Le début du mois d’avril a été marqué par le lancement des débats parlementaires autour de la loi dite de modernisation du système de santé, présentée par la ministre de la Santé, Mme Marisol Touraine, en conseil des ministres le 15 octobre dernier. Le premier volet de cette loi, qui devrait être adoptée selon une procédure accélérée, concerne la prévention. Dans ce cadre les députés ont eu à examiner une série d’amendements au texte, amendements qui visaient à bloquer – les cigarettiers ont été particulièrement actifs à cet égard – ou à permettre d’appliquer les principales dispositions du Programme National de Réduction du Tabagisme (PNRT) présentées en septembre dernier.
Les débats sur la prévention du tabagisme ont commencé début avril dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale non sans une pression extérieure forte des cigarettiers qui a conduit à ce qu’aucune amendement n’ait été déposé en faveur de la lutte contre le tabagisme par l’oppostiion UMP. “Les stratégies sont multiples mais l’objectif reste le même : empêcher par tous les moyens l’adoption du paquet neutre pour les produits du tabac”, ont souligné en préambule aux débats le Comité national contre le tabagisme (CNCT), l’Alliance contre le tabac et Droits des non Fumeurs (DNF). Les trois associations, dans un communiqué de presse commun, ont déploré qu’une trentaine d’amendements aient été déposés “pour supprimer, restreindre ou reporter le paquet neutre”, qui est l’une des mesures phare du programme de lutte contre le tabagisme dévoilé l’an dernier par le gouvernement. La manoeuvre aura cependant échoué, puisqu’aux termes de débats houleux, les députés ont tranché : à partir de 2016, les paquets de cigarettes devront être neutre, c’est à dire avoir tous la même forme, la même taille, la même couleur et la même typographie, et ne mentionner aucun logo. Ces paquets neutres ont déjà été introduits pour la première fois en Australie fin 2012. L’Irlande a voté en février une loi pour l’imposer, suivie tout récemment par le Royaume-Uni. Les cigarettiers ont aussitôt menacé d’actions en justice, et les buralistes, qui mènent une campagne à grand renfort d’affiches, proclament “oui à la prévention, non à la punition”.
L’ancien député UMP et Président de l’Alliance contre le Tabac, Yves Bur, a souligné que « malgré une opposition totalement shootée aux arguments des multinationales de la mort, et inspirés par le délire contrebandier de la Confédération des buralistes, les détracteurs du paquet neutre ont échoué… Quelle satisfaction que cette adoption par l’Assemblée Nationale, quand on connaît la puissance du lobbying des industriels du tabac ! »
Pour limiter l’entrée dans le tabagisme des jeunes, les députés ont également renforcé l’interdiction de la vente du tabac aux mineurs. Les majeurs devront présenter une pièce d’identité pour prouver leur âge. Les députés ont aussi voté l’interdiction de fumer dans les voitures transportant des moins de 18 ans, alors que le texte initial voté en commission ne concernait que les moins de 12 ans (un amendement présenté par l’UDI a relevé cet âge). De plus, Ils ont interdit l’installation d’un débit de tabac autour d’un établissement scolaire à une distance inférieure “à un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat”, ont approuvé des mesures de transparence sur les actions de lobbying des industriels du tabac, et élargi l’interdiction du mécénat des industries du tabac. Enfin, Ils ont aussi voté, contre l’avis du gouvernement, la création d’une taxe que devrait acquitter l’industrie du tabac si son chiffre d’affaires augmente ou ne diminue pas assez (de moins de 3 % par an).
Selon Olivier Véran, rapporteur de la loi, ce chiffre de 3 % correspond à l’objectif de baisse de la consommation de tabac de la “Stratégie nationale de santé”, et le produit de la contribution servira à “financer les actions de lutte contre le tabac”. Le taux de la contribution des cigarettiers, assise sur le chiffre d’affaires (diminué de l’ensemble des autres droits et taxes acquittés), devrait être fixé chaque année dans le budget de l’Etat.
Deux normes pour la e-cigarette
Enfin, l’Association française de normalisation (Afnor) a présenté le 2 avril les deux premières normes volontaires de fabrication de cigarettes électroniques et de liquides, élaborées en concertation avec l’ensemble des parties prenantes du secteur, ce qui constitue une première mondiale. La norme XP D90-300-1, pour les cigarettes électroniques, et la XP D90-300-2, pour les liquides, définissent un certain nombre de critères techniques de sécurité sur lesquels pourront s’appuyer les fabricants. Elles établissent également les informations à communiquer aux consommateurs pour garantir le maximum de transparence sur les produits.Ces deux normes sont le résultat d’une demande formulée en avril 2014 par l’Institut national de la consommation, qui souhaitait que le vapotage soit mieux règlementé à un moment où des études montraient que cette nouvelle pratique n’était pas sans danger pour la santé. Les fabricants pourront s’appuyer sur ce cahier des charges pour se déclarer puis se faire certifier s’ils le souhaitent, avant que la directive européenne sur les produits du tabac ne les y oblige en 2016.
“C’est une forme d’autorégulation du secteur”, a souligné Olivier Peyrat, directeur général du groupe Afnor. ” Un an de cigarette électronique c’est un jour de tabagisme”, a précisé de son côté Bertrand Dautzenberg, en ajoutant que “l’intérêt de tous est d’avoir un produit de qualité.”
La norme pour les liquides concerne davantage la France dans la mesure où ces derniers sont la plupart du temps fabriqués dans l’Hexagone. Elle exige que les ingrédients utilisés soient de qualité pharmaceutique et de haute qualité alimentaire pour l’alcool et les mélanges aromatisants. Sont interdites toutes les substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques. Le flacon ne doit pas libérer de bisphénol A et doit être équipé d’un bouchon de sécurité en plus d’un bouchon compte-gouttes.
JJC
NB : Le marché français du vapotage est le premier en Europe, avec 1,5 million d’utilisateurs réguliers, 3 millions avec les vapoteurs occasionnels. C’est le deuxième dans le monde derrière les Etats-Unis.