Finançons collectivement l’APA !
Dans le dernier rapport « Charges et produits » de la CNAM, intitulé « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses : les propositions de l’Assurance-maladie pour 2024 », il est bien entendu que vous souhaitez une prise en charge financière des prestations de l’activité physique adaptée (APA), et non de l’activité physique au sens large, à l’échelle de la population ?
C’est à mon sens un sujet porté au niveau national de manière insuffisamment précise. Il est difficile d’envisager de financer l’activité physique pour l’ensemble de la population française. Je suis fermement convaincue, en tant que médecin engagé dans la santé publique, qu’il est crucial de travailler sur les compétences individuelles. Cela concerne notamment la compréhension par chacun de ses capacités à agir sur son état de santé par son comportement. Nous avons tendance à privilégier le système curatif, sans suffisamment insister auprès de la population sur la nécessité de la prévention par l’activité physique et par une alimentation saine. C’est davantage qu’un simple « plus ». C’est fondamental et c’est efficace. Un important effort pédagogique est nécessaire. Il faut accompagner les individus dans l’acquisition de compétences pour qu’ils comprennent que le meilleur moyen de préserver leur santé est de mener une vie saine, et non de recourir à des médicaments.
Nous préconisons en revanche le financement de l’activité physique adaptée (APA), pour l’instant indiquée et financée dans certaines pathologies, comme consigné dans notre rapport « Charges et produits » pour 2024, adopté en juillet 2023. L’Assurance-maladie propose d’ouvrir le remboursement, en lien avec les organismes complémentaires, de cycles de prestations d’activité physique adaptée, visant à inciter une pratique au long cours, auprès de personnes atteintes de cancer ou de diabète pour lesquelles l’APA est indiquée par la Haute autorité de santé (HAS), ceci sur prescription d’un médecin, lorsque leur état de santé le justifie. Il s’agit d’une première étape, qui vise à évaluer la pertinence de cette prise en charge en vie réelle et à accompagner le développement de cette offre de soins.
Quelle est la finalité de cette prise en charge financière ?
L’enjeu réside dans la manière dont ce financement influe, et dans quel cadre il opère. Du point de vue de la CNAM, c’est une intervention du système de soins visant à encourager l’adoption de comportements de santé durables, et, c’est important de le souligner, dans le cadre d’un parcours coordonné pluriprofessionnel, avec une coordination entre le professionnel de l’APA et le professionnel prescripteur. A ce stade, il s’agit du médecin. Nous attendons le 17 novembre et le vote au Sénat de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2024 pour obtenir davantage d’informations.
Nous avons porté cette mesure du remboursement des programmes d’APA thérapeutique chez les personnes souffrant de diabète et de cancer pour commencer, car l’Assurance-maladie y voit le moyen de soutenir temporairement les comportements visant à améliorer la santé, incitant ainsi les individus à prendre des habitudes d’activité physique adaptée à leur situation clinique. Nous concentrons nos ressources sur des domaines où un financement temporaire peut influencer les comportements des individus, les incitant à débuter ce processus vers des habitudes plus saines. En fin de compte, notre objectif est de susciter la motivation en encourageant divers moyens d’activités, car l’expérience prouve que ces incitations peuvent transformer la vie des individus. Le développement important du nombre de structures et de professionnels prodiguant l’APA nous permet de l’envisager sereinement. La demande créera l’offre assez rapidement, surtout si les séances d’APA sont effectivement financées.
Pouvez-vous dessiner les contours de l’APA telle que la CNAM la conçoit ?
L’idée est de financer un nombre déterminé de séances, réparties en 2 séances par semaine sur une période de 3 mois, avec un modèle précis qui reste à définir, décliné selon les pathologies.
Ces séances sont conçues pour encourager les individus à reprendre une activité physique, adaptée à leurs contraintes. On peut envisager que ces séances s’adressent ensuite à des patients souffrant d’insuffisance respiratoire ou d’autres affections chroniques. L’objectif est de mobiliser des patients partageant des inquiétudes similaires légitimes et des limitations communes concernant l’activité physique. En effet, ces séances ont vocation à être réalisées en groupe et à évoluer progressivement sur une période de 3 mois, pour ensuite être reprises de manière individuelle, ce qui n’empêchera pas une organisation associative pour entretenir la motivation des participants. Il existe déjà diverses possibilités, telles que des randonnées collectives ou des activités aquatiques. Un point crucial est que ces séances soient prescrites et encadrées par un médecin, clarifiant les limites et les recommandations en matière d’activité physique adaptée. Car il est bien évidemment essentiel de garantir la sécurité des participants en veillant à ce que les exercices soient appropriés à leur situation médicale. Ainsi, cela prend tout son sens d’offrir ce programme encadré aux personnes atteintes de pathologies sérieuses, assurant une reprise de l’activité en toute sécurité, notamment pour ceux qui n’ont jamais pratiqué d’exercice auparavant. A ce propos, une intervention complémentaire de soutien psychologique peut également être très utile : Le triptyque activité physique / alimentation / aspect psychologique, déjà développé par l’Assurance Maladie pour la prévention du surpoids chez l’enfant dans le cadre du programme Mission retrouve ton cap, est essentiel.
Livre des 16es Rencontres Santé respiratoire France : retour au sommaire