fumeurs en 2017, surtout les jeunes. Lesquels pensent à tort qu’il est moins nocif pour leur santé que la cigarette ! L’industrie du tabac n’est jamais loin pour regagner des parts de marché. L’augmentation attendue du prix du tabac à rouler est donc la bienvenue. Il faudrait à terme l’aligner sur celui du tabac manufacturé. De plus, il ne faut pas fermer les yeux sur les fortes inégalités régionales. Seules deux régions ont connu des baisses significatives de consommation quotidienne de tabac depuis 2014 : l’Île-de-France et la Normandie.
L’entrée dans le tabagisme recule
Une bonne nouvelle, essentielle, est que le tabagisme a moins la cote à l’adolescence, âge propice à l’expérimentation du tabac : la part des jeunes de 17 ans qui ont expérimenté la cigarette a chuté de 68 % en 2014 à 59 % en 2017. Le recul de l’âge de l’expérimentation est plus modeste, passé de 14 ans à 14,4 ans entre 2014 et 2017. Alors que le tabagisme quotidien des adolescents de 17 ans a reculé de 23% entre 2014 et 2017, un adolescent sur quatre fume désormais tous les jours (enquête Escapad)**.
Le Programme national de réduction du tabagisme 2014-2019 fait ses preuves
Ces résultats sont le produit de l’ensemble des mesures qui convergent toutes vers un même objectif, réunies dans le PNRT à savoir l’instauration du paquet neutre et les messages de « contre-marketing » afin de dénormaliser le tabac, l’augmentation du forfait de prise en charge des substituts nicotiniques à hauteur de 150€ (auparavant de 50€) [désormais remboursés en officine comme n’importe quel médicament, ndlr], l’élargissement de la prescription des substituts au-delà des seuls médecins, aux infirmières de prévention, aux sages-femmes, aux chirurgiens-dentistes etc., mais aussi l’augmentation forte du prix du tabac dont les expériences successives ont confirmé l’efficacité sur la réduction du nombre de fumeurs (mais qui n’est pas pérenne du fait des stratégies de contournement de l’industrie du tabac) ou encore la mise en place du grand évènement national médiatique de prévention intégrée d’aide au sevrage tabagique du mois de novembre : « Mois sans tabac ». 16% des fumeurs ont tenté l’arrêt du tabac pendant au moins 24 h au dernier trimestre 2016 et 380 000 en lien avec l’opération Mois sans tabac. 18% l’étaient encore au moment de l’entretien (janvier-juillet 2017).
Le Mois sans tabac a le mérite de parler de l’arrêt du tabac car l’on sait que quiconque a essayé d’arrêter une fois ne sera jamais plus un fumeur satisfait. Il réessaiera à un moment donné.
Toujours selon les chiffres parus en mai dernier, on s’aperçoit que la cigarette électronique sert les tentatives de sevrage tabagique : la moitié des personnes qui font une tentative d’arrêt a recours à une aide extérieure comme la cigarette électronique (26,9%), les substituts nicotiniques (18,3%), les professionnels de santé (10,4%) et le site Tabac info service (9,1%).
Enfin, pour revenir au paquet neutre standardisé (recommandé par la Convention-Cadre de l’OMS), un argument en faveur de son efficacité est l’expérience australienne où il a été observé la diminution de la consommation de tabac, la baisse de l’initiation au tabagisme des jeunes et une meilleure prise en compte des méfaits des produits du tabac. D’autres informations proviennent d’un sondage de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies, publié le 31 mai 2018 lui-aussi à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac. Le paquet de cigarettes neutre semble laisser relativement indifférents les fumeurs de 17 ans. Cette mesure pourrait, chez les adolescents, contribuer davantage à prévenir l’initiation au tabagisme qu’à favoriser l’abandon du tabac, selon l’analyse**.
L’Association BPCO continue de soutenir activement toutes ces initiatives. Elle sera bientôt membre de l’Alliance contre le tabac.
Et comme nous sommes au début de l’été, je vous souhaite de bons moments récréatifs, pourquoi pas en terrasse. Ils seront encore meilleurs sans fumée de cigarette. Pour cela, vous pouvez identifier les terrasses ayant adhéré à la nouvelle Charte « Ma terrasse sans tabac ».
Dr Frédéric Le Guillou, président de l’Association BPCO
*Bull Epidémiol Hebd. 2018;(14-15):262-4.
** 7.299 Français de 17 ans entre novembre 2016 et février 2017
https://www.ofdt.fr/enquetes-et-dispositifs/escapad/escapad-paquet-neutre/