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Les BPCO professionnelles

Si le tabagisme reste sans conteste le facteur étiologique toxique de la BPCO (85% des cas), il existe néanmoins d’authentiques BPCO d’origine professionnelle. On estime qu’environ un cas de BPCO sur sept est survenu à cause d’un facteur professionnel, chiffre le Pr Pascal Andujar, du service de pathologies professionnelles et de l’environnement (Centre hospitalier intercommunal de Créteil) et chercheur Inserm (U 955, équipe 4).

Les BPCO professionnelles ne se distinguent pas, a priori, des BPCO d’origine tabagique sur le plan clinique, radiologique, fonctionnel ou anatomique. Il n’y a peu ou pas de marqueurs biologiques pouvant attester d’une telle exposition.

Dans les études conduites en population générale, la relation entre exposition professionnelle et bronchite chronique mais aussi trouble ventilatoire obstructif est parfaitement démontrée pour les poussières. Ces relations sont “probables” et “possibles” pour les gaz et les fumées, respectivement.

Globalement, la fraction de risque attribuable à une cause professionnelle est d’environ 15% pour la BPCO, soit environ 500 000 personnes en France. Cela signifie que si l’exposition professionnelle à risque n’avait pas existé, ces personnes n’auraient pas développé de BPCO, quel que soit leur tabagisme. Le second constat important est l’effet synergique entre le tabagisme et les expositions professionnelles à risque dans la survenue de la BPCO (1).

La durée d’exposition et la concentration atmosphérique en particules minérales (secteur minier, fonderie-sidérurgie, BTP, cimenteries) ou organiques (endotoxines, moisissures : milieu céréalier (ouvriers des silos), producteur laitier, élevages de porcs ou de volaille, industrie textile) sont les principaux secteurs professionnels à risque de BPCO professionnelle. Ils sont à coupler avec des facteurs de risques individuels tels qu’une hyperréactivité bronchique, la survenue de symptômes aigus lors de l’exposition ou encore des épisodes obstructifs transitoires.

 

5 grands secteurs d’activité à risque avéré de BPCO

 

– Secteur mine de charbon/cokeries (unités de production du coke, combustible obtenu par pyrolyse de la houille dans un four à l’abri de l’air).

Plusieurs études ont mis en évidence dans ce secteur d’activité de façon significative une augmentation des symptômes de bronchite chronique (toux et expectoration) ainsi qu’une diminution de la fonction respiratoire (VEMS). Les analyses portant sur d’importantes cohortes de mineurs de charbon ont trouvé des prévalences élevées de bronchite chronique et de troubles ventilatoires obstructifs, corrélés à l’exposition, ainsi qu’un déclin accéléré du VEMS. L’effet de la poussière de mine sur la fonction respiratoire semble être du même ordre de grandeur que le tabagisme (2). Lors d’autopsies, il a été constaté des emphysèmes centro-lobulaires, même chez les non-fumeurs. L’étendue de l’emphysème a même été reliée à l’exposition en poussières de charbon.

Le risque est globalement augmenté chez tous les mineurs (or, fer, potasse) et leur caractéristique commune est d’être exposé à la silice. La silice est la forme naturelle du dioxyde de silicium (SiO2) qui entre dans la composition de nombreux minéraux. Elle favorise le développement de la bronchite chronique, de l’emphysème et de maladies des petites voies aériennes.

 

-Fonderie/sidérurgie

Les nuisances rencontrées dans ce secteur d’activité sont des particules minérales (poussières métalliques, charbon, silice), des fumées et des gaz (oxydes de soufre et d’azote) et de fortes températures. L’association entre l’exposition aux poussières et le déclin rapide du VEMS est désormais incontestable.

 

-Bâtiment et travaux publics (BTP)

C’est l’un des secteurs où le nombre de cas de BPCO attribuables à une exposition professionnelle est le plus important en France. Les ouvriers du BTP sont exposés à de nombreuses nuisances, notamment : des particules dont la silice, les fumées de gaz d’échappement de moteurs Diesel, les intempéries, les oxydes d’azote et les brouillards d’huile.

Dans le secteur du bâtiment, une vaste étude suédoise (3) avait montré que les expositions cumulées aux poussières respirables dont à la silice était l’un des facteurs de risque les plus importants pour expliquer le déclin de la fonction respiratoire et les symptômes respiratoires dans cette cohorte. Des études anciennes ciblées sur deux activités ont montré que les ouvriers des tunnels et les asphalteurs et les étancheurs sont à risque de BPCO. L’asphaltage des routes est considéré comme une activité professionnelle à risque avéré de BPCO. Exposés aux fumées d’enrobés routiers et aux gaz d’échappement des machines et de la circulation (Diesel et essence), ces ouvriers souffrent plus fréquemment que les autres de symptômes respiratoires et d’une fonction respiratoire abaissée.

 

-Industrie textile

Les ouvriers de l’industrie textile sont exposés à des microorganismes bactériens et fongiques (champignons) et aux endotoxines bactériennes (toxines situées dans la membrane externe de certaines bactéries). Ceux travaillant dans la filière du coton sont les plus à risque, a fortiori en début de chaîne (ouverture des balles, battage etc.). Le risque existe également pour la filière lin, chanvre, sisal et jute, dans une moindre mesure comparé au coton.

Selon les études, environ 10 à 15% des ouvriers de l’industrie textile souffrent de bronchite chronique et jusqu’à 65% pour les travailleurs les plus exposés. Le déclin annuel de la fonction respiratoire est de l’ordre de 30 à 70 mL/an.

 

-Activités agricoles

La prévalence de la BPCO chez les agriculteurs est estimée à 5% (4).

Le milieu céréalier est fortement impacté, en particulier les ouvriers des silos. Il a été constaté une augmentation de la prévalence des bronchites chroniques et un déclin de la fonction respiratoire. Une relation effet-dose existe entre le niveau d’exposition aux poussières de céréales et les symptômes respiratoires ou l’altération de la fonction respiratoire. Plus l’exposition est durable, plus le déclin de la fonction respiratoire est important. Ce déclin accéléré de la fonction respiratoire est dû principalement aux endotoxines bactériennes.

Dans la production laitière, on constate également une plus grande fréquence des bronchites chroniques et un déclin accru -de façon modeste- de la fonction respiratoire, plus important avec la durée d’exposition. La responsabilité des concentrations atmosphériques élevées de microorganismes chez les éleveurs travaillant dans des locaux confinés est établie.

Le constat est identique dans les élevages de porcs. Dans les élevages de volailles, il a été montré une corrélation entre le risque de BPCO et la concentration en particules et la durée d’exposition.

 

-Autres activités associées à un risque probable ou possible de BPCO

Le secteur de la cimenterie serait à risque de BPCO avec une relation dose-effet. Le lien entre l’activité et la survenue de BPCO n’est pas encore bien établi pour les secteurs du travail du bois, du soudage et de l’usinage des métaux, même si un lien fort avec l’apparition de bronchites chronique a été suggérée par plusieurs études.

 

Une sous-reconnaissance des BPCO professionnelles

Le nombre de cas de BPCO reconnus comme maladies professionnelles en France (régime général de la Sécurité sociale, régime minier, régime agricole) est passé de 88 cas en 1995 à 28 cas en 2013 (5). Un contraste important entre le nombre de cas annuels de BPCO professionnelles qui serait de plusieurs dizaines de milliers (6,7). Ceci est dû notamment aux conditions de réparation très restrictives pour les affections hors tableau, qui incluent la prise en compte du tabagisme, éliminant d’office un nombre important d’individus qui pourraient prétendre à une réparation pour des raisons professionnelles mais qui sont fumeurs…

Hélène Joubert

 

Références :

(1) Hu et al. Thorax 2006 ; 61 : 290-5 ; (2) Marine et al. Am Rev Respir Dis 1988 ; 137 : 106-12 ; (3) Bergdalh et al. Eur Respir J 2004 ; 23 : 402-6 ; (4) Guillien et al. Eur Respir J 2016 ; (5) Andujar et Dalphin Rev Mal Respir 2016 ; 33 ; 91–101 ; (6) Rapport juin 2011 de la Commission Diricq instituée par l’article L. 176-2 du code de la sécurité sociale – relative à l’évaluation de la sous-déclaration des pathologies professionnelles ; (7) Rapport au parlement et au gouvernement par la commission instituée par l’article L. 176-2 du code de la sécurité sociale relative à l’estimation du coût réel pour la branche maladie, de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. 30 juin 2017.

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